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Accident de camion-citerne à Madinadjan :  le drame relance les débats sur la problématique du transport d’hydrocarbures en Guinée (suite)

D’après le commandement de la gendarmerie routière, cette tragédie s’est produite lorsque le camion-citerne s’est renversé et a pris feu, à la suite d’un mauvais dépassement. C’était le vendredi 06 septembre, aux environs de 14 heures. Assez lointain tout ça, dira-t-on, pour vite classer l’évènement dans la rubrique des informations non éligibles en salle de rédaction. Rien que de très normal tout ça, quand, au nom du sacro-saint principe du factuel à tout prix, on évite les produits jugés ‘périmés’, à proposer aux ‘consommateurs’. On ne doit leur servir que du frais et non du rassis. Mais, qu’à cela ne tienne ! Pour ce cas précis, le caractère gravissime et spectaculaire de l’accident est d’une ampleur telle, qu’il nous semble concevable et utile de le partager nécessairement entre tous les citoyens, comme un triste vécu à faire revivre constamment dans les esprits, pour ne plus jamais en connaître de semblable sur nos routes.

Cette digression est faite pour nous interpeller, chacun, suffisamment. A l’effet d’avoir toujours la meilleure attitude qui sied pour nous en prémunir, du mieux que possible. De notre point de vue, pour peu que l’on y revienne d’ailleurs, on est un peu surpris du sort assez ‘timoré’ que l’opinion a réservé à cette catastrophe routière. D’expérience, il nous a semblé que l’intensité attendue ou habituelle a manqué, face à pareille catastrophe aux conséquences si dramatiques. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il est noté dans les milieux de la presse, que le côté violent et morbide de certains accidents, a toujours exercé un attrait particulier sur l’opinion, qui s’en délecte et en fait de larges commentaires. Le feed-back des informations produites chaque jour l’atteste à suffisance.

Le crissement des pneus, le fracas des tôles, les cris et hurlements des victimes, les pleurs et gémissements perçus sur un lieu d’accident, tous ces sons et images dantesques, associés à la vue des morts, des blessés, du sang, des tôles froissées, enchevêtrées, éparses, parfois fumantes, des destructions alentour, etc. Tout cela, disons-nous, attire, mobilise et vend bien. Tout autant que les sujets liés à la politique, à l’art et au sport, au sexe, à la drogue, à la violence et au crime. Nous nous sommes faits à l’idée que l’information sur ce drame a manqué d’intensité. Cet accident suivi d’incendie, de morts et blessés, de destructions de tous ordres est passé presque incognito. Il nous a semblé qu’il n’a pas été suffisamment relayé par les canaux habituels. Aussi, tentons-nous de combler ce déficit, en partant d’informations fraîches rapportées par le commandement de la gendarmerie routière, en charge du dossier et des objectifs définis par l’union des transporteurs d’hydrocarbures et produits assimilés pour une meilleure organisation du secteur.

 Nous sommes au PK 56, de Kindia vers Coyah, sur la route nationale N°01, dans la localité de Madinadjan, sous-préfecture de Mambia, préfecture de Kindia. Selon le maréchal des logis-chef (margis-chef) Mathieu Mathos Traoré, agent de constat, basé au poste de contrôle de Mambia, cet accident a intéressé trois véhicules:
1-le camion Renault semi-remorque citerne, immatriculé RC-2118-P et RC-9882-P conduit par monsieur Mamadou CONTE;

2-la voiture Mazda RC-4807-AA, conduite par monsieur Ismaël DIALLO ;

3-le Camion Renault semi-remorque TRUCK RC-5891-O et RC-5892-O, conduit par monsieur Ibrahima DIALLO.

D’entrée, le margis-chef annonce n’avoir pu recueillir aucun document administratif afférent à la conduite de l’un ou l’autre de ces trois véhicules. Le tout, dira-t-il, a entièrement brûlé dans le terrible incendie qui s’est déclaré, aussitôt après l’accident.

Il précise également que la localité de Madinadjan où s’est produit le sinistre, est traversée par une route très longue, au tracé rectiligne. L’endroit est bien connu des usagers qui fréquentent assidûment cette nationale n0 1, entre Coyah et Kindia. C’est là, dira le maréchal des logis-chef (margis-chef), que le chauffeur Mamadou Conté, au volant de son camion semi-remorque, roulant vers Kindia, avec un chargement de 40 000 litres de carburant, a entrepris de dépasser un minibus non identifié qui roulait devant lui, peut-être, trop lentement à son goût. C’était périlleux et cela ne l’a pas dissuadé pour autant. Selon l’agent de constat, quelques mètres après, sa tentative amorcée n’a pas tardé à produire des effets désastreux et voilà que Mamadou Conté perd le contrôle de son camion qui se déporte sur le bas-côté gauche de la chaussée. Et c’est alors que, bizarrement, la situation s’aggrave, avec l’éclatement du pneu avant gauche du camion-citerne. Son élan incontrôlé, le propulse subitement contre la voiture Mazda, citée plus-haut, et qui était stationnée en ces lieux, en dehors de la chaussée. Il la percute violemment par arrière et l’entraîne contre la carrosserie d’un autre camion Renault Truck, semi- remorque, lui aussi, régulièrement garé, quelques mètres plus loin. La force de l’impact a été telle que le carburant dans la citerne a jailli pour prendre feu aussitôt. Et les 40000 litres d’essence ont formé un brasier à intensité indescriptible qui a enveloppé tout alentour.

Après que les flammes se soient « rassasiées » de rôtir tout ce qu’il y avait dans l’environnement immédiat du camion-citerne, le margis-chef Mathieu Mathos Traoré a fait un bilan du sinistre advenu : 04 morts, dont le chauffeur Mamadou Conté et 06 blessés très graves. Par ailleurs, il ajoute que les 03 véhicules en cause sont tous calcinés avec leur contenu, de même que neuf (09) motos, un (01) vélo. Il s’agit, pour l’essentiel, d’engins appartenant à des fidèles qui étaient venus s’acquitter de leur devoir religieux du vendredi saint, dans la mosquée située, non loin du lieu d’accident. Heureusement, la prière était finie. Les fidèles s’étaient dispersés pour la plupart et le camion s’est immobilisé à quelques mètres seulement de ce lieu de culte. Autrement, on imagine à peine, ce qui aurait pu se passer.

Pour autant, tout le monde dans la localité ne s’est pas tiré à bon compte, de cette catastrophe. En plus des morts et blessés, des dommages matériels et de l’effroi ressenti, quelques habitants ont perdu des biens matériels et immobiliers. On dénombre deux (02) boutiques, deux (02) kiosques en métal, cinq (05) hangars, une boucherie, tous calcinés, avec leur contenu, trois (03) petits groupes électrogènes Tiger et une brouette.

Phénomène insolite pour les non- initiés, il nous a été rapporté que le feu de cet incendie avait atteint un petit marigot où se baignaient des enfants, des centaines de mètres plus-bas. Devant ce spectacle extraordinaire, ils se sont rapidement dispersés, terrorisés au plus haut niveau. Que le feu puisse se retrouver ainsi à cette distance et au-dessus de l’eau est forcément une énigme que tout charlatan peut exploiter pour mystifier plein de monde. Mais dans la formation destinée aux chauffeurs on apprend les causes de ce phénomène dans le chapitre consacré aux caractéristiques et dangers liés aux produits pétroliers. Des leçons qui s’avèrent, à la limite, tout autant utiles aux citoyens riverains d’une route ou susceptibles de se trouver sur un lieu d’accident de camion-citerne.

Interrogé sur les causes de cette catastrophe, l’agent de constat, conclut à l’excès de vitesse, la circulation à gauche et le manque d’entretien technique, infractions au code de route que son service relève et retient à l’encontre de monsieur Mamadou Conté, conducteur du camion-citerne RC-2118-P et RC-9882-P.

Voilà des conclusions qui closent un dossier. Pour autant, sommes-nous rassurés qu’il n’y aura plus jamais ‘une autre fois’, c’est-à-dire une répétition de cette catastrophe, en un lieu quelconque, du territoire national ? Est-il même possible, ou envisageable, de l’espérer, un seul instant ? Pas très sûr ! Ce serait un leurre que d’y songer, quelle que soit la dose d’optimisme qui nous habite. Hélas ! Nous devons admettre que de telles conclusions, malgré leur pertinence, leur rigueur et leur évidence, ne mettent pas fin à ce genre de situations, jamais définitivement enrayées, malgré les préjudices incalculables qu’elles infligent aux populations. Les raisons en cela sont multiples et se situent, pour l’essentiel, dans le comportement des acteurs évoluant dans le secteur.

Réagir sans tarder pour limiter les risques  

Ce problème est entier et il concerne une activité professionnelle rentable certes, mais à haut risque. Nous ne devons pas croiser les bras, laisser-faire et attendre que pareille situation se répète, pour encore réagir. Les pouvoirs publics et les responsables du secteur des hydrocarbures doivent fonder leur action sur la vision et la prospective et non sur l’attentisme. Il faut devancer les événements et ne pas se laisser surprendre par eux. On s’épargne ainsi des dommages susceptibles d’arriver, au lieu de gérer leurs effets et regretter leur survenue. Il faut admettre que tout cela est parfaitement réalisable et qu’il faut agir dès maintenant et de manière constante, rigoureuse et efficace. Aucun «rabbanaa», aucune incantation, aucun philtre magique ne va nous protéger, si nous ne mettons en œuvre la démarche qui sied. Celle qui consiste à agir sur le comportement des exploitants de camions citernes qui interviennent sur toute la chaîne, du chargement à la livraison.

La formation chauffeurs, clé de voûte de la sécurité du transport d’hydrocarbures

Le transport de produits pétroliers est une activité trop sensible pour qu’on la laisse à la portée du premier conducteur rencontré. Les sociétés présentes chez nous (Total et Shell-Vivo) le comprennent parfaitement.  Personne ne conduit un camion-citerne affilié à elles, s’il n’est formé et dûment habilité par ses services compétents en la matière. Cette formation très sélective, qui est dispensée à l’interne, dans un centre spécialisé, comprend deux volets, théorique et pratique. On apprend aux candidats chauffeurs-livreurs de carburant, les règles de la conduite défensive et tout le processus qui conditionne une manipulation correcte et sécurisée des produits pétroliers. Un programme qui prend en compte l’essentiel des règles et procédures dont le conducteur a besoin pour préserver la qualité du produit et en assurer le chargement et la livraison, sans dommages. En somme, on l’outille à répondre aux nombreux critères qui sont exigés pour l’exercice correct de ce métier, tout à la fois prestigieux et plein de risques. A voir les résultats constants de zéro accident l’an, que réussissent ces chauffeurs, on est porté à croire au bien-fondé de cette disposition, certes rigoureuse mais payante, qui gagnerait à être dupliquée à tout le secteur du transport d’hydrocarbures de notre pays.

Dommage que le chauffeur Mamadou Conté ait payé de sa vie, son imprudence. La vie n’ayant pas de prix, c’est trop chèrement payé ! Nul doute que s’il avait été formé, il n’aurait pas tenté de dépasser le minibus. La formation en règles générales et en conduite défensive aborde tous ces cas de figure et prévoit la conduite à tenir. Mieux, s’il avait appris que sa manœuvre aurait déclenché des forces contradictoires qui influencent négativement le comportement de son camion, il se serait abstenu. L’énergie cinétique, l’inertie, la force centrifuge, le centre de gravité du camion chargé sont des facteurs physiques auxquels vient s’ajouter le ballant du produit dans la citerne. Tous ceux qui sont formés savent que le produit valse dans la citerne dans le sens opposé des changements de direction imprimés au camion. Quand il tourne à droite, le produit bascule vers la gauche et inversement. Un conducteur de citerne semi-remorque qui n’est pas préparé à cela, perd l’équilibre au premier virage qu’il aborde à vive allure, à cause de ce ballant, surtout si, sous l’effet de la surprise, il tente de redresser brutalement. Un « conflit » se crée aussitôt entre le tracteur et la remorque, le plus souvent au niveau de la sellette, et l’accident est rarement… évitable !

Ajoutons à cela que si les règles étaient respectées, l’état défectueux du pneu qui a éclaté aurait été décelé, dès la première inspection et le camion aurait été interdit de chargement. Il n’aurait pas voyagé et cet accident ne se serait pas produit.

Le piège du tracé rectiligne de Madinadjan

 Le lieu où s’est produit cet accident a été décrit plus haut, par l’agent de constat. Le tracé rectiligne qui se présente à cet endroit est si bien marqué que certains usagers en viennent à extrapoler de temps à autre. Entre amis, le débat pousse certains à jurer qu’un avion pourrait même y atterrir, si nécessaire. Tellement la route est droite, longue et en bon état.  Mais attention, que l’on ne s’y méprenne point. Cette rêverie de conducteur qui se voit atterrir cache un danger bien réel, qui existe en ces lieux, au décor enchanteur. Le fait que la route soit très dégagée incite à quelques imprudences. Pour beaucoup de conducteurs c’est le moment rêvé de tester la puissance de leur moteur.  Ils accélèrent et se grisent de vitesse, pendant que, loin devant, comme un piège fatal dans lequel ils tombent malheureusement quelquefois, les attend un virage à droite, serré. Les accidents y sont fréquents et la toponymie inspirée du vécu des populations rurales riveraines, n’a pas tardé à baptiser cet endroit du nom évocateur de ‘’tournant fonctionnaire’’. Sur la question, les avis sont variés. D’un côté, c’est parce que les fonctionnaires sont les plus nombreux à tomber dans ce piège en sortie de…piste d’atterrissage ! Et de l’autre, ces mêmes fonctionnaires constituent la branche de conducteurs la moins qualifiée pour rouler en rase campagne. On les affuble également du vocable de « chauffeur Coyah », une épithète teintée d’ironie qui désigne ceux qui n’ont pas la maitrise du volant et qui ne conduisent que sur ligne droite et sur courte distance. Il y a fort à parier que ce soit ce virus de la vitesse qui ait pris le chauffeur de la citerne quand il a décidé de dépasser à tout prix le minibus non identifié. Tout le drame est parti de là !

 

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