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Accident mortel de Manfran-Kissidougou : voici les circonstances réelles du drame

De cette énième tragédie routière, nous allons encore parler, le cœur serré, partageant avec l’ensemble de nos compatriotes, la pesanteur insondable de cette charge émotionnelle qui étreint chacun de nous, à chaque survenue d’évènement du genre. L’onde affective qui en a résulté a atteint les autorités au plus haut sommet qui ont décrété trois jours de deuil national, en la mémoire des 11(onze) victimes mortelles que cet accident nous a coûté.

Mais, posons-nous la bonne question. Comment donc un tel drame s’est-il produit ? Le chef d’escadron Pépé Haoromou, chef du service constat à la compagnie sécurité routière de Guéckédou tente de nous en parler. Voici le  substrat que nous avons tiré de ses explications marquées d’un émoi que la voix laissait transparaître, tout le long de notre entretien. On serait ému pour moins que ça !

« Je suis le responsable du service constat à la compagnie sécurité routière de Guéckédou. Je vous parle au nom de mon commandant d’unité, le lieutenant colonel Sidiki Camara. Tout d’abord, ce sont des condoléances que nous allons adresser aux familles des malheureuses victimes de cet accident. En tant qu’officier de constat à la gendarmerie routière, je puis vous dire qu’il nous arrive quelque fois de rencontrer des cas d’accidents très graves. Mais laissez-moi vous dire qu’on ne s’habitue guère à voir ces corps sans vie, étalés devant nous ou ces blessés graves, gémissant de douleur et attendant qu’on leur porte secours. Ça je puis vous le dire, ce sont des choses qui marquent fortement un homme. C’est tout ça qui nous motive dans notre mission de toujours servir la cause de la prévention et de la sécurité routières. Nous souhaiterions que chaque citoyen, chaque usager comprenne l’intérêt qu’il y a à respecter le code de la route pour éviter les accidents. Il ne faut pas qu’ils attendent d’en être victimes ou auteurs pour le comprendre.

Pour ce cas précis de l’accident de Manfran dont il est question ici, c’est notre représentant à Kissidougou, l’adjudant Kalva Bavogui, qui nous a alertés et qui en a dressé le constat. Il nous apprend que cette tragédie, dont l’opinion s’est largement emparée et qui a entraîné un deuil national de trois jours, s’est produit le mercredi 16 septembre, peu après 21heures, entre la sous préfecture de Manfran, située à 55km de Kissidougou et la localité de Bambasidiya où se tient un marché hebdomadaire, tous les mercredis. Ce jour fatidique, des passagers, au nombre de 17 (dix-sept) se sont embarqués pour Manfran, distant de 08 km de là. Nous étions le soir, aux environs de 20 heures. Le marché avait déjà fermé ses portes, il y a longtemps. Mais, il fallait attendre les derniers bagages de quelques passagers, souvent tardifs. Les deux apprentis ont entrepris de charger le tout (bagages et colis divers) à l’avant de la carrosserie. C’est là-dessus que les femmes, majoritaires dans le véhicule, ont pris place, comme pour être en contact direct avec leurs affaires. Le reste des passagers s’est plutôt placé à l’arrière, dans la carrosserie.

C’est après que le chauffeur Bakary Mara, la cinquantaine, a pris le départ. Son camion est un Renault, ‘’six roues’’, immatriculé RC 5864Q, dépourvu de toutes pièces. Voilà une dizaine d’années que Bakary Mara, bien connu dans la contrée où il réside même, l’utilise pour transporter des personnes et des biens entre les districts de Manfran. Il est surtout fréquent dans les marchés hebdomadaires. Malgré le mauvais état des routes dans ces zones reculées, il s’était toujours tiré à bon compte. Mais, il n’est pas évident qu’il ait beaucoup songé à son camion qui prenait de l’âge, roulait toujours en surcharge sur des pistes rurales défoncées. Il ne lui assurait pas la contrepartie attendue, en termes d’entretien et de réparation. On peut dire qu’il se débrouillait quand même avec et faisait de son mieux pour le rouler, sans papiers, dans son état vétuste jusqu’à… ce dernier voyage.

Après un kilomètre de parcours, au départ de Bambasidiya, le chauffeur a enregistré une première panne de phares, précisément dans le village dénommé Yémbédou. Là, après quelques tentatives, il a réussi à les rallumer. Le voyage a repris un moment avant que les mêmes phares s’éteignent à nouveau, quelques kilomètres plus loin. Mais cette fois, le chauffeur a décidé de continuer jusqu’à Manfran, leur destination finale, pour y effectuer une meilleure réparation. Il semble qu’il aurait allégué être capable de rouler, malgré le manque d’éclairage. Il voyait, disait-il, assez  bien, pour s’orienter correctement dans la nuit noire, sur une piste rurale au tracé sinueux. Il aurait même prétexté connaître parfaitement la zone pour pouvoir y circuler, les yeux fermés. C’est sur ces entrefaites que le drame s’est produit. Nous étions au-delà de 21 heures à environ deux kilomètres de Manfran. C’est là que le camion a dérouté sur le côté droit de la route, avant de plonger dans un ravin avec tout son contenu. Sa course a pris fin quelques mètres plus bas. Il s’est couché sur le flanc droit, se libérant violemment de son chargement de bagages et de passagers dont les uns étaient emmêlés, entrechoqués, étouffés, écrasés et les autres éjectés et dispersés dans tous les sens. Bilan : onze morts sur les lieux. Rien que des femmes dont l’âge varie entre 17 et 60 ans ! Les autres passagers n’ont été que légèrement blessés.

Quant au chauffeur, Bakary Mara, il reste introuvable jusqu’au moment où nous vous parlons. Aussitôt après l’accident, il a disparu. Nous le recherchons activement depuis cette nuit pour répondre des faits de manque d’entretien, défaut de visite technique, transport mixte, auxquels s’ajoute maintenant le délit de fuite, infractions au code de la route que nous relevons et retenons contre lui.

 Je m’en vais vous dire que son comportement a surpris tout le monde. C’est un adulte, sain de corps et d’esprit, parfaitement intégré dans la contrée. Nous apprenons même qu’il est marié à Manfran. Nous ne voyons pas ce qui a pu le pousser à disparaître ainsi, sans laisser de traces, abandonnant tout derrière lui. Le mieux était qu’il se présente librement à nous.

Dans tous les cas, nul ne doit se soustraire délibérément de ses obligations et responsabilités devant la loi. Le dossier de cet accident mortel reste donc ouvert, jusqu’à l’aboutissement de nos enquêtes. »

 Que voilà donc, une affaire à suivre et des leçons à tirer !

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