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Agriculture : La Covid-19 freine l’écoulement des produits agricoles au grand dam du monde paysan

Avec l’avènement de la pandémie de Covid-19, les producteurs de pomme de terre de Timbi Madina, dont les produits pourrissent faute d’écoulement, ainsi que  les acteurs de la filière ananas de Maferinya, subissent le même sort, que les producteurs maraîchers des autres préfectures du pays.

Nos reporters ont tenté de sillonner quelques terroirs pour constater de visu cette situation alarmante, afin d’attirer l’attention des autorités compétentes, surtout que le président Alpha Condé a annoncé des mesures devant servir à soutenir le monde paysan, en cette période morte. Avec l’APIP, on parle de la disponibilité de 500 milliards de francs guinéens  déjà.

A Mamou, la campagne agricole 2020-2021 est déjà compromise

Face aux mesures d’urgence prises par les autorités, les producteurs subissent de plein fouet les effets collatéraux de la pandémie du COVID-19. Les localités de Soumbalako et Dounet dans la préfecture de Mamou constituent d’excellentes zones de production des produits maraîchers (la pomme de terre, l’aubergine, le piment, le gombo, la tomate,…).

L’interdiction aux populations de Conakry de voyager vers les régions de l’intérieur du pays impacte négativement la chaîne de production agricole. La rareté des acheteurs dans les marchés hebdomadaires entraînent la chute des prix des produits. Les pommes de terre et les aubergines pourrissent dans les magasins de Soumbalako et Dounet faute  d’équipements de conservation.

Madame Aissatou Diallo, membre d’un groupement agricole à Soumbalako explique  » Cette année, nous sommes confrontés à d’énormes difficultés : les semences et les engrais sont arrivés en retard. Les cultures ont raté le cycle de l’eau. Plusieurs hectares ont été décimés à cause du manque d’eau pour arroser. Pendant qu’il était question de récolter le peu qui restait, cela a coïncidé à la pandémie du coronavirus. Nous n’arrivons pas à écouler les produits. Les autorités ont interdit les marchés hebdomadaires. Ici, le jour du marché c’est le lundi. Les camionneurs, pour échapper au contrôle des policiers, arrivent ici les dimanches. Nous embarquons les produits pour les livrer aux marchés de Conakry. La semaine passée, nous avons embarqué des aubergines sur huit camions. Ils ont accusé de retard en cours de route à cause des barrages des policiers. Arrivés à Conakry, la plupart des aubergines étaient pourries, nous n’avons pas eu de preneurs. Le peu qui a été vendu, a été vendu à 30.000 GNF le sac. D’habitude, nous vendons un sac d’aubergines ici à 300.000 GNF. Cette fois le sac d’aubergines est vendu au marché hebdomadaire à 80.000 GNF. Imaginez la perte subie suite à la chute du prix de 300.000 GNF à 30.000 GNF. Pourtant nous avons contracté des crédits pour travailler« ,  explique-t-elle.

Rencontré dans le cadre de ce reportage, Thierno Ibrahima Barry, le vice-président du district de Soumbalako également producteur de pommes de terre enchaîne « Nous avons pris à crédit les semences de pommes de terre. La caisse de 50 kilomètres est à 750 000 GNF. L’engrais est à 200 000 GNF le sac. Ici au marché, le peu d’acheteurs qui viennent achètent la pomme de terre à leur prix. De 8.000 GNF, le kilogramme  s’achète actuellement à 4.000 GNF. Avec ce prix, nous ne pourrons pas rembourser les crédits« .

Avec cette situation, la campagne agricole 2020-2021 est déjà compromise.

Labé : la filière de la pomme de terre impactée par la Covid19

Labé semble être l’une des régions les plus touchées par les conséquences de la Covid19, surtout dans le secteur de production de la pomme de terre. Un secteur qui est impacté négativement par la crise sanitaire mondiale. Réputés pour leur engagement dans la production de ce tubercule, les acteurs de la filière pomme de terre de Labé assistent de nos jours impuissants à la destruction de leurs produits qui pourrissent dans les magasins au fil des jours, faute de preneur.

« Constatez vous-même comment les magasins sont remplis de pomme de terre. Regardez comment nos produits pourrissent petit à petit. Ce sont des tonnes et des tonnes qui sont stockées rien que dans ce magasin. Pratiquement depuis le début du coronavirus, c’est seulement des clients nécessiteux d’un, deux ou cinq kilogrammes qui viennent ici. Alors que tant que les exportateurs qui prennent des tonnes ne viennent pas; la situation restera inchangée »,  explique Barry Mamadou Alpha à la fois producteur et revendeur.

Également producteur de pomme de terre à Garambé (dans la commune urbaine), Mamadou Sow envisage carrément d’abandonner: « j’ai produit cette année 7 hectares de pomme de terre. La récolte a été excellente mais à ce jour j’ai du mal à écouler l’équivalent d’un hectare alors que plus d’un autre hectare est en train de pourrir en magasin. Si mes pertes s’accumulent ainsi, j’abandonne pour tenter ma vie ailleurs », prévient-il.

On le voit, le manque de créneau pour écouler leurs productions met les paysans dans d’énormes difficultés en Moyenne Guinée.

A Lélouma, la fermeture des marchés hebdomadaires a négativement affecté le monde maraîcher

Dans cette  préfecture pourtant potentiellement agricole, située à un peu plus d’une soixantaine de kilomètres de la capitale régionale Labé, la localité n’a aucune renommée en matière de production agricole.

Néanmoins, les femmes, seules où au sein des groupements, à travers des jardins potagers produisent suffisamment des denrées comme : des tomates, d’aubergines, de choux, gombos, piments… Cependant, elles ont été confrontées à la décision des autorités locales à surseoir dans un premier temps à la tenue de tous les marchés hebdomadaires dans toute l’étendue de Lélouma.

Visite de la délegation avec Sonja De Becker (Boerenbond) et Danny Van Assche (Unizo) du union des femmes productrices (de pommes de terre, choux, carrottes, tomates, lettuce, mais…). Avec l’appui de Trias à travers l’AGUIDEP ils ont pu acheter des panneaux solaire qui servent la pompe d’eau pour irriger la plantation. La présidente a reçu une formation en ‘leadership’.
Mamou, Guinée

‘’Ç’a été un véritable coup dur pour mon activité. A cause de la maladie, le marché local était fermé. Avant l’ouverture du marché, j’étais vraiment très inquiète. Nos produits, généralement, quand on ne peut pas les vendre, c’est assez compliqué. On ne peut pas garder par exemple les tomates mûres, les aubergines ou encore les Gombos, une fois qu’on les cueille. Personnellement, moi j’ai beaucoup perdu durant ces semaines sans marché’’,  déplore Aissatou Diara.

Sur la même lancée, un autre producteur renchérit : ‘’je suis vraiment inquiet pour tout ce qui se passe actuellement. Même si tu travailles dure, tu ne peux même pas vendre le produit de ton labeur. C’est une rude épreuve. Il y a suffisamment des produits que nous ne pouvons malheureusement pas faire écouler. Tout le monde souffre actuellement surtout nous, paysans’’, regrette Lamara Diallo, un agriculteur basé au centre urbain.

A signaler qu’à Lélouma, hormis cette couche féminine, toutes les autres  activités sont aujourd’hui directement ou indirectement impactées par les conséquences dues au COVID 19.

A Tougué, le malheur des producteurs maraîchers fait le bonheur des ménages

Tougué est l’une des préfectures de la Moyenne Guinée où les femmes pratiquent des cultures maraîchères, notamment l’aubergine  appelé en langue du terroir (kobo kobo), l’oignon et la tomate.

Au moment de la récolte, même si elles ne sont pas productrices, certaines femmes se spécialisent dans l’achat et la vente des produits maraîchères qu’elles envoient et commercialisent à Conakry ou à Diawbhé (République du Sénégal).

Mais en cette période de pandémie de Covid19, ces activités  sont presque au ralenti comme le témoigne Dame Lamarana : « cette année mes activités sont beaucoup impactées par cette maladie, au moment de la fermeture des frontières avec le Sénégal, j’ai subi une perte de plus de 800 mille francs guinéens, car mes piments ont pourri sans être exportés.  J’étais obligée de trier et revendre le peu qui reste à Labé à perte. »

Cette situation de crise profite tout de même aux ménagères: « la non exportation des produits inonde les marchés de tomate même si la récolte a baissée, mais aussi de l’aubergine et de l’oignon et les prix sont abordables. Donc nous ça nous profite », se réjouie Saoudatou.

Comme si le malheur des producteurs maraîchers faisait le bonheur des ménages de Tougué.

A Kankan, les producteurs d’ignames tirent le diable par la queue

Kankan, est la terre par excellence de l’igname en Guinée. Même s’il faut reconnaître que ces dernières années, faute de soutien aux producteurs, la filière n’est plus productive comme auparavant.

Nombreux sont les planteurs qui fuient le secteur pour d’autres filières mieux subventionnées, telle que celle de l’anacarde. Le tubercule commence peu à peu à être menacé de disparition. Et la crise sanitaire de la Covid-19, n’est pas faite pour arranger les choses.

Disons que cette année est unique en son genre. Producteurs et marchands d’ignames sont confrontés à de graves difficultés dans l’écoulement de  leurs produits. Les restrictions des déplacements liés à la pandémie ont freiné l’affluence des clients qui proviennent le plus souvent des autres préfectures du pays voire  des pays limitrophes.

Aminata Camara, rencontrée à côté d’un immense tas de tubercules d’ignames stockés dans son magasin, nous conte son calvaire: « Nos problèmes en ce moment sont inqualifiables. Le produit que nous sommes en train de vendre, ne s’achète pas par les populations locales à cause des prix. Nous vendons la bonne qualité « kougbè » à 40 000 fg pour 4 tubercules. L’autre qualité que nous appelons  « gbara » est aussi à 40 000 GNF pour 6 unités. Nos clients qui sont à Kankan ici n’arrivent pas à en acheter. Car ils jugent que ces prix sont trop élevés. Suite à la fermeture des frontières, on ne voit non plus pas nos clients qui venaient des autres localités.  Du matin au soir, on ne parvient pas à vendre même un (1) seul tas d’igname. Les  clients qui nous viennent de N’Zérékoré, de Conakry et  même de Bamako (Mali) sont bloqués par les restrictions des déplacements liées au Coronavirus. Donc on n’a pratiquement plus d’acheteurs. Rien ne marche. Alors que c’est de ça que nous vivons », déplore-t-elle.

Actuellement par manque de moyens de conservation et de transformation, d’importantes quantités d’ignames sont en train de pourrir.

« De la même manière qu’on fait sortir les produits, c’est de cette même manière que nous les faisons rentrer. On est obligé de les stocker dans des magasins à la merci des souris et de toutes  sortes de rongeurs. Ce qu’ils ne bouffent pas finissent par pourrir. Donc dans tous les cas, les pertes sont pour nous incommensurables », regrette Ramata Konaté, une autre vendeuse de tubercules.

Konaté Moussa,  cultivateur d’igname dans un village environnant, ne manque pas non plus de plaintes. Venu en effet liquider sa production auprès des marchandes du grand marché de Dibida, ce paysan ne cesse de se plaindre: « C’est devenus compliqué. Ça fait des semaines que je traîne à Kankan, mais je ne parviens pas à trouver d’acheteurs pour mes tubercules. Toutes mes clientes me disent qu’elles ont des stocks qu’elles n’arrivent pas à écouler. Alors je suis obligé de repartir au village sans rien. Je me demande comment pourrais-je faire pour subvenir aux besoins de ma famille », se confie-t-il.

En attendant des mesures d’accompagnements sûres et fiables promises par les autorités nationales, mais qui tardent surtout à venir, il faut reconnaître que les acteurs de la filière de l’igname à Kankan, pour l’instant, abandonnés à eux-mêmes, tirent tous le diable par la queue.

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