En prenant le pouvoir le 5 septembre 2021, le Conseil national du rassemblement pour le développement (CNRD) s’est engagé à décrisper la situation sociopolitique du pays, plombée par le troisième mandat du président déchu, Alpha Condé.
Libération des prisonniers politiques, l’ouverture des sièges des partis politiques, la concertation nationale, l’immersion gouvernementale, le dialogue politique et la médiation de la CEDEAO via l’ancien président béninois Thomas Yayi Boni, sont, entre autres, actes politiques posés par le CNRD. Mais une année après la prise du pouvoir, la question que tout le monde se pose est de savoir si la junte réussira véritablement son pari ?
Les Guinéens- qui déchantaient- ont accueilli avec euphorie l’arrivée au pouvoir de la junte après le putsch du 5 septembre. Ce fut une occasion pour beaucoup de prisonniers politiques de quitter les geôles de l’ancien régime. L’autoroute Le Prince a été démilitarisé. Les sièges des partis politiques notamment UFDG et UFR -autrefois assiégés et fermés- ont été libérés par la junte, pour dit-elle, unir et rassembler tous les fils du pays autour de l’idéal du développement.
Libération des prisonniers politiques et la réouverture des sièges des partis politiques
L’un des actes positifs posés par les militaires qui ont pris le pouvoir, c’est la libération des prisonniers politiques arrêtés au lendemain de l’auto-proclamation du président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), président de la République suivie de violences et de dégâts matériels considérables. Plus de 400 personnes seront interpellées et placées en détention à la maison centrale de Conakry. Si Cellou Dalein a été épargné, ses proches lieutenants notamment Ousmane Gaoual Diallo, Cellou Baldé, Abdoulaye Baldé, Chérif Bah et de beaucoup de militants et sympathisants, ont été jetés en prison.
Mais dans le cadre du rassemblement et de la réconciliation nationale, le Cnrd a pris des dispositions en faisant libérer tous les prisonniers politiques afin de les permettre de rejoindre leurs familles respectives et célébrer ensemble la nouvelle ère que vient de connaître le pays.
Amorce du dialogue politique et de la réconciliation nationale
Après la prise du pouvoir, le colonel Mamadi Doumbouya, le patron des forces spéciales, n’a pas ménagé son agenda. Après la rencontre avec les membres du gouvernement déchu, le nouvel homme fort de Conakry a invité les différentes couches sociales à des rencontres séparées au Palais du peuple. L’objectif, était d’être au diapason des maux dont souffrent les Guinéens depuis pratiquement 1958. Le Colonel Doumbouya s’est donné le temps d’écouter tout le monde sans exception. Ainsi, imprégné de toutes les réalités des couches socioprofessionnelles, il a promis la transparence et le partage équitable des biens de l’Etat. D’ailleurs, ces rencontres au palais du peuple ont permis de connaître les maux du Guinéen. Un rapport de synthèse a été élaboré à cet effet et le Comité national des Assises a été créé pour écouter toutes les couches sociales du pays.
Mise en place du Comité national des Assises
Placé sous la coprésidence de Mgr. Vincent Koulibaly et du premier Imam de la grande mosquée Fayçal de Conakry, le Comité national des Assises (CNA) a effectué des missions tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, dont l’objectif principal est de collecter les causes des souffrances des Guinéens, d’identifier les facteurs de dysfonctionnement des systèmes de gouvernance et de recueillir les attentes des populations à la base par le biais des consultations, des focus groupes et faire des recommandations. Ainsi, les membres du CNA ont élaboré une quarantaine de recommandations. Parmi lesquelles figurent la prise en charge médicale immédiate des malades victimes des violences et de violations des droits de l’homme, la régularisation des personnes mises à la retraite par erreur, la mise en place d’un fonds d’indemnisation des victimes, la restitution aux ayants-droit de leurs biens spoliés.
L’immersion gouvernementale, l’autre innovation du CNRD
Parmi les axes initiés par le Conseil national national du rassemblement pour le développement et qui ont eu un écho favorable auprès de la population à la base, il y a bel et bien l’immersion gouvernementale à l’intérieur du pays. L’ensemble des ministres du gouvernement ont leurs bâtons de pèlerin pour sillonner les quatre régions naturelles du pays. A cette occasion, les membres du gouvernement, accompagnés des membres de leurs cabinets respectifs sous la direction de l’ancien Premier ministre, Mohamed Béavogui, ont eu des contacts non seulement avec les services décentralisés et déconcentrés de leurs départements respectifs mais aussi les populations à la base auxquelles ils ont prêté une oreille attentive aux plaintes et autres besoins visant à l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Pendant un mois, le Gouvernement a mobilisé les fonds nécessaires pour cette tournée gouvernementale qui a permis à chacun des ministres de connaître les urgences et les grandes priorités dans toutes les régions et préfectures. Au terme de cette immersion, le Gouvernement, sous la direction de Mohamed Béavogui à l’époque, a pu recueillir les maux dont souffre le pays profond pour élaborer un document stratégique équilibré pour le développement de la Guinée.
Cependant, pour les détracteurs de la junte, l’immersion gouvernementale n’a servi qu’à engloutir des fonds publics pour un simple tourisme de certains ministres qui ne connaissaient pas le pays. Ces derniers estiment que le gouvernement avait d’autres priorités que d’aller faire une “ballade” à l’intérieur. Il s’agit notamment de l’amélioration des conditions de vie et de travail des Guinéens, la finalisation des infrastructures routières et scolaires en cours d’exécution, la lutte contre le chômage, etc. L’opposition est restée divisée sur l’appréciation de cette immersion gouvernementale.
Concertation et dialogue politique, l’impasse de la transition
Si tout le monde est unanime que la classe politique doit absolument dialoguer, force de constater que le CNRD n’arrive pas à réunir tout le monde autour d’une même table. La classe politique est divisée entre pro et anti CNRD qui ne permet pas d’obtenir un dialogue franc et sincère inter guinéen. Même au sommet de l’Etat, entre le Premier ministre sortant et certains de ses ministres, il y avait ce que d’aucuns appellent la » querelle sémantique » autour des concepts ‘’dialogue’’ et ‘’concertation’’. Pendant que le premier parle de dialogue, les autres parlent de concertation. Ce qui d’ailleurs a failli gâcher la fête à l’occasion de la première rencontre entre Mohamed Béavogui et la classe sociopolitique du pays. Si à cet effet, le chef du gouvernement à l’époque avait demandé à tous les partis ou coalitions de lui envoyer un mémorandum dans un bref délai, force est de constater que rien n’a bougé sur ce plan depuis.
En matière de dialogue, la transition patine et les horizons ne se sont pas encore éclaircis. Même avec la désignation d’un nouveau médiateur dans la crise guinéenne, les tensions entre les deux camps sont perceptibles. En témoignent les récentes manifestations à Conakry qui ont enregistrés de nombreux morts, des blessés et des destructions des biens matériels. Sans oublier l’interpellation et l’emprisonnement des principaux leaders du Front national pour la défense de la constitution qui a fini par être dissous par le ministre de l’Administration du Territoire, Mory Condé.
Du côté du CNRD, on soupçonne certains leaders politiques de manipulation pour éviter de répondre devant la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF).
Aujourd’hui, le souhait qui habite tous les Guinéens est de voir cette transition réussie et qu’elle soit la dernière de la Guinée. Mais, à écouter les uns et les autres, le pays est loin de sortir de l’ornière. Espérons que le colonel Mamadi Doumbouya saura réunir la classe sociopolitique pour la noble cause de la Guinée, celle invoquée pour justifier devant ses compatriotes sa prise de pouvoir le 5 septembre 2021.