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Avoir « un enfant hors mariage » au Foutah Djallon: un sujet tabou (reportage)

Un sujet très difficile à aborder dans une région fortement religieuse. Pourtant, le phénomène est bel et bien une réalité dans la société foutanienne à l’instar des autres communautés de la Guinée. Sauf que dans la sainte cité de Karamoko Alpha mo Labé, le sujet des enfants nés hors mariage communément appelé ailleurs « bâtards » est un tabou difficile à percer. Qu’à cela ne tienne, la rédaction régionale de Guinéenews a voulu relever ce défi en allant vers la population  mais aussi et surtout la gent féminine qui est très souvent marginalisée voire rejetée dans des situation du genre.

En effet dans l’éducation traditionnelle du Foutah Djallon il est inadmissible et inconcevable qu’une fille et un garçon entretiennent des relations intimes en dehors du lien sacré qui est le mariage. A cela s’ajoute le poids de la religion musulmane qui est intransigeante sur ce point. Aucune relation hors mariage de quelque nature que ça soit n’est permise par l’islam. Pourtant, le concubinage, puisque c’est de ça qu’on parle est une réalité dans cette région.

Concubinage/copinage au Foutah !

Si on se fie à un petit micro trottoir réalisé sur place par les reporters de Guinéenews ; sur une dizaine d’adolescentes rencontrées, 98% d’entre elles confirment avoir  un petit ami. « Oui évidemment j’ai un petit ami qui est beaucoup plus un ami qu’un amoureux. Et cela est pratiquement une réalité chez la plupart des mes amies. C’est une personne avec laquelle je partage plein de choses, une personne qui est permanemment là pour moi et qui est prête à me défendre devant n’importe quelle situation », soutient une lycéenne qui a requis l’anonymat.

Alpha Diallo, professeur de sociologie estime que c’est un couteau à double tranchant : « vous savez, c’est une chose qui facilite l’émancipation des jeunes si toutefois la relation est gérée avec des limites bien précises. Je n’encourage pas cela, mais j’avoue que ça aide les jeunes, ça les prépare à faire face à leur vie future. Donc, en soi ce n’est pas une mauvaise chose. Les parents doivent juste redoubler d’effort dans l’éducation de leur progéniture ; surtout au niveau de l’éducation sexuelle », souligne-t-il.

Sauf que très souvent, ces relations se solidifient et se perpétuent malgré tous les interdits de la société. « J’ai régulièrement des problèmes avec mon mari qui continue toujours à voir sa petite amie d’enfance. On a tout fait mais jusque là impossible de les séparer ; ils sont tout le temps ensemble et parfois même jusqu’à des heures tardives. J’ai même menacé de le quitter mais ça n’a pratiquement rien changé, alors que mes amies se moquent de moi quotidiennement », regrette cette jeune femme qui a préféré rester dans l’ombre.

Grossesses hors mariage !

Une situation qui n’est pas sans conséquence sur la vie de ces jeunes en particulier mais aussi et surtout sur la société en général. La principale conséquence, c’est les grossesses non désirées. Une situation déshonorante qui est aussi jugée inacceptable dans une communauté comme celle du Foutah Djallon. Ainsi, vous conviendrez avec moi que le fait d’avoir un enfant hors mariage dans une telle société serait le comble. « C’est l’un des plus grands péchés en islam ; avoir un enfant hors mariage c’est la preuve d’une fornication ou d’un adultère. Des phénomènes condamnés et réprimés par la religion musulmane », affirme Thierno Imrana Diallo, maître coranique.

Assiatou Bailo Diallo, la vice-présidente et membre fondatrice de l’ADF (agir pour le droit féminin) parle de sujet très sensible: « c’est un sujet sensible parce que premièrement nous sommes musulmans et deuxièmement nous sommes au Foutah, une zone connue pour sa dévotion à l’islam. Donc, c’est un sujet très mal vu au Foutah. Mais, il y a toujours des conséquences à l’égard d’une femme qui donne naissance à un enfant hors mariage. De nos jours, la majeure partie des filles qui ont un peu plus de 20 ans ont déjà contracté des grossesses hors mariage » entame-t-elle.

Causes et conséquences des grossesses non désirées !

« Les causes sont nombreuses parce qu’il y a d’abord le manque d’éducation sexuelle. Si on n’est mal informé vu que cela est un tabou chez nous, on peut facilement tomber dans le piège. Comme on le dit souvent, on peut s’amuser mais il y a des précautions à prendre pour ne pas avoir des grossesses non désirées. Mais si on ne connaît pas, on peut être victime sans le savoir », estime Assiatou Bailo Diallo, la vice-présidente de l’ADF.

Pour beaucoup de personnes, le comportement et l’éducation des filles et femmes qui s’habillent de manière extravagante en est pour beaucoup dans la multiplication des grossesses non désirées. « Il faut montrer à tes enfants les bonnes manières, il faut les éduquer selon les prescriptions de l’islam. Il faut empêcher que tes enfants portent n’importe quoi pour aller n’importe où. L’éducation en est pour beaucoup car l’islam a prévu des choses qui empêchent tout cela. Si ton enfant est voilé selon les prescriptions, il n’aura pas de copain et encore moins de grossesses », déclare Oustas Mamadou Bah.

Une hypothèse rejetée en bloc par Kadiatou Baillo Soumano de la direction préfectorale de la promotion féminine et de l’enfant qui partage ici un cas particulier : « pour vous prouver que c’est des choses qui peuvent arriver à n’importe qui, il y a souvent des filles qui ont le coran en tête, des filles voilées intégralement qui se retrouvent dans cette situation et qui viennent nous voir. Mais quand le malheur vient il ne prévient pas. Juste pour vous dire que parfois cela n’est pas lié à l’éducation, au comportement ou au mode vestimentaire », renchérit-elle.

Avortement !

Très souvent stigmatisées et rejetées dans leur propre famille en particulier et l’ensemble de la société en général, ces jeunes filles optent soit pour l’avortement ou l’infanticide. Et ces deux ‘’crimes’’ ne sont pas sans conséquences selon Oustas Mamadou Bah : « quand tu fais un péché, tire une leçon de morale pour ne plus tomber dans le même piège. Mais faire le péché en contractant une grossesse hors mariage et vouloir tuer le fœtus en avortant serait de la folie car tu auras aggravé ton péché. Et c’est plus grave encore ; quand tu tues ton nouveau-né. Donc, c’est une scène diabolique », fustige-t-il.

« L’avortement et l’infanticide ne sont pas les solutions malgré que cela se multiplie et se perpétue dans notre société. Je me rappel même que la fois dernière une femme mariée a perdue la vie en tentant de se faire avorté dans une clinique ici à Labé ; on sait tous comme cela a fini. L’infanticide et l’avortement sont monnaie courante dans notre société. En plus on ramasse régulièrement des enfants abandonnés par ci et par là. Ce n’est pas ça la solution. Quand tu conçois, il faut assumer jusqu’au bout » conseil Alpha Diallo, professeur de sociologie.

Stigmatisation des enfants nés hors mariage !

Très souvent, ces enfants ont du mal à se faire une place dans la société foutanienne. C’est en tout cas le constat que Guinéenews a réalisé du côté de Labé. « Oui c’est bien vrai que ces enfants sont tout le temps rejetés dans notre communauté. Chaque fois on leur rappelle qu’ils sont différents des autres de sorte que tres souvent il est difficile voir impossible de trouver une femme pour un enfant né hors mariage. Et vous savez comme moi que ces enfants sont souvent rejetés dans le cadre des postes de responsabilité comme l’imamat. C’est bien une réalité dans notre société » déplore le sociologue, Alpha Diallo.

Un sujet esquivé par les religieux qu’on a pu rencontrer et toutes nos tentatives d’avoir une confirmation ou une infirmation ont été vaines. « Vraiment c’est du tort qu’on est en train de faire à ces enfants qui n’ont pas choisi de venir ainsi au monde. L’enfant est tout à fait innocent ; que la faute de la mère où du père ne retombe pas sur l’enfant. Cela est une chose qui devrait être corrigée sinon ce n’est pas bien », condamne Madame Ramatoullaye Sow, enseignante.

« Je demande aux parents d’éviter juste de stigmatiser les victimes ou leur enfant, ça ne sert à rien vu que le mal est déjà fait » ajoute Kadiatou Baillo Soumano de la direction préfectorale de la promotion féminine et de l’enfant.

Assiatou Bailo Diallo de l’organisation « Agir pour le droit féminin » aussi conseil: « au niveau de la victime je vais dire qu’on ne doit pas commettre deux crimes en même temps. C’est-à-dire si on a contracté la grossesse, c’est d’assumer, d’accepter de prendre en charge la grossesse jusqu’à terme. Ensuite s’occuper de l’enfant parce qu’on ne sait pas ce qu’il va devenir dans le futur. De toutes les façons, l’enfant est totalement innocent. Et essayer de ne plus faire la même bêtise. Aux parents d’être sereins, de se remettre à Dieu et d’essayer de prodiguer des conseils à la fille, de l’aide à faire face à la chose et d’affronter la société parce que si on est toujours mal vue dans la société on risque d’avoir une dépression mentale ou de prendre la route pour aller ailleurs. Donc, si la famille t’accompagne tu peux vite faire face à ces défis de continuer à vivre avec », conseille-t-elle.

Eu égard à tout ce qui précède, il serait important de briser le tabou de la sexualité dans les familles, afin de préparer les cibles et prévenir d’éventuels cas au Foutah Djallon en particulier et la République de Guinée en générale.

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