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Au-delà de Kankan : une misère commune et transethnique

Les contestations qui affaiblissent le RPG en Haute Guinée ne devraient pas être vues sous l’angle ethnique ou communautaire. Ce n’est pas la communauté malinké qui désavoue un président malinké. Il s’agit plutôt d’une revendication sociale et humaine portée par une jeunesse qui aux yeux du gouvernement ne représente rien d’autre qu’un simple capital politique à usage électoral. Les manifestations contre le délestage électrique expriment un sentiment d’exaspération à l’endroit d’une situation jugée injustifiable et inacceptable. C’est donc un refus de s’enfermer dans le fatalisme et la résignation ; en un mot, une affirmation politique au sens propre du terme qui confronte le président et son gouvernement à ses propres échecs et turpitudes. Ainsi, au-delà de l’appartenance communautaire, nous devrons voir et interpréter les manifestations comme un acte politique, que traduit la volonté légitime de vivre une vie simplement digne.

Sortir du piège communautaire

Les populations guinéennes ne devraient pas tomber dans le piège de la lecture et de l’instrumentalisation communautaire. Un problème comme celui de l’absence chronique d’électricité ou la personnalisation de la fonction publique n’a, en principe, aucun lien avec l’appartenance communautaire. Le cas contraire, le taux de chômage serait réduit chez les Malinkés et les Soussous, et les quartiers et les régions à forte composante malinkée et soussous, très bien électrifiés. Mais la réalité parle d’elle-même : le chômage est le problème de tous les Guinéens et les coupures d’électricité un drame commun. Il est vrai que les politiciens, rompus dans l’art de la démagogie, n’hésitent pas à jouer  les cartes ethniques et communautaires. Surtout à l’approche des élections ! De même que certains parmi par la population, rongés par le ressentiment, se sont accoutumées aux interprétations communautaires des problèmes qui sont de nature politique, sociale et économique.

Il faut sortir de ce jeu de dupes et voir ce que donne à penser la misère et le désir inlassable de domination que l’on constate chez ceux qui détiennent ne serait-ce qu’une infime portion du pouvoir : ce qui se passe à Kankan est un cri contre l’absence tragique d’une culture de la responsabilité politique. Au-delà de Kankan, le délestage électrique est un problème guinéen, donc collectif.  Cela n’a rien à voir avec la colère de la communauté malinké, car la misère des Guinéens est transethnique. On peut même se demander quelle est la communauté en Guinée qui a profité de la gouvernance politique de 1958 à aujourd’hui ?

Une des conséquences de l’interprétation communautaire des problèmes politiques, c’est qu’elle empêche la conscience d’un destin commun. Pire, elle conduit à se satisfaire de maigres victoires symboliques (le président est malinké ou nous voulons à tout prix un président peulh), alors que le dénuement et la violence sont les constituants d’une identité commune à tous les Guinéens. Pourquoi ne pas favoriser une interprétation politique des problèmes liés aux injustices et aux inégalités, qui serviront de levier pour un changement radical de la culture politique ?

Il regrettable de voir que des problèmes transethniques ne constituent pas une raison suffisante pour générer une solidarité transethnique, qui aurait eu pour effet de soumettre à rude épreuve une classe politique qui s’obstine dans le déni avec présomption.

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