« Le jour où il réapparaîtra, que personne ne le touche…»
Dans une interview accordée à Guinéenews©, la Guinéenne Kadiatou Bah, l’épouse du père accusé de viol présumé par sa fille en Belgique, revient sur « l’inceste » qui a fini par être dévoilé par la victime (aujourd’hui âgée de 17 ans). C’est une mère apparemment désemparée par l’opprobre qui a essayé de partager sa peine avec nous. Meurtrie, cachée, dépassée… ce sont là entre autres mots employés par Mme Bah en exprimant son état d’âme. Même dire le nom de son présumé mari incestueux l’écoeure. Au plus profond d’elle, elle se reproche de n’avoir rien vu se passer ce qui se passait sous son toît malgré sa présence.
« Avant de me donner les audios (des échanges intimes entre la fille et son papa), elle m’a dit : ‘’maman, je dois te parler.’’ Je lui ai dit : ‘’ de quoi ? ‘’ Elle m’a dit que j’aimerais te parler de ce sujet sachant que tu es reposée. J’aimerais que tu sois au salon ou même au lit quand je te parle, parce que c’est grave. Je lui ai dit : ‘’ Salématou, quelqu’un est mort ? ‘’. Elle m’a dit non. J’ai failli ouvrir ma bouche pour lui demander si elle était enceinte. Mais je me suis dit non, ce n’est qu’une gamine, ce n’est qu’une gosse, comment tu peux oser ? Je me suis dit non. ‘’ Tu es sûre que personne n’est mort ? ‘’ Elle m’a dit non. Je lui ai dit alors dis moi, je pourrais tout encaisser. Tant que personne n’est morte, je pourrais encaisser le reste. Elle m’a dit je sais que si je te parle, tu vas me haïr, tu vas me détester, tu vas me chasser de la maison, tu vas me faire tout ce que tu veux. Tu vas peut-être me renier de tes enfants. Mais il faut que je parle, je ne peux plus le garder pour moi. Parce que je vois qu’à cause de ça ma sœur est traumatisée. Elle s’est mêlée dans un sacré problème dans lequel on est tous mêlées. Mais tout le monde croit qu’elle est folle […] Elle (la sœur de la fille violée) a des problèmes psychologiques parce qu’il paraît qu’elle les avait surpris une fois […] depuis, la petite a un suivi psychologique. Ils essayent de passer par tous les moyens pour voir si c’est vrai ou pas, mais on n’arrive pas à déchiffrer le vrai du faux. Donc, la fille se fait suivre encore à cause de cela », a dit Kadiatou Bah en répondant à la question de Guinéenews sur comment elle a appris l’inceste.
« Je veux qu’il refasse surface »
Aujourd’hui, Kadiatou et son mari vivent séparément. Mais, au moment des présumés viols (entre 2018 et 2019), le couple vivait sous le même toit. Mais elle dit n’avoir jamais soupçonné une quelconque relation intime entre son mari et leur fille. « Quelle mère aurais-je été pour soupçonner cela entre un homme – qui qu’il soit – et ma fille, et le laisser passer. Au nom de quel amour ? Au nom de quel…Je ne peux pas tout dire ici. Au nom de quoi je le ferais ? […] Je ne vais pas trop m’attarder sur ce sujet. Si je le savais ou pas, la justice rendra son jugement. Je veux juste qu’il (son mari) ressorte et qu’on aille le juger. Si je le savais ou si je ne le savais pas, on le saurait alors. Mais je veux d’abord qu’il refasse surface et qu’on aille juger ça », a-t-elle dit.
Kadiatou Bah dit qu’il n’a jamais été question de cacher cette affaire pour protéger sa famille. « Si l’affaire est sortie aujourd’hui, que ce soit dans ma famille ou dans le monde entier, c’est parce que quand je l’ai su [le 13 janvier 2021], j’en ai parlé à la seconde suivante. »
Quand sa fille aînée lui a fait les révélations, élément audio à l’appui, Kadiatou Bah dit avoir appelé la fille cadette (celle qui est traitée de folle) pour lui qu’elle croit désormais à tout ce qu’elle racontait sur son beau-père (la cadette est d’un autre père). « Du coup, elle s’est mise à pleurer. Je vous dis qu’elle a versé toutes les larmes de son corps… », relate la mère.
« Une plainte contre le mari en Guinée »
C’est la semaine dernière que Kadiatou Bah a appris que son mari s’est réfugié en Guinée. Selon elle, elle a reçu un coup de fil lui disant avoir vu son mari à Kindia. « Le lendemain, mon petit frère, par une procuration qu’il a reçue de moi, a déposé une plainte à Conakry…La procédure suit son cours aussi en Guinée. Et depuis le jour où ils ont reçu la plainte, ils sont allés la lui notifier. Et il était apparemment dans la maison. Mais dès que monsieur a entendu que les policiers étaient dans la cour, il a fui. »
Parallèlement aux procédures judiciaires en Belgique et en Guinée, Kadiatou Bah compte également sur le soutien de l’ambassade de la Guinée en Belgique, ainsi que des ONG pour démasquer le présumé père incestueux afin de protéger des autres petites filles du monde de lui.
Mais comment sa fille a pu garder un tel secret jusqu’au 13 janvier 2021 ? « Ce qu’elle m’a dit c’est qu’elle avait peur. Parce que son papa lui avait dit que si elle m’en parlait, me connaissant, j’allais la rénier, j’allais la détester, j’aillais la haïr, la chasser même de ma maison et que de toutes les façons, personne ne la croira. Et voilà tout ce dont sa sœur souffrait depuis… Et si elle disait que ce que sa sœur avait dit était vrai, elle risquait de se faire interner comme elle », répond la maman.
« Une fille libérée »
Elle a indiqué que la victime du présumé père incestueux va à l’école. Mais elle se souvient aussi que ces dernières années, elle a été une fille qui ne voulait rien faire de sa vie. « Elle était dévastée, dépassée, elle me disait seulement qu’elle n’avait plus envie d’étudier, ni rien. Elle était devenue fainéante en fait. Or, c’est quelque chose qui n’est pas de sa nature. Ma famille est dynamique, hyperactive et de nature. Mais ces dernières années, elle était devenue fainéante, elle voulait tout abandonner. Cette année, j’ai vu qu’elle était courageuse, mais c’était difficile pour elle d’avancer. Depuis le début de l’année scolaire, elle veut bouger, elle veut se battre, mais c’est difficile pour elle. Elle a eu beaucoup de petits soucis depuis le début de l’année scolaire jusqu’en décembre. Mais depuis le 13 janvier jusqu’à maintenant, elle est redevenue la petite fille que je connaissais depuis sa naissance jusqu’à ses 12 et 13 ans. Elle s’est libérée. Désormais, elle redevient la fille enthousiaste qu’elle était. Plus de force, plus d’efforts, plus de courage, plus d’enthousiasme, elle avance. Et ça c’est ma fille. Je me demande où est-ce qu’elle puise cette force. Parce que moi, depuis qu’elle m’en a parlé, je suis meurtrie. Elle travaille les week-ends, elle va à l’école, elle fait ses stages, et ses rapports sont magnifiques. Et ça fait des années que je n’ai pas eu des rapports de ce genre venant d’elle… », dit la mère à propos de sa fille qu’elle considère comme une lionne.
La police mène ses enquêtes, une manifestation est prévue à Bruxelles…Mais, que ce soit en Belgique ou en Guinée, Kadiatou Bah attend une chose : que justice soit faite. « C’est cette justice que je demande. Qu’il se cache durant le temps qu’il voudra. Le jour où il réapparaîtra, que personne ne le touche, que personne ne lui fasse absolument rien de mal. Parce qu’il reste le père de mes enfants quoi qu’il arrive. Il reste mon frère quoi qu’il arrive. Mais je veux l’entendre. Qu’il explique à la police ou à la justice ce qui s’est passé. Je veux entendre sa version des faits. Je veux que justice soit rendue dans cette affaire… », a-t-elle dit, elle qui compte aussi sur la justice de Dieu. « J’espère qu’il entendra ce message. J’espère seulement qu’il me verra et qu’il sache que je l’attends. Il prendra le temps qu’il prendra, mais il se présentera pour expliquer ce qui s’est passé. Et sur cette affaire, Dieu va juger entre nous. Puisque c’est Dieu qui nous a créés tous les deux. C’est Dieu qui nous a donné le même sang. Et c’est le même Dieu qui nous a donné cette fille. Qu’il fasse ce qu’il a fait à ma fille, je sais que Dieu va le juger. Et ce jour arrivera… Inch Allah », a-t-elle conclu.
Une interview réalisée par Bassamba Diallo correspondant de Guineenews© à Bruxelles et transcrite Tokpanan Doré.