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Instabilité politique en Afrique de l’Ouest – Lettre ouverte à Emmanuel Macron

M. Le président, permettez moi de vous adresser la présente lettre pour vous demander de ne pas commettre sur le Mali, la Côte d’Ivoire et la Guinée – pour ne citer que ces pays-là les erreurs monumentales commises par la diplomatie française sur l’évaluation de la situation politique dans le Nord du continent au début du printemps arabe, où on a vu des régimes autocratiques céder les uns après les autres sous la pression de la rue. La Libye devrait retenir votre attention parce qu’au lieu d’y ramener la paix et la démocratie, l’action d’un de vos prédécesseurs, M. Nicolas Sarkozy, y a apporté la désolation au point que ce pays est  aujourd’hui devenu quasiment ingouvernable. 

Le même M. Sarkozy a commis les mêmes erreurs dans la crise ivoirienne. Pour des raisons propres à lui, tenant exclusivement à son idéologie mercantiliste, mais complètement différentes de la recherche de la stabilité à long terme dans ce pays, il a pesé de tout son poids pour chasser le président Laurent Gbagbo du pouvoir avant de le livrer à la justice internationale qui l’a acquitté aujourd’hui pour insuffisance de preuves. Son protégé Alassane Ouattara, depuis dix ans, règne en maître absolu dans ce pays divisé plus que jamais par de multiples dissensions ethniques et régionales. 

Plus grave, l’avenir de la Côte d’Ivoire, du fait de la volonté d’Ouattara de briguer un troisième mandat est encore plus sombre que jamais. Des manifestations de rue y ont déjà commencé. À quoi aboutiraient-elles sinon à la prise du pouvoir par l’armée comme au Mali, au massacre des manifestants comme en Guinée, à une nouvelle division du pays. Personne ne sait pour l’instant ce qui s’y passera. Mais chacun sait cependant que le manque de démocratie et la volonté d’Ouattara de conserver à vie un pouvoir qui n’est pas sa propriété exclusive sont en grande partie les raisons du déclin de ce champion économique de la sous-région. 

À tous les égards, les chances de traduire M. Sarkozy devant la Cour pénale internationale pour ses agissements en Côte d’Ivoire et en Lybie sont nulles. Les marges de manœuvre de la France sont si importantes et pour rien au monde, on ne peut voir un tel rêve se réaliser, du moins pour l’instant.

Pour revenir sur le cas malien, l’intervention militaire française dans ce pays lui a évité la partition et une sorte de somalisation qui aurait permis aux différents groupes terroristes d’occuper le terrain et de menacer les États voisins. Mais la corruption du régime en place et sa navigation en dehors de toute pratique démocratique ont fait révolter les populations et conduit comme nous venons de le voir, les militaires à prendre le pouvoir en obligeant le président en exercice de rendre sa démission. 

L’organisation sous-régionale, la Cédéao, au lieu de mettre la pression sur ses États membres pour le respect de la démocratie en leur sein, et au lieu de s’ériger en défenseur des peuples de la sous-région, apparaît aujourd’hui comme un syndicat de chefs d’États résolument engagé à saper les aspirations démocratiques des peuples qu’elle prétend incarner. 

M. Le président, la France doit être à la hauteur des enjeux démocratiques dans les pays de la Cédéao, son message doit être clair et direct envers ceux et celles qui entravent le processus démocratique, source de paix sociale et de prospérité dans cette région. La France en raison de son idéal ne devrait plus se permettre d’être dans les combines avec les gouvernements corrompus du continent. 

Au cours des dernières décennies, d’importantes évolutions se sont réalisées dans l’esprit des gens dans ces pays. Les populations sont jeunes, elles ont du monde une perception complètement différente de celle de leurs devanciers. Cette nouvelle génération défie l’autorité, elle est connectée au monde et parfaitement informée de ce qui s’y passe. Elle ne se reconnaît pas dans les pratiques des dirigeants rétrogrades qui ne savent même pas surfer sur Internet. 

La France, par sa capacité de mutation, devrait œuvrer à la responsabilisation des gouvernements issus de ses anciennes colonies. Elle doit couper les ponts avec les régimes irresponsables du continent pour plusieurs raisons. L’avenir de la coopération franco-africaine repose sur la responsabilisation de l’Afrique par rapport à son destin. C’est en faisant affaire avec des régimes responsables dans le continent que les intérêts à long terme de la France seront préservés, mais pas en rentrant dans les combines avec des autocrates dont le temps est désormais compté. Les projets de confiscation définitive du pouvoir sont voués à un échec prévisible. Et la France à cause de sa proximité avec le continent devrait être la première à comprendre cela et à se préparer pour les prochaines étapes.  

M. Le président vous incarnez un nouvel espoir pas seulement pour la France mais aussi pour l’Afrique qui voit dans votre jeunesse une source de renouvellement, sinon du changement des paradigmes de la coopération franco-africaine. Vous devriez être à la hauteur de ces espoirs en tournant votre attention sur les préoccupations des peuples et en les aidant à gagner le combat de la démocratie et de la paix, même au prix de la rupture avec la génération des dirigeants africains corrompus et indignes de la fonction qu’ils incarnent. 

Pour terminer M. Le président, le message fort de ma communication est de vous dire qu’à l’inverse de l’aide au développement dont elle devrait se passer maintenant, l’Afrique a aujourd’hui urgemment besoin de l’aide à la responsabilisation pour être un acteur crédible de son destin, gage d’une coopération sérieuse avec ses partenaires, parmi lesquels la France occupe une place de choix. 

En vous souhaitant bonne réception de la présente, je vous prie de agréer, M. le président, mes salutations distinguées.

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