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Affaire Bolloré : un ex-membre du CNDD met les pieds dans le plat

Vincent Bolloré est actuellement au cœur d’une sulfureuse affaire de corruption au Togo et en Guinée. Une actualité qui défraie la chronique et dont Lancinet Kourouma, un commandant de la Marine nationale guinéenne- aujourd’hui à la retraite-, donne de la voix.

Prestataire portuaire pendant 38 ans, le commandant Kourouma affirme avoir des souvenirs très «amers» par rapport aux prestations portuaires qu’il a connues et pratiquées durant son temps de services militaires.

«Je ne peux pas rester indifférent face à cet état de fait sans donner mon point de vue, surtout quand on parle de corruption qui a été prétendument porté contre le Pr  Alpha Condé aujourd’hui au pouvoir en Guinée. (…). Et c’est l’occasion d’informer l’opinion publique nationale et internationale que l’arrivée de Bolloré au Port de Conakry a donné un impact positif par rapport aux précédents», soutient-il au micro de Guinéenews.

A en croire notre interlocuteur, durant les 26 années de règne de Sékou Touré, le Port autonome n’a été géré exclusivement que par les Guinéens, avec la consignation maritime assurée par la Société navale guinéenne. Ce, pour avoir une notion sur la nature de tout ce qui arrivait au port. Alors que la manutention était, quant à elle, assurée par ENTRATE.

«A la prise du pouvoir par l’Armée, par inexpérience, les multinationaux sont venus se substituer au régime de Sékou Touré pour gérer le port. Tout le problème est parti de là. Ils ont créé l’Association des manutentionnaires portuaires, mais, qui n’était composée que d’étrangers : Delmas, Getma et autres. Et ils ont mis une caution impossible aux nationaux d’y accéder. Cela a compliqué davantage les choses. Mais qu’est-ce qui se passait ? Ces mêmes multinationaux, quand ils ont créé Getma international entre eux seulement, ils se servaient désormais des mêmes guinéens qui, depuis le temps du régime défunt, assumaient le rôle technique dans l’enceinte du port», explique le commandant qui enseigne que la bienséance qui en la matière voudrait que des agréments soient donnés à ces guinéens déjà forts de 26 années d’expériences.

Or, relativise cet ancien membre du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), la consignation n’est pas compliquée. En ce sens qu’il suffit, dit-il, d’avoir un récepteur et un émetteur, plus un moyen de déplacement.

Surexploitation au temps des prédécesseurs de Bolloré

Aux dires du commandant Kourouma, ces multinationaux demandaient à ENTRATE Internationale de leur fournir des dockers dont ils allaient rémunérer le travail. Malheureusement, regrette notre interlocuteur, ces dockers sont morts l’un après l’autre sans qu’ils ne soient rétablis dans leurs droits par la justice guinéenne.

«C’est ce même groupe qui a continué 5 ans, 10 ans, 20 ans. Rien n’a changé. Or, les bateaux quittaient l’Europe pour venir vers eux. Ils récupèrent l’argent qui devrait venir à la Caisse guinéenne et ils retournent chez eux après avoir versé de modiques taxes à l’Etat guinéen», dénonce-t-il.

Pire, poursuit Kourouma, les Guinéens qui ont forcé pour avoir l’agrément comme moi, qu’est-ce qu’ils nous faisaient ? Quand il y a ton bateau arrive, il faut que tu ailles signaler à l’AGEMAP qui commandait le Bureau de la main d’œuvre portuaire (BMOP). Or, partout ailleurs, le BMOP est indépendant. Alors, comment une association peut-elle commander un bureau indépendant ? Donc, ce sont ceux-là qui leur fournissent désormais des dockers qu’ils emploient. Maintenant, ils paient des miettes aux dockers. C’est ce qui fait que ces gens volent. Tout ce que vous voyez comme incongruités ou problèmes au port est dû à ce mauvais traitement des dockers. Alors qu’ils doivent être indépendants et payés au prorata du rendement».

«Et chaque équipe, était payée à 1050 dollars par jour. Donc, c’est toi qui sais si tu vas le faire en 5 jours, en 10 ou en 20 jours. Nous, on était obligé nuit et jour de débarquer. Pratiquement, si c’était au coût normal, on aurait pu avoir entre 80 à 90.000 dollars. Moi, je me posais une question : dans l’année, il y avait 600 à 700 bateaux qui rentraient à l’époque. Et ils avaient des gros compteurs-porteurs, si ce montant-là est appliqué à tous les bateaux. Et ce sont les expatriés de l’AGEMAP qui encaissaient à eux seuls tous ces montants. Qu’est-ce que l’Etat devrait gagner. Donc, tout ceci a contribué à créé des difficiles dans l’enceinte du Port de Conakry. Et ils n’ont jamais envoyé d’engins qui pouvaient être visibles normalement. Il n’y avait rien mais ils ont monopolisé le port et l’Etat était là», a-t-il regretté.

De l’installation de GETMA International

Au fil du temps, fait noter M. Kourouma, un problème a surgi entre les prestataires étrangers. Et à l’époque, rappelle-t-il, GETMA de Grenier était venu pendant la construction du Palais des nations.

«Mais quand il devait y avoir changement, il est allé voir le colonel Babacar N’Diaye, ministre des Transports d’alors et à qui il a dit : ‘‘Ecoutez ! Ce que j’ai vu chez vous ici, pendant des années, ce sont des Guinéens qui le font. Vous n’avez seulement qu’à leur donner des agréments et vous envoyez des experts. Et comme le ministre n’a pas accepté, lui aussi il s’est créé une société. En ce moment, GETMA n’était même pas le nom de sa société. Entretemps, avec le soutien de Léon Cher qui était venu changer la donne à la Banque centrale guinéenne, il y a eu le contrat de GETMA International signé pour la replantation. Ce n’était pas compliqué. Puisque les bateaux viennent avec leurs mâts en haut. C’est comme ça, il a commencé à travailler, à ramasser lui aussi de l’argent…»

Bolloré, nouvel exploitant du Port de Conakry

Le commandant Lancinet Kourouma salue la venue de Bolloré à Conakry. Une société dont il se méfie d’ailleurs de comparer à celles qui l’ont précédée et qui, dit-il, n’ont fait que ramasser l’argent et l’envoyer, sans laisser un bénéfice maximum aux Guinéens.

«Mais Bolloré a injecté de l’argent avant même d’entrer. Il a fait l’extension du port, et puis il a envoyé des engins censés répondre au standard international. Donc, cela changé la physionomie du Port autonome de Conakry. Vu tout ça, je ne peux pas faire la comparaison entre lui et ceux qui étaient là depuis la prise du pouvoir par l’Armée», commente-t-il.

Pour cela, indique M. Kourouma, le président Alpha Condé a été un visionnaire. Car, après 23 ans de pouvoir non-maitrisé, il y aurait pu avoir des troubles graves, mais il a fallu un homme expérimenté comme lui pour nous faire éviter cela, soutient-il. Lorsque Alpha Condé arrivait au pouvoir, les caisses étaient vides, témoigne le Commandant Kourouma.

« Moi, j’étais membre du CNDD.  On a trouvé qu’il n’y avait pas d’argent. On a eu recours à la planche  à billet pour pouvoir travailler et répondre aux besoins de fonctionnement de l’administration. Chose qui a contribué a favorisé l’inflation. Alors que Alpha Condé, lui, il est venu trouver qu’il n’y avait  rien dans les caisses de l’Etat…», a-t-il souligné.

De l’avis du commandant, si le groupe Bolloré est aujourd’hui en difficulté ou qu’il y a des choses qui ne marchent pas bien en son sein, cela peut être corrigé. «Mais ce qui est clair, c’est qu’il est plus positif que ses prédécesseurs. Et juridiquement, ce n’est pas à moi d’apprécier. Plutôt les juristes qui savent comment tout cela a été ficelé. Mais ce que je sais, Alpha Condé n’avait pas besoin de corruption pour être au pouvoir », conclut-il.

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