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Boucheries: des abattoirs en dessous des normes de l’abattage et du traitement de la viande 

Le dieu argent a-t-il rendu les bouchers immoraux et démons ? Jusqu’à vendre de la viande impropre à la consommation aux Guinéens ?

A l’abattoir dans la forêt de Kakimbo, dans la commune de Ratoma en ce début de matinée du 4 juin 2023. Ici, c’est le même rituel. Chaque jour on assiste à un ballet incessant d’apprentis-bouchers transportant des carcasses de bovins et des ovins sur leurs épaules, dans des tenues inadaptées. Quand ces carcasses ne sont pas transportées sur les épaules, elles sont convoyées dans des taxis ou des brouettes souvent sans aucune mesure de précaution. Et ces jeunes apprentis n’ont que faire de l’hygiène. Le plus important pour eux, c’est comment gagner leur recette journalière.

« ….C’est la course contre la montre. On doit faire vite pour gagner en temps et se faire un peu d’argent. Plus tu es rapide, plus tu gagnes beaucoup d’argent. Je peux gagner 50.000 ou 100.000francs guinéens par jour, surtout pendant la période des fêtes de Ramadan et de Tabaski », nous raconte Alpha  A. B, un jeune apprenti-boucher chargeur des taxis et autres pousse-pousse pour les marchés environnant.

Outre les clients, certains commerçants qui se ravitaillent en viande dans cet abattoir se préoccupent moins de la sécurité alimentaire. « Quand tu viens chercher de l’argent, il ne faut pas dire que le coin soit sale. On vient ici par défaut d’un abattoir digne de nom ! Que faire ? On est obligé pour le moment de venir se ravitailler ici dans la boue des eaux usées. Partout il y a de la saleté, nous le savons bien. Même à l’intérieur où ils abattent l’animal, c’est le comble. Pire, les gens arrivent à manger dans ces lieux insalubres. On est habitué. C’est notre travail », lâche une cliente rencontrée sur les lieux. Celle-ci nous apprend qu’elle vend des triples, des pieds et la queue de bœuf au marché de Kaporo. Et que depuis la fermeture de l’abattoir de Coléah, elle est fréquente dans cet abattoir de fortune en pleine forêt de Kakimbo à Ratoma-Bonfi.

A Kakimbo et dans plusieurs abattoirs clandestins de la capitale, les normes hygiéniques sont foulées aux pieds. A la Direction Nationale des abattoirs au ministère de l’Elevage, l’on connaît bien le problème. Malheureusement, on refuse d’en parler à la presse.

Selon un docteur vétérinaire rencontré dans les environs du ministère, malgré les nombreuses sensibilisations sur le terrain, certains bouchers continuent de ne pas se conformer aux mesures d’hygiène : « s’il y a une denrée contrôlée de façon rigoureuse, c’est la viande. Si on nous envoie 500 bœufs, chaque bœuf est contrôlé avant et après l’abattage. C’est pareil pour les moutons et pour les cabris. Ensuite, au sortir de l’abattoir, il faut que la viande soit propre avant sa mise en vente. Maintenant où il y a un peu de désordre, c’est au niveau des transports. Ce sont les moyens de transports et de conditionnement qui ternissent l’image du travail fait en amont par les agents vétérinaires. Voilà pourquoi nous devons tous être vigilants. L’Etat joue son rôle. On ne peut pas mettre un agent des services vétérinaires derrière chaque vendeur de viande dans les marchés. Les bouchers doivent être conscients qu’en acceptant les mauvaises pratiques, eux-mêmes se mettent en danger», dira-t-il.

Effectivement selon la loi relative à la sécurité sanitaire des aliments, des végétaux et des animaux, il est recommandé aux opérateurs économiques qui évoluent dans ces secteurs de mettre sur le marché de la viande propre à la consommation. « Pour faciliter la tâche aux opérateurs, certains hommes d’affaires qui s’intéressent à ce secteur ont mis à la disposition des bouchers des camions frigorifiques de très grandes capacités, mais jusque-là, ces camions ne sont exploités que par quelques-uns. On les conseille ces camions frigorifiques pour permettre le transport de la viande dans les conditions d’hygiène. On a tout fait. Mais comme ils s’entêtent, on a engagé la lutte contre le transport de la viande dans des brouettes, des pousse-pousse et des taxis délabrés et hors d’usage », nous apprend le vétérinaire. Notre requête de rencontrer ces opérateurs n’a pas été fructueuse.

Les bêtes mortes lors du transport et dans les parcs vendus aux bouchers

Astaghfiroullah !!! La viande de bœufs, de vaches, de boucs, de chèvres, de cabris de moutons, de brebis, morts de maladie et de fatigue lors de leur transport sur Conakry, livrée aux bouchers pour la commercialisation ? Sacrilège !!! Le dieu argent a-t-il rendu les bouchers immoraux et démons ? Jusqu’à vendre de la viande impropre à la consommation aux Guinéens ? « Les éleveurs, les bouchers, les vendeurs, contournent tous les vétérinaires. Personne ne nous sollicite pour la sécurité sanitaire des bêtes. L’animal est malade ? Ils l’égorgent et ça atterrit dans l’assiette. Les vaches, les bœufs, les chèvres, les cabris, les moutons, les brebis… morts de fatigue ou de maladies se retrouvent dans la marmite des ménagères et des restauratrices. Ils s’enfichent…  La sécurité hygiénique et sanitaire de la viande, ces bouchers véreux  n’en ont cure. Ce qui compte c’est leur recette. Allez dans les parcs très tôt le matin ! Assistez à l’arrivée des camions de moutons ou de bœufs au niveau des abattoirs clandestins qui pullulent à Conakry ! Les bêtes sans vie suite à la fatigue et à la maladie pendant le voyage sont immolées et mélangées avec la viande des animaux saints. C’est écœurant mais c’est la triste réalité. Le bon sens a cédé la place à la cupidité…ça fait mal », s’est exclamée Dr N’natogoma Sidibé, vétérinaire dans un centre privé de la place, à notre micro. C’est une vétérinaire très remontée contre le ministère de l’Elevage que nous avons interrogée lors de notre enquête.

Pour Dr N’natogoma, les vétérinaires ne sont pas pris sur la chaîne de la production animale jusqu’à la boucherie. La quasi-totalité des bêtes en vente et celles égorgées dans les abattoirs ne font l’objet d’aucun contrôle médical. Pire, la viande que nous consommons au quotidien proviendrait  en partie des animaux morts de maladie ou de la fatigue, lors de leur transfert sur Conakry.

Ni les bouchers, ni les cadres du ministère de l’Elevage et même les vendeurs de viande dans les marchés, n’ont accepté de se prêter à nos questions.

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