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Sidya à Alpha Condé : « quand on l’entend parler, on a l’impression qu’il s’agit d’un opposant qui vient d’arriver au pouvoir… »

Depuis la Côte d’Ivoire où il est en déplacement pour des raisons personnelles, Sidya Touré, leader de l’UFR était l’invité de l’émission les (GG : *Grandes Gueules) de ce jeudi 25 février 2021 sur la radio Espace. Au cours de cette sortie, l’ancien Premier ministre a livré ses commentaires sur les sujets d’intérêt national notamment le discours ‘’controversé’’ que le président de la République Alpha Condé a prononcé hier au lancement de Guinea Intvestment Forum (GUIF) à Conakry.

GG : monsieur le président de l’UFR au cours du lancement de ‘’Guinea Investment Forum’’, le président Alpha Condé a dit ceci : « nous voulons attirer des investisseurs et nous sommes engagés à mettre en œuvre des reformes même les plus difficiles pour faire de 2021 l’année de la transformation complète de la Guinée. Notre ambition est de devenir la deuxième puissance économique de l’Afrique de l’ouest après le Nigeria. Nous sommes décidés à le faire. Ce discours est-ce qu’il vous rassure, est-ce qu’une telle ambition est bien réalisable au regard de tout ce que la Guinée traverse aujourd’hui ?

Sidya Touré : moi, je suis estomaqué ! Vous vous demandez de quelle Guinée il s’agit ? Il ne faut pas oublier une chose, c’est que les dix dernières années passées, Alpha était au pouvoir. Et quand je dis au pouvoir, il avait tous les pouvoirs, il a été mis à la Présidence de la République. Donc, il avait l’exécutif, le gouvernement et l’administration. Il a réussi à avoir une majorité à l’Assemblée nationale et sur les textes importants, nous n’avons pas hésité à accompagner pour avoir la majorité des 2/3. La seule chose qui était un tant soit peu indépendante, la justice. Il s’est battu de telle façon que tout ceci lui soit complètement soumis. On a commencé par faire démissionner le ministre de la Justice d’alors Me Cheick Sacko qui était un peu plus indépendant et on a réussi à faire partir le Président de la Cour Constitutionnelle dans des conditions qui ont même entrainé sa mort. Donc, il avait tous les pouvoirs pendant dix ans, il a eu le temps pour réaliser ceux dont il parle aujourd’hui. Quand on l’entend parler aujourd’hui, on a l’impression qu’il s’agissait d’une opposition qui vient d’arriver et qui veut corriger. Moi, je suis assez surpris ! Maintenant quant aux déclarations dans le style, je ne sais pas qu’est-ce que cela a à voir avec l’économique de l’Afrique de l’ouest. Il faut regarder les chiffres, après vous pouvez parler. Douze millions d’habitants, l’un des plus bas de la sous-région. Alors, je ne sais pas à quel moment est-ce que nous allons dépasser les pays comme le Nigeria avec ses deux cent millions d’habitants et sa production de deux millions de tonnes carburant par jour.

GG : parlant du secteur minier, est-ce que la magie peut y provenir ?

Sidya Touré : non ce n’est pas possible ! Le secteur, on a aucun mérite. Tel que ce qui se retrouve dans notre sous-sol, c’est ce que nous allons en faire. Les mines sont là depuis des millions d’années et puis si on n’arrive pas à vendre, je pense qu’il en restera encore pour les générations à venir. Il n’y a pas de fierté en cela. Là où vous avez la fierté, c’est si on arrivait à transformer cela pour créer de l’emploi. Je crois que c’est Dr Ousmane Kaba qui disait : « dans les mines, il n’y a que des chauffeurs et des manœuvres. »  S’il n’y a pas de transformation, il n’y a que les recettes que vous pouvez avoir et cela n’apporte rien. Alors citer des milliards de tonnes en bauxite, en fer qui ne sont pas transformés en Guinée, je n’en vois vraiment pas la nécessité. Ce qui est le plus frappant, c’est que sur les mines, on vous donne des milliards de tonnes mais, dès qu’on pense à l’agriculture, vous n’entendez plus aucun chiffre. Personne ne dit on a produit vingt millions de ceci ou de cela. Alors que c’est là où se trouve le gisement, la transformation du pays pour la création d’emplois pour l’amélioration des conditions de vie de nos populations. Donc cela, c’est un peu raté !

GG : est-ce que vous vous êtes intéressé au forum même avec ses organisateurs, ses invités, qu’est-ce que vous pensez de ce forum, est ce que vous pensez que de leur côté, les organisateurs et autres ont joué quand même leur rôle ?

Sidya Touré : écoutez ! Pour les détails, je ne connais pas. Ce que je sais, c’est que j’ai organisé, quand j’étais Premier ministre, le premier forum des investisseurs en Guinée. Le forum, c’est pour essayer de vendre votre pays. C’est dire les reformes que vous avez faites, vers où est-ce que vous allez, les infrastructures que vous avez développées pour encourager les gens à venir chez vous. Vous ne venez pas pour dire que les gens de chez vous ne valent rien, ce sont tous des menteurs, des voleurs ainsi de suite. Je ne vois pas comment vous allez attirer les hauts chargés qui viennent ! Donc, j’estime qu’il y a vraiment un raté. La deuxième chose que je voulais vraiment signaler par rapport au forum et à notre participation, vous avez un pays comme le Sénégal qui investit en Guinée dans le cadre de la téléphonie. Chaque fois qu’il y a un besoin de cadre, de réparation, on est obligé de faire venir les Sénégalais. Parce que le secteur de l’éducation en Guinée est défaillant. Allez à Sonfonia aujourd’hui et voyez ce qui s’y passe. Parce que tout ceci, ne soyons pas déconnectés de la réalité. Comment est l’agriculture, comment est l’éducation, comment est le secteur de la santé ? Vous allez comprendre que le discours est dû à l’effet qui n’est pas en accord avec tout ça.

GG : dans un pan de son discours, Alpha Condé est allé dire qu’il n’y a pas de détenus politiques en Guinée et que ceux qui sont en détention, ne sont pas des opposants… quelle est votre lecture là-dessus ?

Sidya Touré : comme pour moi qui connais Alpha, cela ne m’étonne pas. C’est une négation de la réalité, c’est tout. Lui-même, a été détenu ici on aurait pu dire que ce n’était pas un détenu politique. D’ailleurs lui, on l’a arrêté à la frontière.  Donc, ce qui était totalement différent (rire). C’est assez dommage ! Parce que nous avons aujourd’hui des jeunes gens, des hommes politiques qui sont détenus dans des conditions exécrables.

GG : l’autre grille de la question, il dit que la Guinée doit aller vers l’indépendance financière et pour finalement éviter d’être assistée continuellement par les institutions de breton Wood, rationnaliser nos fonds. Est-ce que vous pensez que cette dynamique est possible aujourd’hui quand on sait que le combat contre la corruption est loin d’être gagnée ?

Sidya Touré : vous avez tout dit ! Les problèmes, ils sont-là, les solutions sont posées, la manière dont elle est proposée, ce n’est pas très réaliste. Mais, se passer des institutions de Breton Woods, il y a des pays africains qui font cela déjà comme le Ghana qui capables d’aller sur le marché financier international et de débloquer un milliard ou deux milliards de dollars quand ils en ont besoin, il y en a qui n’ont pas besoin de l’assistance de ces institutions-là ! Donc, cela n’a rien d’exceptionnel. Le seul problème, c’est que le travail commence où pour aller de l’avant, moi je ne vois pas où est-ce que le travail commence. Le président de la République est celui qui donne le ton, c’est celui qui donne la direction. Mais, il y a un Premier ministre, un gouvernement, c’est leur travail ! Pour s’il faut réunir les gens et leur dire que votre pays est peuplé des gens qui ne sont pas biens, moi je ne vois pas très bien en quoi cela pourra encourager les gens à venir investir chez vous. C’est une vraie question que je me pose et je dois dire d’ailleurs qu’au niveau de l’investissement, n’oubliez pas le passé, nous avons le Budget National pour le Développement pour lequel nous avons des financements énormes, pour lequel nous ne voyons aucune réalisation jusqu’aujourd’hui. Il y a eu les vingt millions de dollars de la ligne de crédit de la Chine, qu’est-ce que cela est devenu ? Il faut poser les vraies questions et je crois qu’il faut pousser Alpha Condé à faire des conférences de presse avec les journalistes guinéens. Comme ça, on lui posera les vraies questions auxquelles il devra répondre.

GG : les détenus, parce que vous étiez en train de vous prononcer là-dessus avant de vous perdre au bout de la ligne, on veut vous entendre quand même sur cette sortie lorsqu’il dit qu’il n’y a pas de détenus politiques en Guinée.  Parce que cela défraie la chronique quand même dans le pays.

Sidya Touré : c’est une aberration, c’est quelque chose de dramatique ! Je dis que des gens sont détenus en prison aujourd’hui, des jeunes gens, des hommes politiques connus qui sont des personnages de premier plan sur la scène politique guinéenne. Vous les détenez en prison sur des bases qui ne sont pas correctes et aujourd’hui même les avocats ne sont pas en mesure de les rencontrer. Certains sont malades, des jeunes gens sont déjà out, on se demande vers quoi est-ce que nous allons ? Est-ce que nous sommes en train de revenir au système de parti unique disparu un peu partout dans le monde. C’est dramatique de dire cela de cette manière.

GG : pour une précision est-ce qu’être un homme politique en détention fait de vous un détenu politique ?

Sidya Touré : si vous n’avez pas détourné d’argent et que quelqu’un ne se soit pas plaint contre vous et que vous êtes arrêté à cause de vos propos ou de votre comportement, oui cela fait de vous un détenu politique et surtout quand c’est des responsables politiques.

GG : les actes du chef de l’Etat par rapport à la récupération des domaines de l’Etat… Parce qu’apparemment dans ses propos, beaucoup pensent que des leaders politiques sont dans sa ligne de mire. Parce qu’à un moment donné, on vous a accusé clairement d’avoir détourné un domaine qui appartenait à un orchestre de la place, est-ce que dans les propos du président vous ne vous sentez pas concerné par Alpha Condé ?

Sidya Touré : pardon laissez-moi avec ça !  Je pense que ce n’est même pas un débat, regardez dans les documents vous trouverez la réponse.

GG : il a dit qu’il va tout casser monsieur Touré, tout ceux qui sont sur les domaines de l’Etat, on va les récupérer, on va casser tous les bâtiments, a prévenu le Chef de l’Etat ?

Sidya Touré : moi, j’ai investi en Guinée ! J’ai fait venir des investisseurs avant d’arriver en politique. On a acheté des usines, construit des maisons. J’aimerais qu’on me montre d’autres qui ont fait la même chose.

Propos transcrits par Gueye Mamadou

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