Reprise du procès du 28 septembre: les parties opposées à la requalification des faits
Alhassane Bah
Le procès historique des événements tragiques du 28 septembre 2009 en Guinée a repris ce 18 mars 2024, marqué par un débat houleux sur la requalification des faits. Après la présentation des preuves audio et vidéo, il y a deux semaines, le ministère public a requis une requalification des charges contre les accusés, une demande qui a uni les avocats de la défense dans leur opposition ce lundi. Accusés pour vol, meurtre, assassinats, pillages, viol, etc, le Capitaine Moussa Dadis Camara et ses co-accusés doivent être poursuivis pour des crimes contre l’humanité, si le tribunal accède à la demande du parquet.
La controverse juridique réside dans le fait que les infractions de “crimes contre l’humanité” n’ont été intégrées dans le Code pénal guinéen qu’en 2016, sept ans après les faits reprochés. Les avocats de la défense soulignent l’impossibilité de juger les accusés sous cette loi en raison de la non-rétroactivité des lois pénales, et insistent sur le rejet de la demande du ministère public, arguant que le tribunal ne peut se baser sur les textes de la Cour pénale internationale (CPI) pour cette affaire.
Me Paul Yomba Kourouma, avocat de la défense, exprime sa déception face à la proposition de requalification, la considérant comme un retour à la case départ malgré les investissements et efforts déjà consentis : « On vient nous dire de requalifier les faits. C’est à dire d’abord que c’est un crime économique qui est en train d’être commis. Avec tout ce qui a été fait ici, tous les investissements, toutes les forces d’ordre et de sécurité qui sont, et tous les magistrats qui sont logés. On nous dit de revenir à la case départ. C’est une déception ».
Il met en avant l’intelligence collective du tribunal et sa capacité à s’appuyer sur la loi pour juger cette affaire qui a capté l’attention bien au-delà des frontières africaines : « Le tribunal est constitué d’une grande densité, d’un grand potentiel intellectuel. Ils vont s’abreuver sur ce que nous avons dit. Et seule la loi sera appliquée, or nous sommes dans un procès à connotation nationale et, internationale, qui a dépassé les limites de l’Afrique. Le monde entier s’est déjà fait une intelligence de cette affaire. C’est le tribunal à la barre. »
D’autre part, Me Alpha Amadou DS Bah, représentant des parties civiles, réfute les arguments de la défense, clarifiant la distinction entre la phase d’information et la phase de jugement. Il soutient que l’ordonnance de renvoi n’est qu’indicative et que le tribunal doit œuvrer pour la manifestation de la vérité. Il affirme que le ministère public et les parties civiles ont le droit de demander une requalification tant que les débats ne sont pas clos, et exprime sa confiance en la capacité du tribunal à accueillir favorablement cette demande pour poursuivre les débats et lutter contre l’impunité : « Nous espérons que cette demande va être accueillie favorablement par le tribunal afin que ceux qui doutaient un peu ou qui avait une petite porte de sortie dans cette affaire, puissent condamner parce que, l’objectif, c’est de mettre fin à l’impunité et surtout ratisser large parce que, depuis le début de cette affaire, vous avez constaté la mauvaise foi des accusés qui ont indiqué n’avoir pas été au stade, mais nous savons tous que les bérets rouges qui ont quitté le camp Alpha Yaya, et qui se sont dirigés pour cette expédition punitive, étaient sur les ordres du Capitaine Moussa Dadis Camara. Donc nous, nous n’avons aucune crainte. Nous répondons à tout ce qui a été distillé ici par la défense et nous savons que nous convaincrons le tribunal pour que cette requalification soit obtenue afin que les débats continuent. »