Ce texte nous est inspiré par un article de notre collègue Alaidhy Sow, publié le 1erseptembre. Il s’agit d’une interruption de la circulation à Kolenté, suite à un remplissage démesuré, par les eaux de ruissellement, d’une déviation de la route Coyah-Kouroussa en construction. L’auteur décrit la situation qui en a résulté : l’effet de surprise sur les voyageurs, subitement bloqués dans leur déplacement, l’empressement et l’indiscipline qui n’ont pas tardé à s’installer dans leurs rangs, suivis de cris, disputes et quelques bagarres. Mais, plus loin, l’auteur évoque une autre réalité qui se développe, cette fois, au niveau des chauffeurs, nombreux à se retrouver là, massés des deux côtés de la route. D’après lui, certains d’entre eux, que ces circonstances particulières retenaient sur place, contre leur gré, ont longtemps piaffé d’impatience avant de se décider à braver l’obstacle et les éléments menaçants qui leur barraient le chemin. Ils tenaient mordicus à reprendre la route et poursuivre leur voyage. Pour cela, ils se sont littéralement jetés à l’eau pour franchir la zone inondée dont le niveau était sensiblement haut et le courant, assez fort. Bon nombre des véhicules engagés sont tombés en panne pendant la tentative. Ils n’ont dû leur salut que grâce aux jeunes villageois mobilisés sur les lieux qui les ont tiré ou poussé, selon les cas, pour les sortir de l’eau. Taxis, véhicules personnels, tous étaient immobilisés, moteur éteint. Et notre collègue ne rapporte pas avoir vu ou entendu un seul d’entre eux se rallumer. Peut être même que ce n’était pas nécessaire qu’il en fasse cas. L’endroit ne se prêtait pas aux réparations à ciel ouvert, avec pieds et jambes dans l’eau. A priori, ce n’était pas essentiel comme information… Et pourtant, il y a bien à en dire et de bien intéressant à en tirer !
Le coup de bélier
La traversée des zones d’eau d’une certaine hauteur présente bien des risques pour les automobilistes. Le plus important d’entre eux pourrait être ce que les experts appellent le ‘’coup de bélier’’. Ils expliquent sa survenance comme suit : le véhicule qui rentre dans l’eau continue d’avancer tant que le conducteur le maintient en marche. Mais cela aussi n’est possible que tant que le filtre à air est à sec, c’est à dire à l’abri de l’eau. L’immersion du tuyau d’échappement à elle seule, n’est pas un facteur d’extinction du moteur, pourvu que la pression sur l’accélérateur reste constante. Le conducteur ne doit pas relâcher la pédale. Il doit rouler à allure réduite avec un rapport de vitesses, le plus adéquat possible: la deuxième ou la première, selon les endroits.
Or, schématiquement parlant, voici ce qui se passe en pareille situation : les chauffeurs qui décident de traverser les zones d’eau, donnent l’impression de se lancer un défi. Ils veulent impressionner et prouver aux autres qu’ils ont, non seulement un bon véhicule, mais qu’ils sont capables de faire et réussir ce que les autres ne pourraient même pas oser imaginer. Cet état d’esprit les pousse à se précipiter comme pour vite en finir et les voilà qui rentrent dans l’eau avec une dose de hargne et un moteur rugissant. Sous la forte poussée, l’eau recouvre le moteur jusqu’à atteindre le niveau du filtre à air qui l’aspire. Cette eau aspirée, passe par le collecteur d’admission pour arriver dans la chambre de combustion où se produit le phénomène caractéristique du fonctionnement du moteur à quatre temps (admission, compression, explosion, détente et échappement). Tout cela se déroule dans un compartiment hermétique et très étanche, situé dans le cylindre. Au moment où l’eau est aspirée, la soupape d’admission est ouverte et celle d’échappement fermée. La voilà qui rentre dans la chambre de combustion en lieu et place de l’air qui devait faire exploser les vapeurs d’hydrocarbure à l’aide de l’étincelle produite par la bougie ou l’injecteur. Cela coïncide au temps de compression. C’est le moment où les soupapes d’admission et d’échappement se ferment. Pendant que l’eau aspirée se trouve emprisonnée dans le cylindre et que la physique nous enseigne qu’elle est incompressible. Entre-temps, le processus évolue. Puisque le moteur fonctionne encore quelques instants, la compression tente de se produire et devant les mouvements mécaniques qui s’emboîtent et s’entrechoquent sans arrêt et à grande vitesse, c’est le plus faible des éléments ‘’en conflit’’ qui se détériore. C’est ainsi que les soupapes se tordent, le piston se fend, la bielle se tord, la culasse se gondole et quelque fois même le bloc moteur se craquèle à son tour à un ou plusieurs endroits. Il peut arriver que le véhicule continue de rouler sur quelques mètres. Mais, ce qu’on remarque alors, c’est qu’il n’a plus d’élan, plus de puissance, les bielles tordues s’étant raccourcies. Son conducteur est obligé de rétrograder à tout moment, pour le faire avancer.
Voilà donc que d’un seul coup, pour une bravade, sur un coup de tête, l’on se retrouve avec un véhicule neuf ou en bon état qui ne sert plus à rien. Il n’a plus de moteur. Il faut le remplacer !
Quelles sont les principales victimes de ce phénomène ?
L’Etat, les institutions, les sociétés et entreprises, les personnes fortunées qui sont les plus enclins que la grande majorité des usagers, à posséder des véhicules neufs, haut de gamme, de grosse cylindrée ou en tout cas, de qualité appréciable.
L’expérience a montré que ce sont les chauffeurs de ces catégories de véhicules qui sont tentés le plus souvent, de faire passer leurs engins par tous les obstacles qui se dressent sur leur chemin, au motif qu’ils sont en bon état, sinon même, les meilleurs.
Existe-t-il de véhicules à l’abri du coup de bélier ?
Oui, ce sont ceux qui sont ‘’haut sur pattes’’, notamment les 4X4 que nous n’allons pas nommer ici pour éviter la publicité gratuite pour les marques et les fabricants.
Plus un véhicule est surélevé, haut perché, plus il est à même de franchir des zones noyées sans danger. Dans tous les cas, il faut toujours se rassurer que le filtre à air ne sera pas plongé dans l’eau. Les constructeurs ont fait le maximum dans ce sens. Pour les véhicules destinés à franchir maints obstacles sur les routes les plus difficiles qui soient, ils ont prévu un filtre à air qui part du compartiment moteur pour monter jusqu’au toit, par le flanc avant droit du véhicule. Un tel engin roulant est capable de franchir n’importe quel niveau d’eau, même jusqu’à hauteur de volant, s’il le faut.
Cela se voit sur certains 4X4 et camions notamment. Et c’est là que s’arrête la technologie civile. Au-delà, nous rentrons dans le cadre militaire. C’est la seule institution à disposer de véhicules amphibies, capables de se mouvoir sur terre et sur l’eau.
Existe-t-il des solutions pour se prémunir du coup de bélier ?
Il faut éviter de plonger son véhicule dans de l’eau dont le niveau atteint ou dépasse l’entrée du filtre à air.
Une fois hors de l’eau, y a-t-il moyen de limiter ou d’amoindrir les risques de coup de bélier, quand le véhicule s’est éteint à la traversée?
De l’avis des experts, cela est bien possible. Ce qu’il faut éviter, au risque d’aggraver la situation, c’est de vouloir à tout prix redémarrer le véhicule. Il faut s’en abstenir et avoir toujours à l’esprit le principe qui dit que l’eau est incompressible. C’est une loi de la physique qu’on ne viole jamais impunément dans la technologie ou la conduite automobile. Une fois le véhicule hors de l’eau, on fait plutôt appel à un dépanneur qui va d’abord démonter toutes les bougies ou les injecteurs selon le cas. C’est en ce moment seulement que l’on actionne le démarreur. S’il se trouve alors que le moteur avait aspiré de l’eau, celle-ci est entièrement chassée de la chambre de combustion de chacun des cylindres. Après quoi, on remonte le tout et le véhicule est sauvé du ‘’mortel’’ ‘’coup de bélier’’ qui aurait conduit au renouvellement inévitable de son moteur !
Bien entendu qu’au même moment où il entreprend cette opération de démontage-remontage, le dépanneur aura à l’esprit qu’il doit aussi nettoyer et assécher l’allumeur et tous les dispositifs électriques ou électroniques du véhicule.