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Accident mortel de Baté Nafadji : voici ce qui s’est réellement passé

La gendarmerie routière nous parle d’une collision survenue entre un camion Renault citerne de 38 000 litres, immatriculé R C 9442 R et une voiture Renault 19, RC 3636 T, de transport en commun. Le camion transportait du carburant (essence) à destination de Siguiri, alors que la voiture roulait vers Kankan avec huit passagers à bord.

Selon le chef d’escadron Alfred Akoї Bavogui, commandant la compagnie sécurité routière de Kankan, c’est aux environs de midi que l’accident s’est produit. Dans la localité de Batè Soyila, sous-préfecture de Baté Nafadji au PK 50 de Kankan. Sur le champ, huit des occupants de la voiture, dont le chauffeur, ont perdu la vie. Un seul a survécu (une dame) avec de graves blessures.

Dès après, les victimes ont été transportées à l’hôpital régional de Kankan, les corps restitués à leurs familles et la blessée admise en soins intensifs.

Cet accident s’est produit en plein jour, sur un tracé rectiligne et alors que la visibilité était parfaite.

« C’est le camion citerne qui s’est subitement déporté sur sa gauche, juste avant le croisement», nous dira le chef d’escadron Alfred Akoї Bavogui. Il poursuivra avec une pointe de regret : « cette manœuvre n’a donné aucune chance à la Renault 19 et ses huit passagers. Le camion citerne leur a foncé dessus à toute allure et sous l’effet de l’impact, il a littéralement « piétiné » et écrasé la voiture, avant de s’immobiliser 40 mètres plus loin, dans la brousse. Avec des dégâts corporels et matériels considérables.

Aussitôt informé, notre service constat s’est mobilisé pour les procédures d’usage, en pareilles circonstances. Nous avons hautement apprécié que nos collègues de la compagnie territoriale de gendarmerie de Siguiri et ceux de l’escadron mobile n0 19 de Kankan se soient mobilisées pour nous prêter main forte dans la gestion de cet ‘après-accident’ qui n’était pas des plus faciles à surmonter.  

Conduits par leurs commandants respectifs, ces deux unités se sont  déployées pour parer à toute éventualité. L’ampleur de l’évènement et les risques de  trouble à l’ordre public qu’il pouvait entrainer justifiait largement leur présence. En effet, des informations à notre disposition indiquaient que des individus voulaient s’en prendre au véhicule du présumé auteur de l’accident. Une thèse bien réelle que nous sentions s’affermir au fil des heures. Elle semblait proportionnelle à l’indignation ressentie par les  habitants, choqués par la violence de l’accident et les bilans corporel et matériel qui en ont résulté. »

 Ce n’est pas nouveau, un tel comportement empreint d’anarchie se voit de temps à autre chez nous. Aussitôt qu’un accident se produit, des gens,  parmi les témoins ou les riverains se lèvent spontanément pour faire leur loi. Ils clament haut et fort qu’ils rendent justice en punissant celui ou ceux qu’ils déclarent avoir tord dans l’accident. De quelle justice parlent-ils, dans ces cas de figure ? De quoi se mêlent-ils et de quel droit?

Ils s’en prennent inversement au conducteur, dont la vie ne tient alors qu’à un bout de fil, ou à son véhicule, qu’on détruit ou brûle.

Or, pour ce cas de figure, l’accident a impliqué un camion citerne chargé de carburant (essence.) Avec tous les dangers que comporte une interférence brutale et violente de mains inexpertes sur un tel véhicule. Comme partout ailleurs en pareille situation, les gens tentent d’abord de siphonner le carburant par tous les moyens. Leurs gestes malhabiles et désordonnés entrainent la pollution par l’épandage inévitable du produit et son infiltration dans le sol. Le pire arrive en cas d’incendie dû aux imprudences des pilleurs qui sont légion dans un tel tumulte. On ne sait jamais qui avait une allumette, un briquet ou toute autre source d’énergie. Ces situations, si elles surviennent, peuvent produire de graves conséquences aussi bien sur les personnes que sur l’environnement.

A noter que la citerne initialement chargée de 38 000 litres d’essence au départ de Conakry, en avait déjà livré une partie à Batè Nafadji. Il lui en restait donc une quantité destinée à Siguiri. Faisant preuve d’un professionnalisme louable,  les gendarmes ont entrepris de minimiser les risques. Ils ont d’abord réquisitionné un tracteur pour tirer la citerne immobilisée en brousse après l’accident. Ensuite, ils ont décidé que le reste du carburant soit entièrement dépoté à Batè Nafadji. Une fois la citerne vidée de tout produit, c’était comme s’ils avaient désamorcé la ‘bombe à retardement’ que tout le monde épiait. Et sans attendre, la citerne a été convoyée au siège de la compagnie sécurité routière à Kankan, en même temps que le chauffeur qui, dans un premier temps, s’était rendu à la compagnie territoriale de gendarmerie de Siguiri pour se constituer prisonnier, dès après l’accident. Ces mesures opportunes, concrètes, rapides et efficaces ont permis de rétablir le calme dans la localité.

Dans l’analyse de ce drame routier, la compagnie sécurité routière de Kankan a relevé le fait que la voiture R 19 ne soit pas peinte en jaune, couleur taxi, conformément à la règlementation en vigueur. Malgré sa plaque d’immatriculation qui l’exige (fond noir, écriture blanche).  A cela s’ajoute un cas de surcharge de passagers. Ils étaient neuf à bord, chauffeur compris, au lieu de six, généralement admis pour ce type de transport.

Faut-il le rappeler, en moins de dix jours, la circulation en rase campagne aura coûté la vie à 21 citoyens guinéens qui ne cherchaient qu’à vivre heureux comme tout autre. Nous obtenons ce chiffre fatidique en ajoutant à ces huit morts de Batè Nafadji, sur la route nationale n° 6, les  treize autres, enregistrés lors de l’accident du 24 novembre dernier, à Banian, sur la route nationale n° 2,  dans la préfecture de Faranah.

Nous n’occultons pas le cas des blessés dont certains, dans un état très grave,  voient leurs chances de survie ou de parfaite guérison, fortement amenuisées, pour ne pas dire compromises. C’est le pronostic émis par des médecins, au regard des énormes traumatismes subis.

Ne nous voilons pas la face. Il en est ainsi, hélas, tenant compte des qualités et capacités de prise en charge des victimes d’accident de la circulation, dont dispose à ce jour, notre pays.

Ce décompte macabre de tués et de blessés sur nos routes nous plonge tous dans un émoi ineffable.

Cela est grave, plus que grave même. A tout point de vue. Tant pour les proches des victimes que pour le pays tout entier.

A noter dans ces énumérations que les femmes sont les principales victimes de ces hécatombes. Sur les 13 morts de Banian, elles étaient 08 et pour ce dernier cas, elles sont 07 sur les 08 décès. Soit un total de 15 femmes tuées sur un total de 21. Entre le 24 novembre et le 03 décembre !

« Mais, qu’on ne s’en étonne point, » dira le chef d’escadron Alfred Akoї Bavogui. « Les femmes sont fortement touchées dans les accidents que nous enregistrons. L’une des raisons à cela, tient au fait qu’elles constituent dans bien des domaines, les leviers essentiels à la vie des familles. Elles sont très nombreuses à se mobiliser surtout pendant les marchés hebdomadaires à la recherche du bien être de leurs foyers dont la charge leur incombent dans une large proportion. Pour mener leurs activités de petit commerce ou de visites familiales, elles sollicitent régulièrement les transports en commun. Lesquels sont malheureusement sujets à des accidents fréquents. C’est l’une des explications. Nous le regrettons très fort, d’autant que ces femmes sont celles qui donnent la vie, éduquent nos enfants et entretiennent nos foyers. Il est dramatique de les voir autant périr dans les accidents.

Pour en revenir à l’accident mortel de Batè Nafadji, je vous dirais ceci : d’expérience nous savons que les routes droites sont autant, sinon plus dangereuses que celles sinueuses. Les raisons à cela sont de deux ordres: sur les lignes droites en rase campagne, deux  ‘pièges’ guettent les conducteurs. Le premier, c’est le sentiment de grande confiance qui s’empare d’eux, quand la route est toute droite et en bon état. Ils ont alors tendance à accélérer et à vouloir toujours rouler plus vite.  Ce qui constitue une prise de risques.

Le second est un piège en soi qui guette le conducteur. Il se manifeste à des degrés divers, en fonction des individus, chacun ayant sa propre façon de réagir face au danger. Devant la relative facilité à conduire que leur procure cet environnement de ligne droite et d’espace dégagé, ils perdent leur concentration habituelle et cessent d’être vigilants. Ils sont alors distraits et perdent facilement le contrôle de leur véhicule, au moindre incident qui survient. Quelquefois aussi, ils dorment au volant et c’est la catastrophe assurée. »

S’inspirant de cette hypothèse très fondée et des résultats de ses investigations, la gendarmerie routière a conclu que la vitesse a beaucoup contribué à l’aggravation du bilan de cet accident. L’écrasement de la voiture, la mort violente et les blessures graves des passagers à bord en sont des preuves éloquentes.

Si la vitesse avait été réduite, les dégâts n’auraient pas atteint cette proportion. Pour les spécialistes, ‘si la vitesse n’est pas forcément un facteur d’accident, par contre elle est toujours un facteur aggravant.’ Partout où elle a été associée, il en a toujours été ainsi. Les deux sont proportionnels.

Un autre aspect est le comportement du chauffeur de la citerne. Il lui est reproché une circulation à gauche, mais aussi un excès de vitesse et probablement un assoupissement au volant. Cela peut être prouvé par la reconstitution de son périple depuis son départ de Conakry. S’est-il reposé ? A-t-il bien dormi ? A-t-il mangé et bu, comme il se doit ? Est-il en bonne santé physique et psychologique ?, etc. Seule une analyse correcte de tous ces paramètres  peut nous situer.

Pendant ce temps, et comme pour tromper l’opinion, on voit, marqués sur le dos de la citerne les chiffres 30 et 50 qui signifient la vitesse maximum autorisée en agglomération et en rase campagne. Mais, au vu de ce qui s’est passé, on peut sans hésiter, dire que Ibrahima Baldé, ce chauffeur de 28 ans, n’en a nullement tenu compte au volant de  son camion citerne.

Du reste, il appartient au groupe des indépendants et autres dérivés que nous avons souvent évoqué dans maints articles publiés par votre site guineenews. org. Ce groupe de transport n’est pas affilié aux sociétés pétrolières installées chez nous (Total et  Vivo). En conséquence, il n’est pas soumis aux normes de sécurité imposées par celles-ci. Mais pour autant, cela ne semble guère lui porter préjudice. Contrairement aux autres, il lui est permis, lui qui est indépendant, de faire presque tout à sa guise. Ses camions sont chargés sans problème, au dépôt de Coronthie. Ils distribuent du carburant partout en Guinée, au même titre que les autres. A quelques différences près : leurs chauffeurs ne sont pas formés et recyclés, ils roulent la nuit et ne sont pas soumis à la limitation de vitesse ou à la pause obligatoire après deux heures de conduite.

Peut être bien que pour cet accident, une partie de l’explication est bien là.

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