Près d’un an après le coup d’Etat contre Alpha Condé, l’espoir d’une frange des populations s’est mué en désillusion. C’est le divorce total entre les militaires et ceux qui les avaient applaudis. Des multiples arrestations des jeunes de l’Axe et des responsables du FNDC, les autorités sont allées jusqu’à dissoudre le FNDC ; un acte que même Alpha Condé n’avait pas imaginé faire.
Dans un entretien accordé à Guineenews©, Abdourahmane Sano, ancien Coordinateur du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) a exprimé ses inquiétudes face à la situation dans laquelle la Guinée est plongée actuellement.
Sur la dissolution du FNDC, Abdourahmane Sano, s’est demandé comment cette décision du ministre Mory Condé pourrait-elle s’appliquer, vu que le FNDC n’est pas un mouvement formel : « Comment cela va-t-il être appliqué ? Est-ce que c’était vraiment nécessaire de prendre un tel acte ? La majeure partie des observateurs, pour ceux qui connaissent le fonctionnement des mouvements de ce genre, qui n’ont pas une existence formelle, se demandent comment on peut prendre un acte formel pour les dissoudre ? On est dans un contexte de crise, mais je crois que les problèmes doivent pouvoir être réglés autrement que de prendre des actes qui ne peuvent pas dans la réalité être appliqués, à moins que cela nous amène dans les répressions, dans les violences d’Etat et ce qui ne serait pas la bonne solution à la situation que nous vivons aujourd’hui. »
Les violences enregistrées ces dernières semaines à Conakry résultent de l’interdiction des manifestations qui, selon Abdourahmane Sano, n’avaient aucune raison d’être refusées : « C’est le droit des Guinéens de manifester. Je ne vois pas trop pour quelle raison fondamentale on devrait pouvoir interdire les manifestations. »
Ce qu’il fallait faire, ajoute-il, c’est d’éviter de faire des actes qui conduisent aux manifestations : « Il faut les prévenir. Il faut anticiper, il faut les éviter. On ne peut les éviter que lorsqu’on a une démarche qui tient compte de l’avis d’une bonne partie des Guinéens. »
Lors des manifestations du 28 juillet et les jours suivants, d’autres jeunes se sont attaqués à ceux qui manifestaient. Une situation que déplore l’ancien Coordinateur du FNDC : « Ce qui est extrêmement dangereux, et ce sont les dérapages de la situation dans laquelle nous nous trouvons et qui est en train d’empirer, c’est de mettre des Guinéens contre des Guinéens. Le maintien d’ordre revient aux institutions qui sont constituées à cet effet. […] Tous les ingrédients sont là aujourd’hui pour qu’on puisse aller vers l’implosion, je ne le souhaite pas et je voudrais interpeller le Colonel Mamadi Doumbouya pour qu’il fasse beaucoup attention, qu’il ne voie pas que l’entourage, qu’on essaie de voir au-delà, parce que je ne suis pas sûr qu’ils aient pris le pouvoir là pour échouer ou en tout cas pour ne pas permettre à la Guinée d’avancer. Mais les actes qui sont en train d’être posés concourent à cela. Et c’est vraiment regrettable. »
Si de nombreux Guinéens ont applaudi le Colonel Doumbouya et son CNRD suite au renversement du régime d’Alpha Condé, Abdourahmane Sano indique que dès le 5 septembre, il y avait des signes de dérapage : « Les risques de dérapage étaient là et les indices étaient là depuis le 5 septembre. Souvent, on combat les systèmes sans trop les réaliser en faisant face au régime qui incarne, symbolise et alimente les pratiques du système sans être forcément le système. Le système est aussi constitué des gens qui sont dans le régime que des gens qui sont en face et qui sont en train de se battre parfois pour de bonnes raisons, parfois pour de mauvaises raisons, contre les pratiques qui font que notre pays a du mal à s’en sortir et nos citoyens ont du mal à s’épanouir. »
Alors, avertit Sano, le seul qui sera redevable de la situation actuelle, ce sera bien le Colonel Doumbouya : « Aujourd’hui, il faut que le Colonel Doumbouya comprenne et se rappelle que demain l’histoire ne verra pas plusieurs visages. C’est lui qui sera redevable des excès de ceux qui l’entourent. Et quand il se tait dessus, il sera complice. Et ce sera dommage. Tout le monde doit souhaiter que cette transition réussisse. Mais lorsque ça se fait sans que l’on ne puisse avoir une certaine légitimité dans les démarches, alors on s’exposera à d’autres transitions. »
Pour sortir de la crise, Abdourahmane Sano demande à toutes les parties de mettre balle à terre et souhaite la mise en place d’un cadre de dialogue franc : « Que ce soit le CNRD ou le FNDC, mon appel, c’est que tout le monde mette balle à terre. Et que tous ceux qui peuvent intervenir pour qu’on ait une accalmie se mobilisent pour aider à aller à l’accalmie. »
Il conclut par dire que le FNDC ne sort pas dans la rue parce qu’il en a envie : « Les initiatives du FNDC sont la résultante d’une situation à laquelle nous devons porter attention et trouver une solution à cela. Je ne suis pas sûr que le FNDC puisse avoir la volonté de manifester pour manifester. Il y a une cause, il faut l’écouter. »
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