Dans la matinée du 14 septembre 2022, un navire battant pavillon allemand a été attaqué dans les eaux guinéennes, au sud du Port Autonome de Conakry. Une attaque qui vient confirmer la permanence de l’insécurité le long des côtes du Golfe de Guinée. Pour mieux comprendre le phénomène en Guinée, Guinéenews a posé trois questions à Hamidou Diallo, spécialisé en droit maritime.
Guinéenews : le 14 septembre, un navire cargo allemand ancré à environ 16 miles nautiques – 29,6 kilomètres – au sud du Port Autonome de Conakry a été attaqué par des bandits. Peut-on parler de la piraterie ou d’un acte de brigandage ?
Hamidou Diallo : Conformément à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer – la Convention de Montego Bay adoptée en 1982 – que la Guinée a ratifiée depuis 1994, on ne saurait parler de piraterie. Les idées de cette convention sont intégrées dans le Code de la marine marchande de la Guinée appelé le Code maritime. Les idées de cette convention sont aussi intégrées dans le Code de la pêche maritime et dans le Code douanier guinéen.
Cette convention précise qu’il existe trois types d’espaces maritimes :
Il s’agit premièrement des espaces maritimes qui sont annexés par le territoire terrestre. Ces espaces sont réglementés par le droit interne guinéen. Dans ce type d’espace, on rencontre la mer territoriale qui est un espace maritime qui s’étend jusqu’à 12 milles nautiques, une unité de mesure en terme marin qui équivaut à 24 kilomètres en mer. Ces 24 kilomètres en mer se trouvent sous la juridiction de l’État guinéen. Toute attaque qui se passe dans cette zone est considérée comme un brigandage en mer. C’est dans cet espace là que vous allez encore rencontrer les îles archipélagiques comme celles de Kassa. Dans cette zone, la pêche industrielle est interdite. C’est également dans cette zone que vous voyez souvent que les bateaux sont en attente. En droit, on dit que les bateaux se trouvent dans la zone de mouillage qui est sous la protection de l’État côtier.
Vous avez ensuite la zone contiguë. Cette partie fait partie des espaces maritimes qui se trouvent sous souveraineté guinéenne en matière économique. Donc, vous avez la zone contiguë et celle économique exclusive. Alors que la zone contiguë s’étend jusqu’à 44 kilomètres, celle dite Zone Economique Exclusive s’étend jusqu’à 372 kilomètres qui équivalent à 200 milles marins depuis la ligne de base. C’est dans cette Zone Economique Exclusive qu’est pratiquée la pêche industrielle. Tout acte qui se passe dans cette zone est également considéré comme du brigandage.
Il y a enfin les espaces maritimes internationaux où se trouvent la Haute mer et la zone internationale des fonds marins. La haute mer est un espace maritime qui se trouve au-delà de la Zone Économique Exclusive. Là-bas, il y a ce qu’on appelle la liberté de navigation, la liberté d’exploration et d’exploitation dans cette zone. Lorsqu’une attaque se passe dans cette zone on appelle ça de la piraterie maritime. Parce que cette zone ne se trouve pas sous la juridiction des États côtiers. C’est un patrimoine commun international qui est régi par la loi internationale. Il y a que certains bandits viennent attaquer dans les eaux internes des Etats côtiers pour aller se réfugier dans les eaux internationales. Parce qu’ils savent que les eaux internationales ne se trouvent sous la juridiction d’aucun État côtier.
Pour répondre à ces cas, l’article 111 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer précise que lorsque l’attaque commise par les auteurs a lieu dans les eaux d’un État côtier, la poursuite judiciaire s’étend jusqu’en haute mer. L’état peut donc les poursuivre jusqu’en haute mer pour les arrêter. Mais il y a un déficit de droit aussi qui existe et joue contre les États dans le cadre de la lutte contre l’insécurité maritime. Lorsque les personnes qui attaquent dépassent les zones internationales et rentrent dans les zones sous juridiction d’un État voisin, l’Etat qui poursuit ces auteurs ne peut pas entrer dans les eaux de son voisin. La loi internationale n’a pas mis en place une norme pour réglementer cela.
On croyait que l’Architecture de Yaoundé était là pour régler cette situation ?
Non, il y a encore un vide juridique que les spécialistes à ce niveau. L’Architecture de Yaoundé n’a pas prévu cela. Cette question est pendante, mais je pense que dans le futur, elle sera réglée. J’ai participé à deux audits judiciaires des règles applicables dans les domaines des activités maritimes entre 2015 et 2019 avec le Centre Régional de la Sécurité Maritime de l’Afrique de l’Ouest (CRESMAO) et le représentant de l’Organisation des Nations unies pour la lutte contre la criminalité en mer. On a relevé ce problème et nous avons fait un rapport que nous avons mis à la disposition des autorités de la place.
La mise en place de la Préfecture maritime en 2012 était censée faire réduire à défaut de mettre fin à l’insécurité dans les eaux guinéennes. Quel est votre constat sur cet organisme de coordination de l’Action de l’Etat en Mer.
Il faut noter qu’il y a eu des avancées dans le cadre de la lutte contre l’insécurité maritime, de la protection des eaux guinéennes, de la pollution maritime, de la pêche illicite et tant d’autres. Mais comme vous le savez, l’œuvre humaine n’est jamais parfaite. Je pense que les autorités en place ont encore à fournir assez d’efforts pour aider la préfecture maritime.