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Quid du test d’aptitude médicale pour le pèlerinage à la Mecque? Les éclaircissements d’un guide et médecin de pèlerins (Entretien)

« Je souhaite vivement que tous ceux qui sont désignés aptes pour le pèlerinage le soient réellement car, en réalité, seul Dieu (SWT) sait qui est apte. Un pèlerin peut être bien portant au départ de son pays et tomber gravement malade, voire même, mourir à la Mecque, tout comme un autre peut quitter ici malade et aller recouvrer sa santé, accomplir correctement son pèlerinage et revenir en forme. »

L’aptitude est l’une des cinq conditions majeures dont la satisfaction est impérativement requise pour tout candidat au pèlerinage à la Mecque. Pour ainsi être certifié apte à faire le hajj, chaque candidat doit passer des tests dans des structures sanitaires agréées à cet effet par les autorités religieuses en charge de l’organisation du pèlerinage en Guinée.

Alors qu’on est en plein dans les préparatifs de ce  »voyage sacré » aux lieux saints de la Mecque, les futurs pèlerins guinéens se bousculent au portillon desdits services dédiés… Pour donc mieux appréhender cette étape clé qui établit l’aptitude physique de chacun des candidats, votre quotidien électronique, guineenews.com est allé à la rencontre d’une personne ressource, Dr  Ibrahima Wann. En dépit de son agenda hyper chargé pendant ces temps qui courent, ce guide et médecin de pèlerins s’évertue, dans cet entretien qui suit, à expliquer la relativité du concept  »état de santé » d’un être humain, l’historique de l’institution du test d’aptitude au pèlerinage en Guinée, son apport ou contribution à l’amélioration et au renforcement de la qualité de la sécurité du pèlerinage, la liste des maladies invalidantes, la collaboration entre son service et tous les autres impliqués sur la chaîne. Lisez plutôt !

Guineenews : Bonjour Dr. Merci de nous accorder cet entretien, sans doute le premier du genre, dans ce domaine. La citation qu’on vient de lire, ci-avant, en dit long sur la relativité de l’état de santé chez un être humain. Mais aussi, elle explique pourquoi vos services, en synergie avec les affaires religieuses, s’impliquent autant, dans le volet santé, inclus dans les préparatifs du pèlerinage.

Dr Ibrahima Wann : oui, vous avez raison. Le sens à donner à cette réflexion est assez profond. Il en va ainsi de toutes les choses qui touchent à la religion. Il y a plus que de la philosophie à en tirer. Je suis rassuré qu’au fil de notre entretien, nous aurons beaucoup plus d’éclairage, pour être parfaitement compris.  Tout d’abord, permettez-moi de vous remercier très sincèrement, pour l’occasion solennelle que vous m’offrez de parler d’un sujet aussi important, à savoir la prise en charge médicale des pèlerins guinéens, avant, pendant et après le pèlerinage.

Dans l’organisation de cet important événement, les services de santé ont un rôle essentiel à jouer. Celui de tester l’aptitude médicale de chaque candidat pèlerin. C’est la première formalité à remplir. Elle précède et conditionne tout le processus qui suit. Ne pas y souscrire ou être reconnu inapte, signifie la fin des démarches, pour tout postulant au pèlerinage. Ce test est obligatoire pour tout le monde. Il permet de déceler, dès le départ, les maladies qui empêchent que le candidat concerné effectue le pèlerinage. Pour les risques qu’elles font courir, à lui-même, mais aussi, aux autres pèlerins.

Guineenews : revenons en arrière, si vous le permettez, pour faire un peu d’histoire. A quand remonte l’institution de ce test d’aptitude au pèlerinage ?

Dr Ibrahima Wann : l’institution de ce test d’aptitude, date de l’année 2003, au moment où feu, le Professeur Mamadou Saliou Diallo, (Paix à son âme !) était Ministre de la santé et maire de Ratoma et feu Elhadj Ibrahima Fadiga, Secrétaire d’Etat aux Affaires Religieuses.

Guineenews : parlez-nous de l’évolution de cette disposition qui a pleinement contribué à améliorer et à renforcer la qualité et la sécurité du pèlerinage, au départ de la Guinée ?

Dr Ibrahima Wann :  je commencerais par dire que feu Dr Thierno Moussa, chirurgien à Ignace Deen, a été le premier chef de la Mission Médicale du Pèlerinage.

C’est lui qui a eu la bonne initiative d’organiser des consultations systématiques de tous les pèlerins, avant leur voyage aux Lieux saints. Ce qui nous a permis d’éviter bien de situations malheureuses dont nos pèlerins étaient régulièrement victimes, avant, pendant et après le pèlerinage.

Le Ministère de la santé, en accord avec les Affaires religieuses, ont approuvé l’initiative et les hôpitaux nationaux de Donka et Ignace Deen ont été retenus, pour les consultations.

Au fil des ans, la même disposition a été progressivement décentralisée. A ce jour, elle couvre entièrement le pays. Un net avantage pour les candidats pèlerins de l’intérieur qui n’ont plus qu’à venir prendre leur vol à Conakry.

C’est feu Dr Thierno Moussa qui travaillait avec moi dans le même   bureau, qui m’a intégré dans le processus.

Nous avons travaillé ensemble à déterminer les critères d’aptitude médicale au pèlerinage, qui sont encore en vigueur aujourd’hui.

En 2004, feu Dr Thierno Moussa a été nommé Directeur du CMC (Centre Médical Communal) de Ratoma. J’ai donc continué les consultations à Ignace Deen, avec une équipe de professionnels compétents et déterminés.

Guineenews : vous venez d’évoquer l’établissement des critères   d’aptitude médicale au pèlerinage, que vous nous dites, avoir dressé avec feu Dr Thierno Moussa, chef de la mission médicale du pèlerinage à l’époque. Quelles sont les maladies incapacitantes à l’accomplissement du pèlerinage que vous avez retenues ?

Dr Ibrahima Wann : pour être plus précis, après notre travail préliminaire qui a été soumis comme projet, une commission s’est réunie, sous l’égide du Ministère de la santé pour rédiger un protocole, établissant les critères d’inaptitude et la nature des examens à réaliser. Ce travail a permis de retenir les maladies incapacitantes ci-après :

Les maladies cardiovasculaires décompensées ; le diabète grave non équilibré ; le Sida ; la tuberculose ; l’insuffisance rénale ; le cancer ; la cirrhose ; les maladies à potentiel épidémique : choléra, Ebola, Covid ; l’incontinence urinaire ; les troubles mentaux ; les grossesses avancées ; les séquelles graves d’accidents vasculaires cérébraux, avec parésie des membres.

 Guineenews : en cette période de préparatifs du prochain Hadj, on s’attend à ce que votre journée de travail à la consultation des candidats pèlerins, soit des plus intenses. Voulez-vous, ne serait-ce que de façon sommaire, nous décrire l’atmosphère qui prévaut chaque matin ?

Dr Ibrahima Wann : comme vous le dites si bien, pendant cette période qui précède le pèlerinage, le travail est assez intense, mais motivant aussi. Les consultations débutent tous les jours, à 8h et s’achèvent à 18h.

Pour une meilleure organisation du travail, nous avons institué une règle stricte dont la chronologie est la suivante : le candidat qui arrive, s’inscrit d’abord sur une liste, par ordre d’arrivée.

Il se présente, muni d’un document d’identification et d’une photo.  L’équipe qui m’assiste est constituée de 3 Médecins, un laborantin et 4 infirmières.

Nous commençons la consultation par l’appel que je fais, moi-même, à la porte. Cela me permet d’observer la démarche du candidat et déceler déjà, d’éventuels troubles de la marche ou autre handicap.

Dans le bureau, je commence par une séance de sensibilisation d’environ 10mn, pour faire un rappel sur le pèlerinage, ses avantages et ses exigences. C’est ensuite qu’on aborde la question de la santé et des conditions d’aptitude qui sont fixées pour le pèlerinage. Elles se résument en deux volets qui sont :

Le volet physique, c’est-à-dire l’aptitude à la marche sur une longue distance sans se reposer, car le jour de l’arrivée à la Mecque, deux grandes épreuves attendent les pèlerins, à savoir, les 7 tours de la Kaaba sans se reposer, car celui qui fait moins de 7 tours, à cause de la fatigue, doit reprendre à zéro.

Dès après les 7 Tawafs, il faut entamer immédiatement la marche entre Saffa et Marwa, 7 tours sans repos.

Le second volet, c’est l’examen médical concernant les plaintes des candidats et l’examen physique proprement dit, pour surtout dépister les hypertendus, les cardiaques et les diabétiques, afin de les référer, au besoin, dans les services spécialisés. Nous contrôlons systématiquement la tension artérielle et la glycémie à jeun ou postprandiale, c’est-à dire après repas.

À l’issue de l’examen, en fonction du cas, nous pouvons demander, soit une radio ou une échographie ou un autre bilan spécifique, complémentaire.

Nous prescrivons quelques molécules pour la prise en charge de quelques pathologies, ici ou à la Mecque, notamment, les antipaludéens, les antalgiques, les anti grippaux, les déparasitants et les antiasthéniques (contre la fatigue).

Nous recommandons aux femmes en âge de procréation, de ne pas prendre de médicaments pour bloquer les règles, car ils peuvent entraîner parfois, des complications fâcheuses, comme des saignements abondants

Les règles n’empêchent pas le pèlerinage.  Elles peuvent tout faire, sauf la prière.

Elles peuvent aller partout, à Arafat, Mina et Mouzdalifa.

Les hadiths nous enseignent que même Aïcha, l’épouse du Prophète (PSL), avait vu ses règles pendant le pèlerinage.

Guineenews : dans ce large processus qui englobe l’évaluation et la préservation de la santé des candidats, vous travaillez en étroite symbiose, avec le service chargé de la vaccination de votre ministère (celui de la santé). Comment fonctionne ce tandem ?

Dr Ibrahima Wann : il y a effectivement une étroite collaboration entre les services de consultation et de vaccination. A titre d’exemple, aucun candidat ne peut être vacciné, s’il n’est pas muni de son certificat d’aptitude et de sa fiche d’examen.

Les vaccins retenus sont ceux contre le Covid, la méningite et la fièvre jaune. Il faut être systématiquement vacciné contre ces 3 affections, notamment le Covid, pour lequel, il est exigé actuellement, que la vaccination date de moins de 6 mois et soit de préférence, du type Johnson Johnson.

Cette année, pour la première fois, les certificats d’aptitude et de vaccination sont 2 documents obligatoires, pour l’obtention du visa.

Guineenews : Parlez-nous des consignes que vous donnez aux candidats pèlerins déclarés aptes, pour les aider à mieux préserver leur santé, pendant leur séjour aux lieux saints ?

Dr Ibrahima Wann : nous recommandons aux candidats pèlerins, d’éviter de trop s’exposer au soleil ; de voyager avec leurs médicaments, notamment les hypertendus et les diabétiques ; d’aviser l’équipe médicale, à la moindre alerte.

Guineenews : qu’est-ce qui fait que c’est vous, un spécialiste en chirurgie générale qui officiez à ce poste, au lieu d’un médecin généraliste. Serait- ce parce que vous êtes très versé en sciences islamiques, vous êtes très familier du pèlerinage et que vous parlez arabe ?

Dr Ibrahima Wann : d’abord, je commencerai par vous dire que tout chirurgien est avant tout médecin généraliste, mais tout médecin n’est pas chirurgien.

D’autre part, par la grâce de Dieu, j’ai quelques atouts qui plaident en ma faveur, car en plus d’être médecin chirurgien, je suis guide et médecin de pèlerins à la Mecque, depuis 2005.

J’ai été longtemps, chroniqueur islamique à la RTG, avec Elhadj Amadou Battouly, dans l’émission ‘’Connaissance de l’Islam’’. Je suis fondateur d’un site web taarikha islam Dr Wann Ibrahim et auteur de poèmes islamiques.

Par ailleurs, je suis membre de plusieurs associations religieuses, notamment APORI (Association pour le Prêche et l’Orientation Islamique), dont nous parlerons, une autre fois.

Ceci dit, je m’occupe non seulement de la consultation médicale, mais aussi de la sensibilisation des pèlerins. C’est peut-être, pour tout cela, qu’il y a une telle affluence à Ignace Deen.

Je reste reconnaissant au Tout Puissant Créateur, pour toutes ces charges, ces responsabilités qui me sont confiées, tous ces honneurs qui me sont rendus, toute cette confiance placée en ma modeste personne. Dans l’accomplissement d’une mission aussi noble et exaltante que celle-ci.

Je remercie également le grand érudit Elhadj Ibrahima Wann de Timbo, mon Karamoko, mon oncle et homonyme, qui m’a mis sur le bon chemin, celui de Dieu.

Guineenews : votre mot de fin

Je souhaite qu’Allah, le Tout Puissant, accorde un pèlerinage agréé, récompensé par le paradis, à tous les candidats admis au Hadj de cette année.

 Enfin, pour terminer, je vous remercie infiniment et je prie Dieu, de vous récompenser pour cette occasion qui m’est offerte, de partager ces informations, sur votre site guineenews.org.

Guineenews : merci docteur

 

Entretien réalisé par Diao Diallo pour Guinéenews

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