On ne se lassera pas de le dire, notre identité, le savoir-faire de nos artisans perd sa valeur du jour au lendemain dans nos sociétés même dites traditionnelles. A Labé, la capitale du Foutah Djallon, cela est d’autant plus remarquable dans l’habillement. De nos jours, il est rare de voir une personne vêtue des tissus locaux, sortis du génie créateur de nos artisans. Victimes de la mode, les pantalons jeans, chemises, vestes et les tissus venus de l’Occident attirent de plus en plus les jeunes, a constaté sur place votre quotidien électronique Guinéenews.
« J’ai constaté que la grande partie de la population, surtout la jeunesse, a emprunté la mode occidentale. Personnellement je n’échappe pas à cet emprunt. Donc, d’une part cela est dû à la mondialisation qui nous dicte désormais ses règles, et c’est tout le monde qui se retrouve dans la danse et tant pis pour la tradition », estime Alpha Oumar Bah, la trentaine, rencontré dans la commune urbaine de Labé.
A quelques mètres de ce premier intervenant, une dame accrochée par notre reporter sur le même sujet, accuse la ‘’faiblesse’’ des artisans de la place qui, selon elle, économisent les matériaux de teinture et de filage dans la production du tissu. Conséquence directe, le tissu n’a plus de garantie.
« Nous devons porter nos tenues traditionnelles. C’est ça notre coutume. Nos habits traditionnels ont de la valeur par rapport aux autres tenues parce que, naturellement on n’est pas Européens. Mais, les produits utilisés par nos artisans n’ont pas de qualité. Ils ne respectent pas la dose normale. Sinon, s’ils travaillent bien, même si c’est cher les gens allaient se le procurer. Regarder, les basins venant de Bamako et autre, même si tu laves, le tissu ne perd pas sa couleur », déplore madame Saliou Dian Diallo.
Madame Baldé a tenu elle, a exhorté à un retour aux sources: « le problème avec les habits traditionnels de chez nous, quand tu laves le tissu, il perd automatiquement sa couleur, alors qu’il y a des tissus qui durent assez longtemps. Donc le problème reste et demeure entre les mains de nos teinturières. Si elles le font convenablement, le tissu aura beaucoup plus de valeur. Sur ce, je demande à toutes et à tous surtout les jeunes de revenir à la tradition. »
Interpellé sur la question par la rédaction locale de Guinéenews, des teinturières rencontrées rejettent cette mauvaise pratique sur des gens qu’elles appellent « Pirates », qui font tout pour s’accaparer de leur marché. « J’accuse ceux qui n’ont aucune notion du métier, qui font un très mauvais travail juste pour tromper les gens et saboter notre marché. Sinon, les tissus qu’on fait sont vraiment authentiques », renchérit une dame qui a préféré garder l’anonymat.
La récente sortie du ‘’Faré-yaré’’ est également dénoncée par Amadou Cissoko, teinturier. « On a récemment assisté à l’importation d’une copie du tissu traditionnel notamment le Leppi et le Firsi. Des gens se sont permis d’aller reproduire ce tissu qui est l’un des piliers de notre culture pour l’importer en Guinée, en passant par le port ou l’aéroport, avant de venir nous le vendre comme des petits pains. Il a fallu que les artisans menacent pour que l’Etat se rende compte de la gravité de la situation. Je pense que si cette situation est ce qu’elle est aujourd’hui, c’est juste parce que l’Etat ne veut pas accompagner le secteur. Pourtant ça marche très bien dans les autres pays », se plaint-il.
Pour Alpha Oumar Sow, la responsabilité est partagée. « J’ai oublié l’année mais ça ne fait pas 5 ans, la population a voulu redresser cette situation en demandant à tout le monde de porter le tissu traditionnel à l’occasion de la fête de Tabaski. A Labé ici on parlait de Leppi Tabaski et on a tous constaté l’effet que ça a fait. Non seulement le prix s’est valorisé mais les gens ont porté le Leppi. Même si tout le monde n’avait pas adhéré à l’idée mais ça fait un boom. Pourquoi ne pas continuer ainsi », s’interroge-t-il.
En plus du tissu, les autres articles traditionnels comme les chaussures, les bonnets, chapeaux, … passent également un sale temps face à la rude concurrence de la modernité. En plus de l’Etat, il revient à tout un chacun de prendre des dispositions pour valoriser les arts locaux de chez nous.