Depuis l’arrestation de notre confrère Lansana Camara, administrateur général du site Conakrylive.com et correspondant en Guinée de Chine-Nouvelle suite à une plainte du ministre des Affaires Etrangères pour »diffamation », les réactions se multiplient pour exiger sa libération immédiate.
Interrogé sur cette question par Guinéenews, le journaliste-écrivain Boubacar Yacine Diallo est quasiment revenu sur les mêmes propos tenus à nos confrères de radio Espace. Il se dit non seulement triste d’entendre l’emprisonnement d’un journaliste, en violation de la loi sur la presse, mais il va plus loin pour demander une journée sans presse en signe de protestation.
« Je voudrais commencer par dire que je suis triste, triste d’entendre que Lansana, un journaliste, est en prison. Je voudrais simplement rappeler au procureur et au juge que même le nouveau code pénal, qui a été promulgué, renvoie à la loi sur la presse en ce qui concerne les délits commis par voie de presse. Donc, aucun procureur, aucun juge ne peut déposer un mandat de dépôt contre un journaliste. Sauf pour des faits mentionnés dans ladite loi. Ce n’est pas le cas », rappelle Boubacar Yacine Diallo. Et de renchérir : « Je considère cette décision illégale. Je demande à ce que réparation soit faite sans délai ».
La liberté de la presse est consacrée. C’est pourquoi, l’ancien ministre de la Communication estime que la Guinée peut se réjouir d’être un pays qui a dépénalisé les délits commis par voie de presse. Seulement, il dit regretter que des hauts fonctionnaires de l’Etat veuillent mettre cela de côté et puis imposer à des journalistes des violations graves. « Alors je pense que la solidarité agissante des journalistes doit s’exprimer. Et je ne pense pas que les déclarations soient la meilleure chose qui suffise. Il faut condamner de la manière la plus ferme. Mais je pense aussi qu’il faut entreprendre d’autres activités. Par le passé, nous avions entrepris de faire, par exemple, des journées sans presse. Je pense qu’il faut aller au-delà de déclarations qui sont utiles, et engager des actions pour attirer l’attention des pouvoirs publics », indique-t-il.
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Et de poursuivre : « C’est inacceptable aujourd’hui qu’on mette un journaliste en prison. Je condamne fermement et j’espère que les plus hautes autorités vont intervenir d’un moment à l’autre pour que ce journaliste soit libéré. La loi est très claire, quand un délit est commis par voie de presse, le journaliste est soumis à la citation directe 20 jours ou 21 jours après, il est jugé. Ça c’est connu. Alors je pense que la presse doit se lever comme un seul homme pour dire non à la violation de ses droits ».
Lui-même ancien ministre, Boubacar Yacine Diallo se dit étonné d’entendre que des ministres portent plainte contre des journalistes. « C’est leur droit. Sauf que leur fonction ne devrait pas peser dans la balance. Et hélas c’est souvent le cas. Je le déplore », déplore-t-il.
S’il est vrai que le journaliste n’est pas au-dessus de la loi, M. Diallo précise : « Je voudrais simplement rappeler que le journaliste est un citoyen, il n’est pas au-dessus de la loi. Et que quiconque peut porter plainte contre un journaliste. Cela est réglementé dans la loi sur la presse. Donc que quelqu’un porte plainte contre un journaliste, c’est son droit le plus absolu, s’il pense qu’il a été lésé. Ce que je refuse et je condamne, c’est parce que le plaignant est un ministre qu’on a jeté ce journaliste en prison. Alors imaginons que ce soit un simple citoyen qui avait porté plainte, pourquoi donc le juge ne mettrait pas ce journaliste en prison ? Deux poids, deux mesures, je pense que cela est inacceptable », estime le journaliste-écrivain.
Face à la volonté de certaines autorités de restreindre les libertés, Yacine invite les journalistes à plus de courage. « Maintenant qu’il ait la volonté de restreindre les libertés, tous les pouvoirs ont tendance à restreindre les libertés. Mais au total, je voudrais simplement dire aux journalistes de ne pas avoir peur des procès ; parce qu’un journaliste enquêteur n’a pas peur de procès. L’essentiel est qu’il fasse en sorte que le jour où il y a audience, qu’il ne baisse pas la tête. Ça c’est une recommandation que je fais aux journalistes. Parce qu’autant on va demander aux gens de ne pas porter plainte, autant on doit dire aux journalistes aussi de donner une information qu’ils soient capables de défendre lorsqu’il il y a un procès. Donc il y a deux choses. Un, n’ayons pas peur que les gens portent plainte contre nous, c’est leur droit, deux, faisons en sorte qu’ils aient tort, par la qualité et la fiabilité des informations publiées ».
Pour Boubacar Yacine Diallo, le pouvoir doit mettre un frein à l’emprisonnement des journalistes. « A mon avis, il faut stopper l’emprisonnement des journalistes. Et si les gens s’entêtent, il y a des moyens prévus par la profession et par la réglementation. Et dans ces conditions, je n’exclurai pas des journées sans presse, sans radio pour que les gens sachent que s’ils n’y a pas de presse, il n’y a pas de vie. La presse est donc comme une épouse dans le foyer, il faut l’accepter telle qu’elle est », conclu notre confrère.