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Environnement/Guinée : l’État en manque d’option, face à la production anarchique des briques cuites

Conscient de la menace que cette production anarchique représente pour l’environnement, l’État guinéen cherche en vain des solutions de rechange pour tenter de freiner cet élan dévastateur. Malgré l’introduction et l’orientation des populations vers les briques en ciment et briques en terre stabilisée, la production des briques cuites ne cesse de monter en flèche, dans la région administrative de Labé. Le coût d’acquisition de ces briques « modernes » et l’expertise nécessaire à leur fabrication et leur usage seraient à la base de « l’échec » des multiples projets de promotion, selon un constat de Guinéenews.

« Il y a de ces briques dites modernes qu’ils proposent à 2 000 et 3 000 GNF pour les moins chères et 6 000 à 9 000 GNF pour les plus chères alors qu’une brique cuite est rendue sur le chantier à 900 GNF, 1000 voire 1200 GNF. Donc, excusez-moi du terme, mais il faut être fou pour débourser 6 000 GNF pour une brique, alors qu’on peut l’avoir, à seulement 1 000 GNF. Ce, même si on te dit que les briques modernes n’utilisent pas beaucoup de ciment, mais il faut reconnaître que le coût d’acquisition est énorme et les pauvres citoyens ne peuvent pas supporter cela. Une seule maison utilise environ 8 000 briques. Faites les calculs avec des briques de 5 000 GNF et plus par unité, vous verrez la différence. C’est inconcevable » dénonce Mamadou Lamine Kanté, citoyen interpellé au centre de la commune urbaine de Labé.

Visiblement en manque de solution pérenne face à cette production fantaisiste et anarchique, l’État assiste, « impuissant », à la destruction de l’environnement. « C’est un constat empreint de regret, un constat alarmant, un constat mauvais. Pourquoi ? Parce que premièrement, aucune disposition n’a, jusqu’à présent, pu réduire cette production. Et depuis plus de 10 ans, on a commencé à chercher des options pour remplacer ces briques, par des briques de terre stabilisée, mais ça n’a pas marché. De l’autre côté, parce que la quantité ne fait qu’augmenter. Plus la population augmente, plus les maisons à construire augmentent, plus le besoin en briques augmente. Personne n’a voulu construire, sans trouver les briques nécessaires. Il y a toujours des briques disponibles. Ce qui veut dire que la production est suffisante. Donc, ça c’est un constat. La quantité de la production ne fait qu’augmenter » reconnait Mamadou Kobéra Diallo, l’inspecteur régional de l’environnement de Labé.

Et de poursuivre : « deuxièmement, les conditions de production ne sont pas toujours celles souhaitées. Parce que nous avons toujours dit, au niveau des médias et sur le terrain, à travers nos agents, que les briques cuites ne sont pas complètement interdites comme les autres productions ; mais on ne les produit pas en bordure des cours d’eau. Cela est formellement interdit. Pourtant c’est le lieu privilégié de fabrication, car sur les 100 briques que tu trouves, les 80 sont produites en bordure des cours d’eau. C’est seulement les 20% qui sont produites un peu loin des cours d’eau, parce que c’est là que l’eau est disponible. Donc ils viennent y produire. Ils détruisent non seulement le cours d’eau mais la terre qu’ils laissent à côte est aussi emportée par les eaux de ruissellement vers le lit du cours d’eau. En plus, ils coupent la galerie forestière qui est à côté, pour calciner les briques. Donc, c’est un constat alarmant » ajoute Kobéra Diallo.

Interrogé sur ses motivations de production des briques, aux alentour d’un marigot qui longe le quartier Poréko, Yéro Camara tente de se défendre. « Tout cela c’est nos terres et c’est derrière nos concessions, voilà pourquoi on préfère travailler ici. Cela n’a aucun impact sur le marigot parce que ce n’est pas dans son lit, mais à côté. C’est vrai qu’on y puise de l’eau mais c’est tout. C’est l’un de nos gagne-pains. Après les activités de la ville, on se retrouve ici, pour bricoler en famille. Ça nous permet de joindre les deux bouts » a-t-il brièvement laissé entendre au micro de Guinéenews, sans pour autant, accepter d’être pris en image.

Que font les agents de l’environnement face à ces dizaines de fours à brique érigés tout au long des marigots et cours d’eau de la région. La réponse de l’inspecteur régional de l’environnement est sans appel. « Nos agents ne font qu’appliquer ce que les textes disent. Aucun texte, je vous dis, n’a interdit la production. C’est règlementé. Ils tentent de réglementer autant que possible. Ils font recouvrir les taxes aussi ; il y a des taxes qui sont liées à ça. Tous les détenteurs de fours à briques payent des taxes normalement. S’ils ne paient pas, c’est qu’ils ont violé la loi. Mais c’est ceux qui sont dans le cadre réglementaire qui paient les taxes, pas ceux qui produisent en bordure des cours d’eau. On n’interdit pas aux populations de construire des maisons » , précise-t-il.

Ainsi, Mamadou Lamine Kanté appelle l’État à subventionner les briques dites modernes, pour freiner l’élan destructeur des briques cuites. A ce stade, c’est l’unique solution selon lui. « Il faut d’abord que l’État trouve des alternatives par rapport au prix d’acquisition des briques. C’est l’unique moyen pour décourager les producteurs de briques cuites. S’ils arrivent à vendre des briques en ciment ou en terre stabilisée, moins cher que les briques cuites, les producteurs de celle-ci n’auront d’autre solution que d’abandonner leur production. Mais, avant cela, il ne faut même pas se fatiguer, c’est peine perdue » insiste-t-il.

Dans le même ordre d’idées, l’inspecteur régional de l’environnement de Labé situe les responsabilités par rapport aux difficultés d’introduction des BTS (briques en terre stabilisée) dans le circuit. « Les BTS dont on parle, c’est des projets que l’état a envoyés. Mais après évaluation, qu’est-ce que nous, de l’environnement, on constate ? Premièrement, le coût de vente de la brique est trois fois plus cher que les autres briques. Deuxièmement, les maçons ne peuvent pas les utiliser. Ils ne sont pas formés à les utiliser. Troisièmement, les matériaux qui entrent dans leur production ne sont pas faciles à avoir partout. Et enfin, ces matériaux, on parle de terre et autre, c’est à choisir. Ça aussi ce n’est pas disponible partout alors que les gens construisent partout. C’est pourquoi, la politique de vulgarisation de l’utilisation des briques cuites pour les constructions est là, bien faite, théoriquement, mais pratiquement, sur le terrain, les efforts manquent » reconnaît Mamadou Kobéra Diallo.

A ce jour, plusieurs ingénieurs ont personnellement des unités de production de briques en ciment à Labé. A la suite de l’acquisition du contrat, ils orientent les clients vers leur produit. Une politique qui est parfois mal comprise par certains demandeurs. « La dernière fois j’ai abandonné un chantier, parce que le patron voulait, coûte que coûte, utiliser les briques cuites. J’ai dit impossible et on a été obligé de se quitter, sans terrain d’entente. Au fait, les briques cuites ont beaucoup d’anomalies. Des anomalies qui déforment souvent les murs et imaginez, un bâtiment à étages avec des murs déformés. C’est toute de suite la responsabilité de l’ingénieur qui est engagée. Donc, comme on n’était pas avancé, on a tout simplement mis un terme au contrat » explique Mamadou Lamine Bah, ingénieur bâtiment.

En attendant une solution pérenne, les fours à briques cuites continuent de détruire à outrance, notre environnement. Pourtant, en dehors de l’État (qui est en panne d’option, comme on l’a dit), personne ne lève le petit doigt pour rappeler à l’ordre les acteurs de ce phénomène qui contribue énormément au changement climatique que nous vivons aujourd’hui.

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