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Promotion du livre et de la lecture : Aliou Sow fait une invite à la communauté éducative (Interview) 

« Les livres, l’école, la famille pour faire grandir nos enfants ». C’est sous ce thème qu’est placée la septième édition du Salon international du livre de jeunesse de Conakry prévu du 8 au 11 novembre 2023.

En marche vers cette manifestation qui promeut le livre et la lecture, M. Aliou Sow, Directeur général des Éditions Ganndal (la plus ancienne maison d’édition en Guinée), par ailleurs Président de l’Association nationale des éditeurs de Guinée parle des enjeux de ce salon. Interview !

Guineenews  : Nous nous acheminons vers la septième édition du Salon international du livre de jeunesse de Conakry. Quelle est la touche particulière apposée à cette édition de 2023 ? 

Aliou Sow : pour l’édition 2023 du Salon international du livre de jeunesse de Conakry qui, je rappelle, comme vous l’avez dit, est la septième, puisque nous l’avons mis en place depuis 2017, profitant de l’occasion de Conakry, capitale mondiale du livre, et constatant la vacances d’initiatives en direction de la couche la plus importante de notre société qui est la jeunesse, et donc, l’avenir de ce pays, nous avons décidé de créer cet événement que nous développons depuis.

Alors, cette année, je veux dire qu’il y a deux ou trois éléments nouveaux. Le premier, c’est que nous maintenons la décentralisation du salon dans de nouveaux sites au niveau de la capitale, c’est que nous sommes sortis du cadre habituel du Centre culturel franco-guinéen pour domicilier l’essentiel des activités cette année au niveau du Palais du peuple.

Ensuite, nous aurons la Maison des jeunes de Kipé où toutes les écoles publiques et privées de la commune Ratoma (puisque dans ce salon, les écoles constituent une cible prioritaire). Puis, nous serons au Canal Olympia de Tombolia pour toutes les écoles publiques et privées de la commune de Matoto. Ça, c’est le premier aspect  : l’aspect de la décentralisation poussée pour emmener le livre et la lecture vers les jeunes qui se trouvent dans les quartiers défavorisés de la capitale.

La deuxième chose, c’est qu’en marge de ce même salon, nous organisons un colloque international sur la thématique des défis du bilinguisme dans le livre de jeunesse en Afrique francophone. Alors, pour nous, cela est important pour montrer à la fois l’importance à accorder au fait d’utiliser les langues maternelles, c’est-à-dire, les langues que les enfants parlent et comprennent à la maison comme facteur d’apprentissage. Donc, comment est-ce que les langues nationales doivent cohabiter avec le français qui est la langue officielle d’enseignement pour que les élèves, dès leur plus jeune âge, puissent appréhender la lecture, l’amour du livre et le goût de la lecture dès les premières années. Et que de ce point de vue-là, cette approche constitue une base solide leur permettant aussi bien de consolider l’apprentissage rapide de la langue française à l’école pour suivre leurs cursus scolaire et universitaire de façon normale et acceptable, mais aussi pour savoir que c’est dans les livres que tout le savoir se trouve, et que les familles et les enseignants (l’encadrement scolaire de façon générale) doivent contribuer à promouvoir aussi ces livres bilingues : donc, les livres écrits en français et dans les langues nationales.

Et pendant ce salon-ci, profitant de ce colloque international, nous allons montrer des livres de jeunesse bilingues produits en Guinée que les Éditions Ganndal (puisque nous sommes aussi à la fois leader du livre de jeunesse dans ce pays et l’éditeur spécialisé dans les langues nationales de façon suivie. Ça, c’est le deuxième aspect innovant.

Et le troisième, c’est que nous avons introduit la notion d’écrivain invité d’honneur, cette année. Et pour ce faire, nous avons adressé, grâce à la sollicitude du ministre de la Culture, via les autorités gouvernementales, une lettre d’invitation à une écrivaine de renommée internationale  : Mme Emmelie Prophète qui se trouve être également l’actuelle ministre de la Culture et de la Communication de la République d’Haïti et qui a gentiment accepté notre invitation. Donc, voilà déjà trois éléments que je considère comme importants. J’aurais dû ajouter un quatrième qui n’est pas des moindres, à savoir : au niveau de la participation étrangère, nous aurons pas moins de seize pays qui seront représentés. Nous avons des pays comme Madagascar et Djibouti qui ont une très grande expérience dans le domaine du livre bilingue qui seront représentés ici. Mais vous avez aussi la Guadeloupe. Donc, ce sont à la fois des pays lointains de par la distance, mais des pays proches de nous de par les réalités éducatives, culturelles et surtout de préoccupations éditoriales. Donc, voilà quatre éléments principaux que je voulais citer.

Évidemment, ceci dit, quand je parle de la décentralisation au niveau des communes, je n’aimerais pas qu’on puisse passer sous silence le fait que cette année, le Commissariat général du Salon international du livre de jeunesse de Conakry a pris la décision de faire appel à des ONG de jeunes guinéens qui s’occupent d’animations culturelles, pour nous aider à prendre en charge les activités littéraires, les jeux de lecture, la distribution des chèques-livres, bref, la prise en compte de toutes les activités littéraires sur chacun des quatre sites que j’ai cités. C’est donc la Communauté Makanissa, pour toutes les écoles de Ratoma, qui va domicilier ses activités à la Maison des jeunes de Kipé. L’ONG Les mômes vous parlent va s’occuper de toutes les activités au niveau du Canal Olympia de Tombolia, pour la commune de Matoto. Et le Club littéraire du Centre culturel franco-guinéen sera à cheval sur le Palais du peuple et le CCFG. Donc, de notre point de vue, si je répondais de façon exhaustive à votre question, je dirai que c’est une cinquième innovation, parce que cela n’a jamais été pris en compte dans ce pays, dans la mesure où nous avons signé une convention entre les Éditions Ganndal et ces trois ONG afin de les impliquer de façon officielle, et dorénavant, qu’elles soient des partenaires réels et qui s’impliquent effectivement dans les activités du salon.

Guineenews : à l’image des précédentes, cette septième édition repose forcément sur un thème… 

Aliou Sow : effectivement, le thème de cette année est centré sur les thématiques de la famille. Parce que comme je dis, nous organisons à la fois un colloque sur le bilinguisme, impliquant la cohabitation entre le français et les langues nationales. Donc, forcément, il y a une ouverture vers la société guinéenne dans la perspective où nous disons que si nous voulons construire des sociétés de lecteurs dans notre pays, assurer des citoyens capables de lire et de s’intégrer harmonieusement dans le développement culturel mondial de demain, il faut que nous apprenions aux enfants dès aujourd’hui à aimer le livre et la lecture, mais aussi à développer des compétences de lecture durable.

De façon générale, nous poursuivons le thème de l’année passée, et nous l’élargissons sous la formule : « Les livres, l’école, la famille pour faire grandir nos enfants ». Parce qu’en fait, c’est une conjonction : l’école à elle seule ne suffit pas pour l’éducation d’un enfant. C’est d’abord la famille bien évidemment. Ensuite, c’est l’école. Puis, c’est la société toute entière. Donc, c’est ce que nous voulons montrer cette année. Et nous avons invité tous les éditeurs, que ce soient des Guinéens, des Africains et ceux des autres continents qui viennent soit de la France, soit du Canada, soit de la Guadeloupe, d’insérer les thématiques qu’ils vont aborder dans les animations qu’on va leur ouvrir dans les écoles, et aussi la qualité des livres qui seront sous leurs stands pour aller dans le sens de cet objectif formulé dans le thème central de cette année.

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Guinéenews : et quelle est la date retenue à cet effet ? 

Aliou Sow : La salon va se dérouler du 8 au 11 novembre 2023 sur les quatre sites que je vous ai cités. Mais il faut savoir que le colloque lui-même aura lieu les 8 et 9. Donc, les deux premiers jours du salon seront concomitamment réservés au colloque international. Et les deux vont être basiquement domiciliés au Palais du peuple.

Guineenews : Sept éditions, ce n’est pas donné à tout événement surtout en Guinée. Et donc en sept ans, qu’est-ce les Éditions Ganndal ont-elles bien pu capitaliser en termes d’acquis ? 

Aliou Sow : Nous avons d’abord cherché à prouver que contrairement à ce que beaucoup pensent, il y a une édition du livre de jeunesse de qualité qui est présente dans ce pays à travers ce que font les Éditions Ganndal. Ce n’est pas pour rien que nous avons reçu le prix du Meilleur éditeur africain de livres de jeunesse, en 2017. Et cela est extrêmement important comme reconnaissance pour nous. Puisque si sur une trentaine d’années de travail acharné sur le développement du livre de jeunesse, des livres écrits par des auteurs guinéens, publiés par une maison d’édition guinéenne et diffusés aussi bien en Guinée qu’à l’international par des professionnels guinéens, c’est d’une résonance qui était quand-même importante pour nous. Parce que cela montre que nous avons capitalisé.

De l’autre côté, le fait de mettre en place le Salon international du livre de jeunesse de Conakry qui est la première initiative du genre en Afrique francophone et qui, de plus en plus, devient un événement moteur dans ce domaine-là au point que je peux vous dire aujourd’hui qu’il y a le Gabon, le Togo, le Cameroun et même le Maroc qui se sont inspirés de notre salon ici pour lancer des salons internationaux du livre de jeunesse dans leurs pays. Les gens ne le savent pas. Mais c’est parce que nous avons organisé ce salon en Guinée, avec le peu de moyens que nous avons, et nous avons profité aussi du fait que les Éditions Ganndal, de par la qualité de leurs travaux, sont connues à l’échelle internationale. Chose qui fait écho. Et les gens que nous invitons chaque année trouvent que c’est une bonne initiative. Donc, comme je vous l’ai dit, vous avez aujourd’hui au moins cinq pays qui sont dans les starting-blocks pour créer leurs propres salons internationaux du livre de jeunesse dans d’autres pays de l’Afrique francophone. Cela est à l’honneur de la Guinée et de tous les efforts que les professionnels guinéens ont développés dans ce sens.

Le dernier élément, c’est bien évidemment la visibilité de ce qu’on appelle ici aujourd’hui le Branding Guinée. Moi, je ne considère pas qu’il y ait meilleur Branding Guinée que ce livre de jeunesse écrit par des auteurs guinéens, publié par des Guinéens, imprimé en Guinée et que nous faisons circuler sur tous les salons et foires du livre en Afrique francophone et en Europe. Je ne crois pas qu’il y ait un meilleur branding que ça, parce que ça, c’est de la création de l’esprit du Guinéen X. Je pense que ça aussi est un élément de capitalisation que nous mettons en avant de l’expérience que nous tirons de tout ce travail fait au cours des six précédentes éditions du Salon international du livre de jeunesse de Conakry.

Guineenews : bravo pour tous ces acquis ! Ce qui nous conduit au terme de cet entretien. A moins que vous n’ayez un mot pour le clore… 

Aliou Sow : En ma qualité de Président de l’Association nationale des éditeurs de Guinée que les efforts individuels que nous menons, nous les éditeurs, aussi bien en termes de parler des 72heures du livre de Conakry avec L’Harmattan, du Salon international du livre de jeunesse de Conakry à travers les Éditions Ganndal, du Festival du livre de N’zérékoré à travers les Éditions Innov’ tous les mois de décembre depuis l’année passée et aussi du Salon de la lecture de Conakry. Maintenant, nous avons quatre événements nationaux dans le domaine du livre. Mais tant que l’État guinéen, à travers le ministère de la Culture en particulier et les fonds dédiés à l’initiative culturelle ne s’approprient pas de ces événements, en faire une conjonction logique pour faire des éléments de visibilité de la créativité nationale guinéenne dans le domaine littéraire et culturel, nous n’irons pas loin. Parce que ça nécessite des moyens, des initiatives logistiques qui ne peuvent pas être soutenus par les simples opérateurs que nous sommes. Donc, c’est déjà cet appel-là, pour que l’État guinéen se dise : voilà, c’est ça le vrai contenu guinéen. Et que ça nécessite une prise en main, un soutien effectif et continu de la part de l’État.

L’autre chose, c’est vraiment d’inviter les directeurs d’écoles, les enseignants, mais aussi les parents pour que du 8 au 11 novembre, qu’ils viennent avec leurs enfants, que les enfants puissent voir la diversité des livres de lecture qu’il y a dans ce salon, sur les différents stands qui sont destinés à eux, que les élèves participent aux jeux de lecture que nous organisons, qu’on leur offre des chèques-livres que le bureau du PNUD de Conakry a mis en place pour permettre à ces enfants qui ne peuvent pas tous les jours avoir de l’argent [et parfois même les parents] pour acheter des livres. Mais avec ces chèques-livres qu’ils gagnent à travers les jeux de lecture que nous organisons, ils peuvent aller dans n’importe quel stand de n’importe quel éditeur, acheter des livres qu’ils vont mettre dans leurs cartables pour eux. Tant que les parents, les enseignants, les directeurs d’écoles comprendront cela, et juste qu’ils se souviennent que le seul contact entre un enfant et un livre est un phénomène important. Quand vous dites  : je veux lire, il faut d’abord que vous ayez un livre en main.

Ensuite, si vous voulez le lire, il faut que vous l’ouvriez et que vous fassiez des actes de lecture. Et tout cela ne peut pas se faire, dans le cadre de ces écoles, comme vous le savez, il n’y a pas de livres. Donc, j’invite la communauté éducative dans sa généralité à s’approprier de cet événement. Amenez vos enfants. Accompagnez-les. Même les parents qui n’ont pas été à l’école, il faut qu’ils sachent qu’ils peuvent venir accompagner leurs enfants pour aller visiter un salon du livre de jeunesse.

Entretien réalisé par Mady Bangoura pour Guinéenews

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