Malgré la prise de décisions des autorités du CNRD de freiner le racket des forces de sécurité aux barrages routiers, la situation demeure. Le racket reste jusqu’ici un grand problème en Guinée.
Ce fléau, qui porte atteinte à la liberté de mouvement et au droit de propriété des conducteurs, continue de faire mal sur nos routes. Les policiers dépouillent les automobilistes et les conducteurs de taxis-motos dans les carrefours et autres recoins de la ville. Et cela, au vu et au su de tout le monde.
Quatre-vingt pour cent des personnes interrogées lors de notre enquête, notamment des conducteurs et les passagers, ont déclaré que l’extorsion a augmenté ces jours-ci.
Plus particulièrement sur les grandes voies et sur les routes secondaires dans les villes de l’intérieur où le problème est particulièrement grave.
« Bien qu’il y ait eu des progrès au cours des dernières années, le gouvernement n’a pas fait assez d’efforts pour mettre fin à l’extorsion aux barrages routiers », nous a déclaré un Chauffeur. Les forces de sécurité continuent de s’enrichir au détriment des Guinéens ordinaires, dont bon nombre ont déjà du mal à gagner assez pour joindre les deux bouts. »
A Conakry, plus particulièrement à Kaloum, les policiers sévissent et dictent leur loi aux motocyclistes. Ils les rançonnent avec violence dans les carrefours.
Dans cette commune, le racket est bien organisé… Les conducteurs de taxis transportant des passagers paient des montants allant de 15.000 à 25.000GNF. Les mototaxis eux, subissent la loi des policiers qui leur soutirent 250.000 ou 500 000 GNF à chaque point de contrôle.
Les conducteurs ont affirmé que s’ils refusent de payer, les forces de sécurité trouvent une excuse pour les détenir temporairement, parfois pendant des heures. Un motocycliste nous a confié : «Si vous ne payez pas, votre moto est bloquée».
Le comble dans tout ça, c’est que des agents de police se déguisent en de vulgaires bandits pour tomber sur les motocyclistes au niveau des feux tricolores.
Ce qui évidemment provoque des altercations voire de graves accidents entre des agents de la police et des jeunes conducteurs. Des riverains qui squattent devant la Mosquée au niveau des feux de réglementation à Tombo, témoignent qu’il ne se passe pas un jour sans qu’un agent de la police ne soit renversé où trimballé par un conducteur de taxi motos.
« Ces accidents sont fréquents ici. Quand les jeunes du quartier ont arrêté un jour un conducteur de taxi motos, il a dit qu’il pensait que c‘était un bandit qui voulait lui prendre sa recette. Puisque l’agent qui s’était présenté devant sa moto n’était pas en tenue. Il arrive parfois qu’ils trimballent les policiers sur de longues distances, avant de prendre la fuite. On assiste malheureusement à ces scènes chaque jour ouvrable », regrette Ousmane Camara, un sexagénaire qui passe quotidiennement du temps devant la Mosquée non loin du carrefour.
Ces accidents ont lieu tous les jours dans les carrefours réservés comme points de contrôles de routine. Madame Oularé A. assistance à la direction de la Conservation foncière à la 6è Avenue à Kaloum dit avoir porté plainte contre un agent de police qui a provoqué l’accident de la moto qu’elle a empruntée pour se rendre à son service.
« Ce jour-là, la moto qui me transportait a été interceptée brusquement en face de DCPJ par un agent de la police en tenue civile. Le motocycliste voulant l’éviter, m’a fait projeter de l’autre côté de la route. De justesse ma tête n’a pas pris un coup. Dès que je me suis levée, je me suis dirigée dans les locaux de la police judiciaire où j’ai porté plainte contre le policier… »
Les agents des forces de sécurité extorquent ouvertement de l’argent auprès des conducteurs de mototaxis et de véhicules de transports sur les routes principales. Lors de notre enquête, nous avons constaté à plusieurs reprises des motos et des minibus retenus aux barrages et des chauffeurs et autres motocyclistes, négocier avec les forces de sécurité pour qu’elles les laissent passer.
Une grande partie des actes d’extorsion se produisent à des barrages, répertoriés comme postes de contrôle autorisés. Les points de contrôle à l’entrée des villes étaient souvent occupés par des policiers et des gendarmes, tandis que des gendarmes et des militaires occupaient fréquemment les barrages entre les villes et sur les routes secondaires. Et pourtant, l’extorsion aux barrages routiers, par la saisie arbitraire d’argent et d’autres biens, viole le droit des personnes à la propriété conformément à l’article 14 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Pour qui travaillent ces policiers qui rackettent sur les routes ? Selon plusieurs sources, les agents et même leurs supérieurs prennent souvent une part de l’argent collecté aux barrages. La réticence des subordonnés à fournir des informations sur leurs supérieurs signifie que ces derniers font très rarement l’objet d’enquêtes et de poursuites.
Rappelons qu’après la prise du pouvoir le 21 décembre 2021, les autorités du CNRD ont pris des mesures pour lutter contre l’extorsion. Des notes de service ont été publiées avec une liste des emplacements de points de contrôle autorisés à l’échelle nationale avec le démantèlement des barrages routiers illégaux sur les routes principales entre les grandes villes du pays. Mais hélas ces initiatives sont bafouées par des agents véreux qui salissent toute l’institution.
« Plutôt que d’offrir une protection, les forces de sécurité abusent de leur position en exploitant les personnes qu’elles sont censées protéger », a conclu Moussa K, un enseignant en service à Macenta.
« Si le gouvernement guinéen souhaite sérieusement mettre fin à l’extorsion aux barrages routiers, il devrait mettre en place une unité anti-racket. Afin d’empêcher l’extorsion aux barrages routiers. Tout en exigeant des sanctions pénales contre les contrevenants, en particulier les commandants et les officiers impliqués.
Au niveau du ministère de la Sécurité, on nous apprend que des mesures sont effectivement prises pour barrer la route aux brebis galeuses qui sévissent dans la corporation. Des numéros verts auraient été communiqués à la population pour dénoncer des agents indélicats.