Dans cette 2ème partie de l’entretien, Seydou Nourou Thiam nous parle de son retour transitoire en Guinée, et la suite de son parcours, qui le conduira en Europe, de sa discographie, et de son album à succès ‘’Kankan Yarabi’’ produit en France. Seydou Nourou Thiam, pragmatique, ‘’différent’’, dit-il à tous les niveaux, réfute dans cet entretien, tous ces nombreux qualificatifs, ou allégations collés à sa peau.
Agriculteur, découvrez ce qu’il en fait de sa vente un moment de sa récolte, ses points de vue acerbes dans son domaine de prédilection, son cri de cœur généralisé.
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Guineenews : Après tout ce long parcours en dehors du pays, vous êtes finalement retourné dans votre pays la Guinée. Que fut la suite du parcours ?
Seydou Nourou Thiam : Je suis rentré en Guinée en 1979, et je n’ai fait qu’i1 seul mois de séjour. Avec mon franc parlé, le milieu n’était pas tellement propice. De façon intelligente, mon grand frère feu Aguibou Thiam (paix à son âme), qui était un grand dignitaire du régime du Président feu Ahmed Sékou Touré, avait compris, que je ne pouvais pas à travers mes attitudes et comportements vivre ici, au risque de me créer des ennuis. C’est ainsi qu’il m’a amadoué, et j’ai continué mon aventure vers l’Europe, et plus précisément en Allemagne. Et c’est à partir de ce moment, que j’ai enregistré mon second Album « Kankan Yarabi » en France.
Guineenews : Parlez-nous de cet album, qui a eu un véritable succès en Guinée ?
Seydou Nourou Thiam : Oui ce fut mon 2ème disque, après le 1er fait au Nigéria. C’est un disque de 8 titres. Ensuite, fatigué de l’aventure, pour plus de 10 années en dehors du pays, j’ai décidé de rentrer en 1982, suite à la libéralisation des initiatives privées.
Malheureusement, je suis rentré trouver des gens qui ne voulaient pas travailler pour eux-mêmes.
Guineenews : Vous êtes dans l’agriculture aussi, et parlez-nous en ?
Seydou Nourou Thiam : Arrivé après cette libéralisation, je suis reparti aux champs pour aider mon père. Pratiquement en Guinée, parallèlement à la pratique de la musique, je suis dans l’agriculture. J’avoue que les artistes n’ont pas suivi cette libéralisation. Personnellement, j’ai vendu ma récolte, et j’ai pu remonter un autre groupe de musique. En compagnie de ce groupe, nous sommes allés enregistrer un 3ème album au Libéria, titré ‘’ Tèmè forè’’, qui comportait 12 titres. La production de ce disque, fut assurée par un Libano-ghanéen, et la bande mère, suite à la guerre au Libéria, fut endommagée. Je suis en train présentement de réunir tous ces contenus pour mes prochains enregistrements.
Guineenews : Dites-nous, quelle était la composition, et le nom de ce groupe formé par vous ?
Seydou Nourou Thiam : Tous les membres de ce groupe étaient tous de mon village. Il y avait mon neveu Alpha Thiam, qui vit présentement au Canada, deux autres, le batteur et le bassiste, qui sont décédés, Macky et Saikou Oumar (Paix à leurs âmes). Ce groupe portait le nom ‘’S.N Thiam Africanium’’. Ce 3ème disque dont je fais cas, n’a été édité qu’au Libéria.
Guineenews : Par après, y’a-t-il eu une continuité dans vos productions musicales?
Seydou Nourou Thiam : Oui ! Mon quatrième disque ‘’Hibernation’’, je l’ai fait ici à Conakry en 2008, et c’est un album de 10 titres.
Guineenews : Vous n’êtes plus ressorti du pays depuis votre retour ?
Seydou Nourou Thiam : Si, je suis plusieurs fois sorti, et ce n’est pas puisque j’ai le goût de l’aventure, que je m’éloigne du pays. Les façons de faire ici ne me conviennent pas. Franchement J’AIME LA GUINEE, MAIS LA GUINEE NE M’AIME PAS. Le showbiz guinéen est encore au ralenti. Les hommes véreux sont venus s’occuper de la culture. Je fais partie des personnes, qui ont aidé la première maison de production en Guinée de voir jour, par rapport à l’agrément. Il s’agit de Super sélection de feu Diouldé Sall, je pense m’avoir fait tirer une balle dans le pied. Je ne reviens pas sur tout cela, et c’est l’époque où, ces vedettes guinéennes se sont fait produire, et ont connu des succès après le temps de la Révolution.
Guineenews : Dans votre discographie, vous êtes à combien d’albums ?
Seydou Nourou Thiam : J’ai 4 albums, le 4ème est titré ‘’Hibernation’’ et je l’ai fait en Guinée. Le 5ème, c’est la première bande sonore de la radio RKS, quand je jouais à Novotel en musique acoustique, en compagnie d’un ami guitariste. Aujourd’hui, j’ai deux albums en tiroirs, et qui sont inédits.
Guineenews : Etes-vous à la recherche de producteur ou qu’est-ce qui freine la sortie de vos œuvres ?
Seydou Nourou Thiam : J’ai surtout besoin de distributeur, en réalité je suis entre la nécessité de trouver la promotion et la distribution.
Guineenews : Un parcours élogieux, peut-on le confirmer ?
Seydou Nourou Thiam : Elogieux, mais pas très actif au niveau de la Guinée. Sauf que les deux premières années entre 1979 et 1981, ont été productives. Entre 1987-1989, j’étais à Novotel, je me suis marié, et fais des enfants. Pratiquement, moins productif, je l’ai été pour la suite.
Guineenews : Guitariste et à la fois chanteur, ce n’est pas fait pour tout le monde. Comment aviez-vous pu jumeler les deux options, chantez et jouez, ce n’est pas facile dit-on ?
Seydou Nourou Thiam : (rires), tiens-toi bien, même au Nigéria, c’était la première fois de passer à la télévision, un artiste chanteur, qui tient et joue la guitare à la fois. Je ne sais pas, si je suis guitariste ou chanteur, et c’est comme ça.
Guineenews : Donc ses atouts viennent tout seul, ou c’est un apprentissage ?
Seydou Nourou Thiam : D’ailleurs, je ne suis pas à l’aise quand je ne suis pas avec ma guitare en chantant. Je ne saurais où mettre mes bras en chantant. Il me faut mettre ma touche dans la musique en chantant. C’est ma rythmique, qui agrémente et fait mon cachet. Certainement, ce fut un don, à tous d’apprécier.
Guinéenews : L’album ‘’Kankan Yarabi’’ vous a projeté au-devant des scènes. Comment ce tube-là est venu ?
Seydou Nourou Thiam : C’est une interprétation folklorique, qui existait, et était chanté par les troubadours. C’est comme les titres ‘’Nina’’ et autres, c’est le patrimoine culturel guinéen. D’ailleurs, c’est le titre de mon prochain album ‘’Patrimoine classique de Guinée’’. L’album ‘’Kankan Yarabi’’, a eu du succès surtout radiophonique, mon éditeur et distributeur n’avait pas suivi mes conseils, sinon à l’époque les cassettes, marchaient mieux. Donc, les disques sont venus, et sont restés invendus. L’album a eu du succès, et est à sa 3ème réédition en France. Je suis d’ailleurs en train de régulariser, un contentieux à propos.
Guineenews : D’aucuns disent que Seydou Nourou Thiam est ‘’dispersé’’, ‘’solitaire’’, ‘’orgueilleux’’, ‘’difficile’’, et que dites-vous de tous ces qualificatifs, qui fusent de partout ?
Seydou Nourou Thiam : Vous êtes mieux placé pour le juger, puisque vous êtes en train de me pratiquer à l’instant, est-ce, suis-je compliqué, difficile ou autres je vous repose la question ?
Guineenews : Pour l’instant, vous ne l’êtes pas, puisqu’entre deux coups de fils, le rendez-vous fut calé et respecté. Et néanmoins vous êtes une personne comme le disent le autres, pas facile à approcher tout à fait particulier, en d’autres termes qu’en dites-vous ?
Seydou Nourou Thiam : Rien de toutes ces qualifications ou allégations, ne collent à ma peau. Seulement, retenez que je suis ‘différent’’ et surtout ‘’différent’’. Et là c’est une situation très difficile. C’est difficile d’être différent. Je suis différent par ma naissance, car je suis différent de mes frères, musicalement, je suis différent par rapport à ce que les autres font, et cela est clair et perceptible, idéologiquement, je suis différent. Chacun trouve son petit qualificatif, selon son humeur ou nos relations, pour le coller. Je remercie le Bon Dieu, et la nature que je ne sois pas né, dans le besoin incessant. ‘’Orgueilleux’’, ou quoi d’autres, je ne peux pas faire du n’importe quoi, qui mettrait mal à l’aise les miens. Je suis d’une origine féodale et théocratique. Je ne peux pas me comporter comme n’importe qui, qui ignorait d’où il vient. Je m’entoure du respect de mon prochain, et j’aimerai bien que cela soit réciproque.
Guineenews : Tissez-vous des relations avec la jeune génération, qui considère le plus souvent votre génération de personnes dépassées ?
Seydou Nourou Thiam : Je m’entends bien avec les jeunes, bien que la plupart des musiciens de ma génération sont décédés, ou ont raccroché. Souvent plusieurs parmi-eux, viennent vers moi pour des échanges. Je n’ai pas encore été victime en comportement, de ce concept de ‘’dépassés’’. Je leur dis souvent ‘’ je ne suis pas monté, et je ne suis pas tombé’’. J’ai toujours du plaisir de jouer de la musique.
Guineenews : Avez-vous des projets en cours ?
Seydou Nourou Thiam : Actuellement, le projet qui me tient à cœur, est celui de régulariser ma situation entre le BGDA et la SACEM. Je regrette, que ce problème demeure encore, pendant que la SACEM, ne demande qu’une lettre de réclamation. 9 directeurs, si je ne me trompe, ce sont succédés à la tête de cette structure, qui doit être repensée. J’ai reçu ma carte préliminaire de la SACEM à partir d’Abidjan, ne résidant pas en France, j’ai cru comprendre, qu’il devrait y avoir une fluidité entre ces deux structures (SACEM-BGDA), et je suis à la 3ème réédition, et je ne vois rien qui tombe. Tout récemment, j’ai contacté un cabinet d’avocats à Dakar, qui est en train de suivre ce dossier, pour que je puisse entrer en possession de mes droits. Je suis producteur de mes œuvres, pas un chanteur ambulant. Des éditeurs ont été aidés pour me spolier. Autre projet dans ma besace, c’est l’enregistrement d’un album dénommée ‘’ Patrimoine classique de Guinée’’, j’ai déjà parlé. C’est sera sous forme de volumes, et pour ce 1er volume, il y aura 10 titres. A côté de cet album, je compte produire à part, 2 titres en français, et pour l’album, je revisite un ensemble de musiques du patrimoine guinéen.
Guineenews : Quelles sont vos relations avec le département de la culture ?
Seydou Nourou Thiam : Je suis dans les normes, j’ai ma carte du BGDA en tant qu’éditeur.
Guineenews : Percevez-vous vos droits d’éditeur ?
Seydou Nourou Thiam : Oui je perçois mes droits, avec cette façon ou manière d’appeler les gens, comme des ouvriers, pour venir leur distribuer leurs droits. Il n’y a pas de démocratie dans l’art, l’art c’est la propriété. Il faut respecter les artistes.
Guineenews : Un parcours élogieux dirait-on à votre actif, racontez-nous un beau souvenir ?
Seydou Nourou Thiam : Il y a plusieurs beaux souvenirs, mais je retiens la nuit de l’UNESCO qui s’était déroulé en 1988, au palais du peuple. Pour cette nuit, avant mon concert, j’ai été très méticuleux lors de la balance. J’ai passé toute une journée, à régler la balance, puisque vous savez le palais du peuple, est une salle de conférence, et non pas de musique. Et, il est difficile de faire une balance, quand il s’agit de la musique acoustique, et c’est très compliqué. C’est après le concert, que je me suis senti fier de la qualité du concert présenté, et j’étais comme un élève, qui venait de trouver un problème de mathématiques. J’ai eu le premier prix ‘’auteur-compositeur’’, décerné par la délégation de l’UNESCO en Guinée. C’est un beau souvenir.
Guineenews : le pire des souvenirs que vous gardez, pouvez-vous nous le décrire ?
Seydou Nourou Thiam : En réalité, je suis quelqu’un qui a connu l’aventure, et qui s’attends à tout. Je suis très positif, prédisposé à tout pour vivre. Il y a quand même un mauvais souvenir qui me revient, c’est la perte de mon neveu Amadou Thiam alias ‘’Dario’’, qui était disc-jockey. Ce neveu avait tellement foi en moi, et quand Daily times, a annoncé la sortie de mon premier disque à Lagos (Nigéria), tout mon rêve était de lui présenter en premier mon disque. Hélas au même moment, on m’annonce son décès. C’est un mauvais souvenir que je garderai longtemps.
Guineenews : Continuez-vous à jouer toujours en Guinée ?
Seydou Nourou Thiam : On n’abandonne pas la musique, c’est elle qui vous abandonne. Je continue de jouer en toutes bonnes saisons par-ci et par-là. Moi je n’ai même pas débuté ma carrière, je suis dans l’intemporel, ma musique n’est pas liée à la mode, et j’étale ma natte à tout moment et à tout temps.
Guineenews : De tout ce qui précède de vos acerbes points de vue, avez-vous en somme un cri de cœur à émettre ?
Seydou Nourou Thiam : oui c’est sûr. Il faut quitter l’informel, sur le plan de la production musicale en Guinée. Il ne faut pas délivrer à l’emporte-pièce, ces dites licences, et à n’importe qui. Vous avez vu qu’il y a l’ordre des médecins, des pharmaciens, et tant d’autres structures similaires. La production musicale doit être restructurée, puisque aujourd’hui, qui a de l’argent peut produire, finalement ça se dirige dans tous les sens, et le créateur reste le ‘’dindon de la farce’’. Il faut oser le dire, que tout est à revoir dans le domaine culturel en général, et de la musique en particulier. La musique guinéenne a perdu son originalité, les logiciels ont dominé nos propres outils, c’est-à-dire nos instruments. Les artistes se sont métamorphosés, et tous courent derrière l’argent, qui devient la ligne d’arrivée. Il y a cet autre aspect, que j’appelle décalage entre la bande sonore et le live. Difficilement on peut faire tourner nos artistes, puisqu’en réalité, ils ne sont pas performants de ce côté live, et au constat, il y a toujours, une différence considérable entre la bande sonore sortie du studio, et le live proposé. Le pire encore, c’est quand nos artistes veulent jouer nos folklores avec les outils des autres. Nos instruments traditionnels sont en voies de disparitions. En Europe, vous verrez des enfants de 9 ans, qui apprennent le violon ou la trompette. Chez nous, c’est bien le contraire, tout le monde est chanteur, à la course au gain, et personne ne veut, ou n’a le temps d’apprendre.
Guineenews : En cette fin d’entretien, quelle impression avez-vous de cette rubrique ‘’Que sont-ils devenus ?’’, et que diriez-vous à vos fans ?
Seydou Nourou Thiam : (rires) A votre rubrique ‘’Que sont-ils devenus ?’’, je vous dirai que moi je suis là, et toujours là. Je ne suis pas monté, et je ne suis pas tombé. Je remercie toutes les personnes, qui continuent encore de croire, et à penser à moi. Qu’elles soient rassurées ici, que je n’ai pas encore dit mon dernier mot, et elles n’ont qu’à s’attendre bientôt à du lourd de ma part.
Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews