Nous avons déjà écrit sur ces aménagements à grands frais que l’Etat a réalisé dans l’intention fort louable, de protéger les piétons dans la circulation. Il est largement admis que, de tous les usagers, c’est le piéton qui est le plus faible et c’est aussi lui qui est le plus exposé aux dangers de la route. Avec des conséquences graves pour sa santé et même sa vie.
Les institutions internationales, comme l’ONU et l’OMS en conviennent avec des statistiques éloquentes à l’appui. Aussi, enjoignent elles chaque pays d’agir au mieux pour le protéger. Parmi les mesures préventives préconisées, il y a l’éducation et la sensibilisation, mais aussi les aménagements infrastructurels tels les trottoirs, les passages piétons, les passerelles, les passages souterrains, etc. Nous limitons là cette énumération, pour être en phase avec le niveau de développement de notre pays.
Ailleurs, dans les Etats développés, les aménagements sont faits de telle sorte qu’il y ait peu de chance qu’un piéton rentre en contact direct avec un engin roulant. Tout est conçu pour les séparer afin que chacun soit indépendant de l’autre et circule librement sur sa voie.
Pour l’instant, développement oblige, on en est loin encore et beaucoup d’efforts restent à faire dans ce sens. Mais ce que nous pouvons déjà faire dans un premier temps, c’est de nous adapter au moins, aux infrastructures limites que nous avons. Pour au moins, garantir notre sécurité et sauver nos vies.
Quand on voit les gens traverser en diagonale au rond-point, pour passer par le point d’intersection, comme pour dire bonjour à l’agent canalisateur, ou que l’on voit des femmes, des vieilles personnes ou des hommes en costume cravate traverser l’autoroute en escaladant le terre-plein central comme le ferait un enfant qui grimpe en rampant, cela alerte et fait réfléchir. D’autres qui s’y asseyent pour vendre tranquillement ou qui utilisent l’aménagement pour le transbordement de gros colis ou de marchandises. On se rend compte du grand déficit d’information, d’éducation et de sensibilisation qu’il y a à combler.
L’État continue son action de protection des piétons. C’est dans ce cadre qu’il fait construire progressivement des passerelles dans certains endroits qui concentrent une forte densité de populations obligées de traverser chaque jour la route pour vaquer à leurs occupations. Les zones choisies sont réparties entre les marchés, les lieux publics, les grandes intersections et l’autoroute.
Mais, que remarque-t-on à ces niveaux ? Les piétons rechignent voire refusent de les emprunter. Pour des motifs divers. On entend dire : « c’est trop haut pour moi. J’ai le vertige » ; « les escaliers sont raides et longs » ; « les bandits y ont élu domicile » ; « je boîte, je ne peux pas grimper les marches » ; « emprunter la passerelle m’oblige à faire un grand détour pour arriver chez moi. Je préfère traverser » ; « moi j’ai peur. Je suis tombée un jour en descendant les escaliers et j’ai perdu tout ce que j’ai acheté pour la cuisine »
Devant autant d’arguments, l’état va-t-il rester muet et laisser les piétons agir à leur guise et s’exposer aux risques d’accidents ? Va-t-il permettre qu’ils traversent la chaussée juste en dessous ou à côté de la passerelle, alors même qu’ils favorisent des ralentissements incessants de la circulation, parce que les conducteurs s’arrêtent pour leur permettre de traverser? Va-t-il continuer à investir dans la construction de ces infrastructures, quand elles sont rejetées par les destinataires ou mal utilisées par eux ?
Un autre paradoxe est observable autour du même sujet. Pendant qu’on a des passerelles vierges de fréquentation, il en existe d’autres qui connaissent une surcharge considérable et permanente, au point qu’on les franchit difficilement. C’est le cas à Madina, avec tous les vendeurs et les mendiants qui y ont élu domicile.
Mais, il y a une autre passerelle qui, par un concours de circonstances sert aujourd’hui à autre chose qu’à la stricte traversée piétonne. C’est celle située non loin de la mosquée Fayçal. Elle est devenue plutôt le passage réservé pour engins à deux roues. C’est en tout cas, le chemin qu’empruntent bon nombre de motocyclistes pour traverser l’autoroute en sécurité et sans s’attirer des ennuis avec la police postée au carrefour, à peu de distance de là.
A ce niveau, il y a cependant un aspect à souligner. Les motocyclistes qui manquent de maîtrise risquent fort de ne pas passer. Il y a des virages serrés à négocier, une remontée puis une descente à franchir pendant qu’on roule en hauteur, à plus de 4m. Toutes choses qui s’apparentent bien à un test de permis de conduire ou de gymkhana. Donc, les nouveaux conducteurs, s’abstenir !
Pour éviter que ces infrastructures fort coûteuses, soient vaines et ne servent qu’à l’apparat urbain, il y a lieu que les autorités s’attachent à leur rendre leurs lettres de noblesse.
Elles sont utiles, oui ? Alors vite ! Qu’elles servent donc à faire passer les piétons et qu’on le voit ! L’État sait comment le faire.