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Gouvernance Alpha, nouvelle constitution, insalubrité, affaire Nanfo, Pr Lanciné Kaba comme vous ne l’avez jamais entendu (interview)

Pr. Lancinè Kaba, cet universitaire émérite a donné des cours d’histoire dans plusieurs grandes universités des Etats-Unis notamment celle de Minnesota et de Chicago. Il est actuellement professeur de rang magistral à l’université Carnegie Mellon de Doha, au Qatar. Auteur de plusieurs ouvrages et œuvres scientifiques, l’universitaire est bardé de plusieurs prix. Guinéenews a mis le séjour cet éminent intellectuel en Guinée pour aborder avec lui quelques sujets brûlants de l’actualité en Guinée. De la gouvernance du pays durant les dernières 9 années aux débats sur la nouvelle constitution en passant par l’affaire Nanfo Diaby sans oublier ses propres projets littéraires, tout a été passé au peigne fin avec Pr Kaba dans cette entrevue à bâtons rompus. Lisez !

Guinéenews : vous ne résidez, certes, pas en Guinée mais j’imagine que vous suivez de près l’actualité de votre pays. De fait, quel regard portez-vous sur la gouvernance du président Alpha Condé depuis bientôt 9 années à la tête du pays.

Pr Lancinè Kaba : je ne peux pas me prononcer là-dessus puisque je ne vis pas en Guinée et je ne peux décrire ce que le gouvernement d’Alpha Condé fait. Donc je ne critiquerais pas, et si je dois le faire, je voudrais le dire à Alpha lui-même. Je le connais, il connait très bien qui je suis donc il ne sera pas du tout surpris de savoir ce que je pense d’autant plus qu’à des moments graves, il a dû avoir recours à mes idées, à mes pensées. Donc je ne le critiquerais pas mais je dirais tout simplement que les choses ne vont pas bien.

Guinéenews : vous êtes en Guinée depuis une dizaine de jours, vous vous êtes rendu à Kankan… Expliquez-nous un peu ce que vous avez constaté, de l’aéroport jusqu’à Kankan en passant par votre quartier de résidence ?

Pr Lancinè Kaba : je suis content d’être en Guinée et j’ai été content de voir l’intérieur de la Guinée. Mais ce voyage m’a révélé l’étendue du problème guinéen, il m’a aussi révélé comment on a négligé le développement du pays. Je vous dis en toute honnêteté que c’est un peu décevant. Parce que les routes ne sont pas du tout bonnes. On se demande comment on peut passer autant de temps entre Conakry et Kindia, sur la route nationale N°1. Il y’a de quoi faire honte. Aussi, j’ai remarqué que les moyens de communication ne sont pas bons.

Honnêtement, il y a la souffrance à travers le pays. L’autre jour j’étais à Kankan non loin de l’hôpital, j’ai vu des gens qui souffraient dans des conditions qui ne sont pas acceptables. Les jeunes sont en manque d’emploi. Donc, ça ne va pas. Il est temps que le président réalise de lui-même que le pays lui a donné une chance extraordinaire d’être élu dans des conditions dont nous nous rappelons très bien. Il est temps qu’il fasse quelques choses pour ce pays. Pas de promesses mais des réalisations. Il est temps de réaliser parce que les Guinéens méritent mieux que ça.

J’ai aussi constaté qu’il y a trop de saletés. J’ai constaté qu’il y a un trafic énorme et un désordre à travers la ville. Je pense que le président et sa gouvernance pourraient mieux faire.

Guinéenews : vous dites avoir constaté trop de saletés à travers Conakry pourtant le gouvernement consacre les derniers samedis de chaque mois à l’assainissement. Est-ce une bonne approche de la part des autorités dans la gestion de cette problématique de l’insalubrité en Guinée ?

Pr Lancinè Kaba : à vous dire la vérité, je n’ai passé que quelques jours à Conakry. Mais je ne crois pas que le gouvernement fait du bon travail en nettoyant la rue. Je ne crois pas que cela soit le travail des gouvernants. Ils ont beaucoup à faire. Je pense qu’il est plus utile que les membres du gouvernement se concentrent davantage sur ce qui est de leurs ressorts. Qu’on laisse aux travailleurs le soin de nettoyer et qu’on les paie en fonction de ce qu’ils méritent. A chacun, sa responsabilité.

Guinéenews : l’autre sujet qui fait débat dans la cité, c’est celui lié au projet d’une nouvelle constitution. Des fronts naissent de partout, certains pour soutenir l’ancien et d’autres pour promouvoir la nouvelle. Quelle lecture vous en faites ?

Pr Lancinè Kaba : j’ai eu les échos et je l’avais déjà dit : nous préférons écouter le président Alpha Condé se prononcer lui-même sur cette idée importante, capitale et après, nous ferons les analyses qui s’imposent. Tout ce que je vais dire, si mes souvenirs sont corrects, en 2010 Alpha Condé avait juré de respecter la constitution. Un homme d’Etat ne s’amuse pas avec la constitution de son pays. La constitution est un document de la plus haute importance pour un pays qui veut avoir du respect. Je ne sais pas ce qu’Alpha pense puisqu’officiellement, il n’a encore rien dit. Donc, je préfère me taire.

Guinéenews : parlons de culture. Vous avez écrit beaucoup de livres sur notamment la religion. Il y a, entre autres, ‘’Islam, Terrorisme et Tolérance’’ ; ‘’Cheikh Mouhammad Chérif, le saint de Kankan’’.

Au regard de vos riches expériences sur l’islamologie, quel commentaire faites-vous de la récente polémique née du fait qu’un éminent enseignant de l’alphabet N’ko vivant à Kankan, en l’occurrence Nanfo Diaby à opter de faire prier les fidèles musulmans en Maninka ?

Pr Lancinè Kaba : la révélation de Dieu par l’ange Djibril au prophète Mohamed (PSL), s’est faite en langue arabe. Donc toute prière doit se faire en arabe. Ça s’est très important puisqu’au temps du prophète, il eut des témoins tels que le persan Salomon Salfi qui a vu le prophète lors de l’hégire, c’est-à-dire lors du départ de la Mecque pour Médine. Il a tenu à s’approcher de lui et il lui a serré la main et même il a mangé avec lui pour mieux s’apercevoir si réellement Mohamed était le prophète dont les textes parlaient, surtout ceux chrétiens et juifs. Il s’est rendu compte qu’effectivement, il était le prophète et s’est converti à l’islam parce qu’il était de religion différente. Depuis, il a toujours prié et fait prier en arabe. Mais il traduisit les révélations du prophète en langue persane. C’est-à-dire qu’on peut faire des commentaires dans sa langue maternelle sur l’islam mais toutes les prières doivent se faire en langue arabe. La Perse ou l’Iran, est un pays musulman depuis longtemps, mais que vous soyez sunnite ou chiite, vous priez toujours en arabe.

Donc, je ne comprends pas pourquoi on a laissé M. Diaby prier en Maninka à Kankan. Cela ne se doit pas. Nous ne sommes pas en train de créer une nouvelle   religion, nous sommes là pour suivre l’ancienne religion telle quelle a été pratiquée par notre prophète. Toute innovation contraire à la loi de la religion est dangereuse et n’est pas à adopter.

Guinéenews : En plus d’être universitaire, vous êtes écrivain. Est-ce que vous-avez des projets de romans en vue ?

Pr Lancinè Kaba : Oh, je me repose, je réfléchi, j’envisage de mettre en anglais certains textes sur lesquels j’ai eu à penser l’année dernière et qui méritent d’être connus du monde anglais. C’est une manière de faire le même travail mais dans une autre idée. S’il plait à Dieu, j’aurais encore le temps d’écrire un tout petit peu. C’est cela le plaisir d’être universitaire. L’universitaire ne s’endort pas sur ses lauriers, il réfléchit, pense, médite, écrit et Dieu merci je me porte bien, je suis en bonne santé et donc j’ai encore la possibilité d’écrire et d’enseigner.

Guinéenews : quel conseil prodiguerez-vous aux jeunes qui voudraient se lancer dans l’écriture ?

Pr Lancinè Kaba : je leur demanderai de lire beaucoup, d’ouvrir l’œil et de ne jamais se presser à faire ou à porter des jugements de valeurs puisque chaque jour on peut apprendre quelque chose de nouveau. Enfin, il faut qu’ils fassent des livres un instrument de méditation et de réflexion, ainsi on apprend des anciens et des modernes. Une fois on commence à faire cela, on est capable de mieux analyser, on est capable de mieux comprendre et peut-être de percevoir plus la réalité.

Guinéenews : est-ce que vous pensez un jour rentrer et à vous mettre au service des universités guinéennes ?

Pr Lancinè Kaba : cela fait longtemps que nous sommes partis de la Guinée, mais la Guinée m’est très chère. Je ne peux pas enlever la Guinée de mon cœur. Où que j’aille, je reste toujours Guinéen. J’aime la Guinée d’un amour que je ne peux pas décrire. Je fais partie de la Guinée, j’ai connu de grands personnages en Guinée : le président Ahmed Sékou Touré, Barry 3, Dianwadou Barry, Karim Bangoura, Fodéba Kéita et beaucoup d’autres. Et puis, j’ai le souvenir d’une enfance heureuse de Kankan à Conakry, donc tout…

Entretien réalisé par Nassiou Sow

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