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Démission de Me Cheick Sako, colère des avocats, dossiers corruption : retour sur l’année judiciaire 2019 en Guinée  

Du jugement de l’ancien directeur général de l’Office guinéen de publicité (OGP), Paul Moussa Diawara au dossier des militaires accusés de  » l’attaque contre le bataillon blindé du camp Alpha Yaya de Conakry, principale garnison militaire du pays – qui s’est ouvert le 26 décembre dernier–, plusieurs procès ont marqué l’année judiciaire en Guinée. Des affaires dont certaines ont connu leurs épilogues déjà, tandis que d’autres ont fait pschitt, comme dans le cadre de la lutte contre la corruption, engagée par le gouvernement contre des cadres accusés de détournements de deniers publics. La démission de Me Cheik Sacko, ancien garde des sceaux, fut aussi l’autre fait marquant de l’année qui s’achève. Lisez notre rétrospective ! 

Des dossiers de corruption qui ont fait pschitt

 Le 15 avril 2019, après 10 mois de procès, Paul Moussa Diawara et Inza Bayo, respectivement ancien directeur général et ancien comptable de l’Office Guinéen de Publicité (OGP), sont reconnus coupables des faits de détournement de fonds et complicité sur près de 40 milliards de francs guinéens. Pour la répression, chacun des prévenus est condamné à cinq ans de prison. Mais l’ancien directeur général de l’OGP n’aura passé que trois mois en prison. Le 27 juin 2019, il bénéficie d’une mainlevée prononcée par la Cour d’appel de Conakry, lui permettant de recouvrer sa liberté. Par ailleurs, les avocats de Paul Moussa récusent le président de la Cour d’appel.

« Les garanties présentées ne sont pas du tout à la hauteur des attentes de l’Etat.  Pour deux titres fonciers dont la valeur n’excède même pas 200 millions de francs guinéensalors que nous parlons d’une rocambolesque affaire de plus de 35 milliards de francs guinéens, vous verrez que cette garantie est manifestement dérisoire », réagi Me. Mory Doumbouya à cette libération des prévenus. En dépit de cette réaction, Paul Moussa et son comptable sont restés libres.

Sékou Camara, l’ancien directeur de l’ex Office Guinéen des Chargeurs (OGC), et  l’ex-directeur de la LONAGUI Chérif Haïdara, deux autres gérants de régie financière révoqués  pour « malversation financière », n’iront pas également en prison. Le premier a été condamné avec une peine de prison assortie de sursis, alors que le jugement du second n’a même pas démarré.

L’affaire Boubacar Diallo alias « Grenade », empoisonne les relations entre UFDG et l’exécutif

Ce fut l’un des procès politiques de l’année. Le 18 mars 2019, Boubacar Diallo alias « Grenade », jeune militant du principal parti de l’opposition (UFDG), est condamné à 10 ans de réclusion criminelle pour « tentative de meurtre et détention illégale d’arme de guerre » par le tribunal de première instance de Dixinn. Le procureur Sidy Souleymane N’diaye avait, lui, voulu la condamnation de l’accusé à 20 ans de réclusion criminelle. Un temps prévu pour le 28 juin, le procès en appel n’aura finalement pas lieu en 2019.

Cette affaire a empoisonné les relations entre le principal parti d’opposition et l’exécutif. D’autant que « Grenade » est accusé d’être l’un de ceux qui seraient les auteurs des assassinats d’opposants lors des manifestants de rue.

Fatou Badiar exit, AOB et Jean Guilavogui aux oubliettes !

 Alors que leur co-accusée Fatou Badiar a bénéficié d’une grâce présidentielle le 31 décembre 2018, le commandant Alpha Oumar Boffa Diallo et Jean Guilavogui sont encore en prison dans le dossier sur l’attentat en 2011 contre la résidence du Président Alpha Condé. La dernière fois que ces deux derniers accusés ont comparu dans cette affaire, c’était le 11 février 2019. Ce jour, à la surprise générale, ce sont les avocats de la défense qui ont eux-mêmes demandé le report afin de mieux se pourvoir. Depuis ce report, il n’y a plus eu d’audience.

Colonel Tiégboro vs Qnet : à quand l’épilogue du procès ?

L’affaire entamée en mai 2019 devant le tribunal de première instance de Conakry II s’est retrouvée en ce mois de décembre devant la Cour suprême. Le 17 décembre 2019, la juridiction suprême a décidé du sursis à l’exécution de l’ordonnance numéro 105 de la deuxième chambre de contrôle de l’instruction de la Cour d’appel de Conakry, confirmant l’ordonnance du juge d’instruction du tribunal de Dixinn. Selon cette ordonnance, il n’y avait aucun indice d’infraction à l’égard des représentants indépendants de Qnet, interpellés en mars 2018 par le colonel Moussa Tiégboro Camara. Le juge d’instruction du tribunal de Dixinn avait également ordonné la restitution des biens saisis sur les représentants de Qnet. C’est sur la base de la même ordonnance que les représentants de Qnet se sont retournés en mai 2019 contre Tiégboro, le poursuivant sur citation directe pour  « vol, dénonciation calomnieuse, abus d’autorité, défaillance du requis, atteinte de secret de défaut de répondre à une réquisition ».  Avec la dernière décision de la Cour suprême – et l’emprisonnement récent du consultant résident de Qnet Souleymane Doumbouya –, les derniers épisodes de ce feuilleton judiciaire ont tourné en faveur de Tiégboro.

La démission de Me. Cheick Sako fut un véritable coup de théâtre

Ministre de la Justice et Garde des Sceaux depuis 2014, Me. Cheick Sako présente sa démission au Président Alpha Condé le 20 mai 2019. Sept jours plus tard, Jeune Afrique révèle cette démission dans ses colonnes. Dans les arguments qu’il avance pour motiver son départ du gouvernement, l’ancien avocat au barreau de Montpellier indique « qu’il n’a pas été associé à la rédaction de la nouvelle Constitution en sa qualité de garde des Sceaux ». « Compte tenu de ma position personnelle contre toute modification ou changement de la Constitution en vigueur, vous comprendrez que je ne puisse plus continuer à exercer la fonction de ministre de la Justice », poursuivra-t-il. Après cette révélation, Mohamed Lamine Fofana est nommé au pied levé ministre de la Justice par intérim. Cumulativement avec ses fonctions de conseiller à la Présidence chargée des relations avec les institutions républicaines. Fofana sera confirmé ensuite le 11 novembre dernier. Celui-ci se donne pour priorités de placer les magistrats dans les meilleures conditions de travail, de faire en sorte que la justice soit plus proche des citoyens et d’équiper les cours et tribunaux du pays.

Plusieurs cas de viols enregistrés à travers le pays

Comme depuis quelques années, les affaires de viol étaient à foison dans les dossiers épluchés en 2019. Quelques-unes ont marqué les esprits. Comme celle du maître coranique condamné en octobre dernier, par le tribunal de Dixinn, pour viol sur deux de ses élèves âgées de 8 et 9 ans ou celle de l’étudiant condamné par la même juridiction pour viol sur une orpheline de deux ans.

Le procès des leaders du FNDC a marqué les esprits

Hormis les seconds couteaux, les leaders du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), interpellés et mis sous mandat de dépôt en marge de la première manifestation anti-troisième mandat du 14 octobre 2019, ont dû attendre le procès en appel pour recouvrer la liberté. Leur mise en liberté a été décidée au terme de la première audience en appel sur leurs dossiers respectifs. Abdourahamane Sano, Elie Kamano, Badra Koné et les sept autres prévenus ont même vu leurs procès renvoyer à une date incertaine.

Bras de fer entre avocats et l’ancien président de  la Cour d’appel

L’année 2019 a été aussi marquée par la colère des avocats contre Mamadou Alioun Dramé, alors premier président de la Cour d’appel. Les avocats lui reprochaient d’avoir fait prêter serment à quelque 11 postulants non reconnus par le barreau. En représailles, les avocats ont boycotté durant plusieurs semaines les audiences de la Cour d’appel. Comme pour mettre fin à cette situation qui commençait à perdurer, Mamadou Alioun Dramé  a été nommé  le 18 novembre 2019 –  à la faveur d’un vaste remaniement au sein des magistrats –, comme secrétaire général de la Cour suprême. Seydou Keita, jusque-là président de la 1ère chambre de la Cour suprême, est venu à sa place.

Cinquante nouveaux magistrats, 50 nouveaux greffiers recrutés

La réforme de l’administration judiciaire s’est poursuivie en 2019 avec le recrutement de 50 nouveaux magistrats et 50 nouveaux greffiers. Cette année, le Centre de formation judiciaire a voulu donner plus de chance aux femmes. Avant la phase écrite du concours qui a eu lieu en août dernier, une session de formation de trois mois avait été organisée, à leur intention en vue de préparer le test. Les résultats ont été cependant en dessous des attentes. S’il y a eu 32 femmes sur les 50 admis chez les élèves greffiers, il n’y a eu que huit femmes sur 50 chez les auditeurs de justice.

Tueries dans les manifs politiques : l’opposition comme les victimes du 28 septembre, attend toujours…

Sur le plan politique, l’opposition attendait de la justice guinéenne un procès contre les présumés auteurs des tueries dans les manifestations de l’opposition. Si ‘’Grenade’’, présenté par le procureur comme celui qui tuait dans les manifestations politiques, a été jugé et condamné par le tribunal de Dixinn, l’opposition, elle, s’attendait à un jugement d’éléments des forces de l’ordre. Ça ne sera plus pour 2019 !

Les victimes des tueries et viols du 28 septembre 2009 ne verront pas non plus leurs « bourreaux » passer à la barre du tribunal de première instance de Dixinn. Pourtant, l’enquête est officiellement close et toutes les voies de recours épuisées. En octobre dernier, la procureure de la CPI Fatou Bensouda a dû dépêcher une 18ème mission en Guinée. Cette fois-ci, pour connaître la date exacte du procès. « Monsieur le ministre nous a donnés des informations importantes, notamment en ce qui concerne l’organisation du procès. Ils ont la volonté que ce procès puisse avoir lieu en juin 2020 », dira Franco Matillana, analyste adjoint chargé des situations au bureau du procureur de la CPI, au sortir d’un entretien avec le ministre Mamadou Lamine Fofana.

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