Guinéenews : dites-nous, en tant que représentante du gouvernement guinéen à la cinquième Conférence des Nations unies sur les Pays les Moins Avancés (PMA), quelles sont les attentes du pays de cet évènement ?
Rose Pola Pricemou : à cette cinquième Conférence, les attentes de la Guinée partent du vaste programme de refondation de l’Etat mis en place par le chef de l’Etat, le colonel Mamadi Doumbouya. Cette refondation est aussi axée sur la coopération dans tous ses aspects. Cela, pour enrichir notre force et notre capacité à venir au changement. Et à la fin, à parvenir au développement tant attendu. Nous venons donc exprimer à tous nos partenaires que nous sommes en situation de refondation et que leur accompagnement est plus que nécessaire.
En second lieu, nous portons un message du gouvernement guinéen : celui de sa volonté d’abriter l’Institut international de coopération sud-sud et triangulaire dont la vocation sera de faire de la recherche, de la formation initiale et continue. L’objectif étant d’avoir des apprenants et des candidats qui seront en mesure de tenir tous les programmes de formation et de coopération que nous aurons à faire en République de Guinée à l’horizon 2030, date prévue pour l’atteinte des Objectif du Développement Durable (ODD).
Guinéenews : instabilité politique, sous-développement du capital humain, informalité généralisée, secteur privé faible… Les défis ne sont-ils pas trop nombreux pour que la Guinée soit au rendez-vous de 2030 ?
Nous avons pris beaucoup de retard malheureusement. Mais une chose est sûre : on est dans une nouvelle dynamique qui veut l’atteinte des ODD à l’horizon 2030. Et je pense que les partenaires l’ont compris et la plupart se sont engagés à nous accompagner dans ce sens. Même si on n’arrive pas à atteindre les 17, nous sommes quand même convaincus que nous réussirons à atteindre la majeure partie de ces ODD.
Guinéenews : la prochaine Conférence des Nations unies sur les pays les moins avancés se tiendra dans 10 ans. Pensez-vous qu’à cette date la Guinée sera en mesure de sortir des PMA ?
C’est l’objectif. C’est ce qu’on veut ; c’est la volonté suprême. Il faut viser haut même si on a trouvé le pays dans une situation qui demande d’être objectif. Mais, en 10 ans tout est possible. En 2032 ou 2033, nous pouvons être en mesure de sortir des PMA ou au moins être proche d’y sortir. Et à Doha, nous avons plusieurs exemples qui nous inspirent. Nous avons là des pays qui ont pu le faire. Il n’y a donc pas de raison que la Guinée aussi n’en fasse pas. Vous avez par exemple les Maldives. C’est un pays d’au moins de 300 km² avec un demi-million d’habitants et qui ont réussi à sortir des PMA en 2011.
Guinéenews : sauf que nous sommes plus de 12 millions d’habitants sur plus de 245 km2 avec des défis qui peuvent être différents de ceux des Maldives…N’avons-nous pas un taux de croissance démographique qui pourrait jouer en notre défaveur ?
C’est pourquoi il nous faut connaître les chiffres. Quand on parle du RGPH (Recensement général de la population et de l’habitat), c’est pour mieux planifier notre changement et notre développement. Quoi de mieux pour un décideur d’avoir des chiffres réalistes qui sont capables de lui dire voilà dans telle région il y a tel nombre de personnes […] Donc, il faut prévoir les infrastructures pour tel nombre d’habitants, il faut prévoir tel nombre d’écoles, tel nombre de centres de santé. C’est tout ça qui fait aujourd’hui que le chef de l’État et le gouvernement du Dr Bernard Gomou se donnent vraiment à fond pour la réalisation du RGPH dans notre pays. Ça c’est aussi à noter ; on veut sortir d’un point A à un point B.
Guinéenews : et le Qatar, le pays qui accueille aujourd’hui les PMA, ne vous inspire-t-il pas ? Un pays désertique et petit par la taille qui a annoncé aujourd’hui 60 millions de dollars pour soutenir les PMA…
Mais oui, ce pays aspire forcément. Il y a eu une vision. Et, avec beaucoup de travail et de rigueur, ils sont arrivés où ils sont. Quand on arrive ici, on est impressionné par le travail, le sérieux dans ce qu’ils font et ça donne à apprendre.
Guinéenews : comment arriver au niveau de ces exemples quand on a un capital humain faible avec notamment des ressources humaines peu qualifiées ?
C’est pourquoi on met un accent particulier sur l’enseignement de base, la formation professionnelle, ainsi que l’enseignement supérieur. En Guinée, il est important qu’on recadre tous ces domaines. Pour y arriver, on n’a pas besoin de réinventer la roue. On regarde ce qui a été fait de mieux chez eux et on l’adapte à notre situation guinéenne.
Guinéenews : Pour arriver au développement, il faut connaître ses défis, mais aussi ses priorités. Quels sont aujourd’hui les priorités pour un développement durable de la Guinée ?
On en a plusieurs. Mais il faut souligner que la priorité d’un pays est exprimée par sa population. Quand on a fait l’immersion à l’intérieur du pays, on a compris ce que veut la population. Les gens vous disent qu’ils n’ont pas besoin de grand-chose. Quand ils vous parlent, la première des choses c’est la santé, c’est l’eau potable, c’est permettre à leurs enfants d’apprendre dans des environnements adéquats afin d’avoir une scolarité qui se mérite à l’international. Après, ils vous parlent des infrastructures routières pour acheminer leurs productions agricoles et accéder à d’autres produits de consommation. Ils veulent aussi avoir de quoi manger suffisamment. C’est tout cela qu’on doit réussir à réaliser d’abord. Si on y arrive, on aura satisfait la majeure partie de leurs attentes. Après, on parlera de l’électricité. L’être humain demandera toujours au fur et à mesure qu’on comble ses besoins, mais si on arrive à satisfaire ces besoins exprimés par nos populations, on aura réussi déjà une bonne partie du pari.