Comme nous l’avons dit dans la publication précédente consacrée à ce dossier, les récriminations des citoyens à l’encontre des agents sont légion. Que disent alors ces derniers, face à autant d’acharnement dont ils sont l’objet ? Que répondent-ils à ceux qui les accusent de racketter sous tous les prétextes ?
C’est connu. Par essence, les gendarmes ne sont pas loquaces, préférant toujours écouter les autres que parler. Mais, par rapport à ce sujet à controverses, où les passes d’armes ne s’arrêtent guère entre les parties en cause, ils nous donnent leur version des faits, en décrivant simplement le comportement des chauffeurs.
Pour eux, nos concitoyens en général sont allergiques à toute forme de contrôle, celui routier bien compris. En plus, ils sont adeptes du trafic d’influence et de l’intimidation. Des états d’esprit et attitudes qui expliquent les nombreux refus d’obtempérer qu’ils se permettent sur la route. A la moindre question sur les documents du véhicule qu’on leur demande de nous présenter, ils s’empressent de prendre le téléphone pour appeler une autorité qu’ils connaissent qui nous demande de les élargir ou le cas échéant, de leur trouver une circonstance atténuante. Quelquefois, c’est un ordre que nous recevons de les laisser continuer leur voyage.
A chaque incident sur la route, à chaque contrôle, nous entendons des propos du genre : « est-ce que vous me connaissez ? Je suis pressé ! C’est moi un tel ! Mon véhicule est ceci, mon véhicule est cela ; je suis en mission ; j’ai oublié mes papiers », etc.
Ils font beaucoup de bruit et s’agitent sans arrêt. Ils tentent par de longs discours, de nous endormir ou de nous mystifier pour se soustraire au contrôle. La grande majorité des usagers est de cette catégorie.
Certains chauffeurs de transport en commun qui viennent de l’intérieur pour Conakry refusent de s’arrêter quand nous les sifflons. Leurs apprentis nous jettent quelquefois des peaux d’orange ou de bananes en guise de ‘’salutations’’ ou de… moqueries. Ils nous apostrophent du haut de leur véhicule qui roule et nous crient des propos outrageants : « qu’est-ce que vous faites ici ? Il n’y a rien à contrôler. Rentrez chez vous ! Nous, c’est le c’est le syndicat seul qui nous contrôle. Vous avez compris ? »
Poursuivant, les agents diront que les comportements des usagers ne s’arrêtent pas là. En général, très peu parmi eux sont en règle du point de vue des documents administratifs afférents à la conduite de leur véhicule. Beaucoup n’ont ni permis, ni carte grise. Encore moins l’assurance et le reste. Quand vous les interpellez, ils ont mille arguments à placer et lorsqu’ ils sont verbalisés, ils crient à l’abus et à la méchanceté, parce que disent-ils, c’est comme ça qu’ils ont toujours roulé depuis des années, sans problème. C’est vous qui voulez leur en créer un.
Quand la discussion s’allonge, les passagers débarquent du véhicule pour prendre la part du chauffeur, sans chercher à comprendre. Souvent, ils tiennent des propos que nous préférons garder pour nous.
En règle générale, la gendarmerie routière n’installe pas de barrage. Pour un contrôle routier efficace, il faut la mobilité. C’est peut-être même pour cela que les populations désignent nos unités sous la vocable brigade mobile. Nos opérations se fondent essentiellement sur cette mobilité qui permet d’effectuer des contrôles inopinés partout sur le réseau routier. L’effet recherché est la surprise. Elle est à la fois préventive et dissuasive. Elle permet de prendre l’usager sur les faits, ce qui évite toute discussion. Grâce à la mobilité, nous pouvons rencontrer le conducteur de façon inopinée, le rattraper pendant qu’il roule, ou attendre qu’il nous trouve dans un lieu insoupçonné.
Les points de contrôle que nous signalons par des panneaux « halte gendarmerie » ne sont jamais permanents. Ils permettent juste d’opérer des contrôles ponctuels à durée variable, que nous délocalisons, aussitôt la mission accomplie.
Avec les barrages, le problème est que les usagers savent qu’ils les trouvent toujours à un endroit fixe connu de tous. Aussi, dans bien des cas, peuvent-ils frauder en les contournant tout simplement, pour reprendre leur chemin et leurs infractions, plus loin.
Comment résoudre cet épineux problème ?
C’est une des questions auxquelles les nouvelles autorités auront à faire face sans tarder. La gestion du transport est très sensible pour être occultée ou reléguée au second plan. La contradiction sur l’opportunité ou pas du maintien des barrages tient à l’idée que chaque partie se fait de ce dispositif. Les uns mettent la sécurité en avant, pendant que les autres trouvent que c’est juste un subterfuge qu’on utilise pour donner le change. Au lieu de la sécurité déclamée, c’est plutôt une source d’enrichissement illicite que l’on institue et par ricochet, une zone de contraintes qu’on impose aux automobilistes. Lesquels crient et se plaignent d’être retardés et grugés. Pendant ce temps, le trésor public attend vainement que les amendes arbitrées tombent dans ses caisses.
Et quand l’un des camps dit de l’autre qu’il n’est jamais en règle, la réplique ne tarde pas : « bien entendu que vous ne nous encouragez pas à nous mettre en règle, quand vous nous dites que vous ne mangez pas les papiers ». Vous préférez ‘’arranger’’ et laisser passer ceux qui n’ont pas les documents au complet. Qui dit vrai ? Qui exagère ? La polémique a encore de beaux jours devant elle.
Une solution est pourtant envisageable. Elle passe par l’équipement de la gendarmerie routière en moyens roulants, comme on l’a fait, à sa création en 2011.
A l’époque, disposant d’une centaine de motos mises à leur disposition, les gendarmes ont entrepris de sillonner jour et nuit les routes en rase campagne. En peu de temps, les infractions au code de la route ont été nettement réduites et, partant, le nombre des accidents a sensiblement baissé. De même, la capacité de nuisance des coupeurs de route a été réfrénée et la nécessité d’installer des barrages routiers, sources de toutes ces polémiques, ne s’est plus imposée aux décideurs. Du coup, chacun a trouvé son compte et tout le monde a été satisfait.
En raison de la sensibilité du sujet et tenant compte de la transition que vit notre pays depuis le 05 septembre 2021, il est à espérer que les nouvelles autorités se saisissent de ce dossier en vue de lui trouver une solution rapide et pourquoi pas, définitive.