«Il serait très dangereux de prendre le risque d’aller vers le renouvellement de cette CENI… au lieu de perdre du temps dans ce dialogue de sourds, il faut se mettre au travail pour aller rapidement aux élections.»
Réunis au QG de l’Union des forces démocratiques de Guinée jeudi 19 avril 2018, les leaders politiques, membres de l’opposition républicaine se sont penchés sur l’état d’avancement des travaux au niveau du Comité de suivi de l’Accord politique du 12 octobre 2016.
Aux dires des opposants, depuis la rencontre intervenue entre le chef de file de l’opposition et le chef de l’Etat – à l’issue de laquelle il a été décidé non seulement de régler le contentieux électoral, mais aussi de veiller à l’application correcte, et dans un délai imparti, de l’Accord du 12 octobre 2016 -, il n’y a pas eu d’avancée significative dans la conduite des travaux.
Quoique ne siégeant pas dans ce Comité, le Parti de l’Espoir pour le Développement National (Pedn), par la voix de son porte-parole et chargé de communication dresse un aperçu sur ce cadre et formule des propositions pour éviter un embouteillage électoral pendant les deux prochaines années du mandat d’Alpha Condé. François Bourouno a fait cette mise en garde au cours d’un entretien qu’il a accordé à Guinéenews. Lisez !
Guineenews.org : quel regard portez-vous sur le Comité de suivi de l’Accord du 12 octobre 2016 ?
Faya François Bourouno : le PEDN n’est pas membre du Comité de suivi de l’Accord du 12 octobre 2016. Nous ne sommes pas signataires dudit Accord. C’est vrai qu’il y a des questions en discussion et qui attirent notre attention. Notamment la question relative à la CENI et celle relative au fichier électoral. Sur la première question, nous pensons qu’il serait très dangereux de prendre le risque d’aller vers le renouvellement de cette CENI.
Guinéenews : et en quoi cela est-il dangereux ?
Faya François Bourouno : pour la simple raison qu’on a un calendrier électoral très étouffé par un important nombre d’élections que nous avons. Il y a les législatives, les régionales et la présidentielle. Et toutes ces élections doivent se tenir durant les deux années à venir. A partir de cette année, ça fait les trois années. Et nous savons aujourd’hui qu’il y a un énorme travail à faire par rapport à la préparation de ces différentes élections. Donc, nous pensons qu’il ne serait pas une bonne chose pour nous que la CENI soit revue. Il faut la maintenir comme telle. Par contre, il faut la superviser. Parce que par son fonctionnement, elle nous a déjà montré qu’elle n’a pas toute la capacité, toute la volonté nécessaire d’assurer la transparence. Ce ne serait pas une mauvaise chose de mettre un comité. Et c’est d’ailleurs une proposition que nous formulons. Un comité paritaire qui puisse superviser et contrôler, qui sera composé de cadres, de techniciens, d’experts en matière d’organisation des élections pour appuyer et renforcer la garantie et la transparence du déroulement du processus électoral par rapport aux prochaines élections. Parce qu’il faut éviter qu’on donne l’argument à ceux qui ont des velléités de révision constitutionnelle pour qu’ils disent que voici: « la CENI vient d’être révisée. Elle a besoin du temps pour se donner des compétences, et tout ». Donc, il faut vraiment s’abstenir de donner des arguments pouvant nous basculer vers toute possibilité révisionniste. Et de l’autre côté, c’est la question du fichier, elle est importante. Il faut une véritable réflexion là-dessus. Le PEDN est d’accord que ce fichier soit audité, qu’il soit amélioré. Nous sommes parfaitement d’accord avec cette approche. Et pour nous, puisque la révision est prévue, c’est-à-dire la loi prévoit une révision ordinaire, et même une révision extraordinaire, ce serait bien d’aller vers une révision extraordinaire. Parce que là, on n’attendrait pas le mois de novembre ou le mois d’octobre pour ouvrir le fichier pour la révision ordinaire. Mais on peut anticiper à travers une révision extraordinaire, inclure le dispositif d’audit. Et sur la base des résultats de l’audit, des recommandations vont être formulées pour que le dispositif de révision du fichier intègre les améliorations, en vue d’aller vers l’enrôlement des électeurs. Nous pensons que de cette façon, on arbitrerait entre le toilettage du fichier et en même temps la disponibilité d’un nouveau corps électoral qui nous conduirait aux élections sans un enjeu dangereux sur le chronogramme électoral. C’est-à-dire, sans que l’on ne termine 2018 sans tenir les élections législatives et éviter l’embouteillage électoral en 2020.
Guinéenews : parlant justement de ces législatives, nous sommes déjà au quatrième mois de l’année au cours de laquelle doivent se tenir ces consultations normalement. Sauf que le constat révèle tout autre. A votre avis, est-ce qu’elles sont tenables en 2018 ?
Faya François Bourouno : c’est pourquoi nous formulons ces propositions afin de nous permettre de tenir ce délai. C’est-à-dire d’aller vers ces législatives cette année, mais en même temps améliorer le processus et garantir donc la transparence. Aujourd’hui, s’il y a la volonté politique, on peut aller à ces élections. C’est pourquoi nous, nous avons dit que cette question de dialogue qui perdure est une perte de temps. On risque de nous prendre nous-mêmes dans notre propre piège. En privilégiant le dialogue qui perdure, aucune solution ne sortira alors qu’il y des solutions constitutionnelles qui existent. Parce que la CENI sait ce qu’elle doit faire. Le ministère de l’Administration du Territoire sait ce qu’il doit faire. Nous avons des partenaires techniques qui sont disponibles à nous appuyer. Aujourd’hui, il est question que la volonté s’affirme et que cette volonté soit transformée en acte pour instruire les institutions qui ont mandat d’organiser les élections dans notre pays pour que le travail soit fait. A partir de maintenant, au lieu de perdre du temps dans ce dialogue de sourds, il faut se mettre au travail pour aller rapidement aux élections.
Entretien réalisé par Mady Bangoura