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Que sont-ils devenus ? La reconversion d’une ex-championne de Guinée en athlétisme…

« Mon plus beau souvenir est le jour où j’ai gagné la médaille d’or, championne de France dans une compétition nationale qui permet aux athlètes de se qualifier pour les compétitions d’élites. Pour moi c’était magnifique, puisque je venais d’accoucher à peine 1 an de mon premier garçon. »

Kensa Sylla est née en 1978 à Bamako. Elle est la fille de feu Moussa et de Sokhona Sidibé. Mariée, elle est mère de 3 enfants.

Kensa Sylla commence ses études primaires à Madina Koura dans la préfecture de Kankan.  Très tôt versée dans la pratique du sport, polyvalente à bas âge, elle va opter tout au début pour le basket-ball. Au constat de sa rapidité dans la pratique du basket Ball, son entraîneur de l’époque du nom de Monsieur Doukouré, va l’orienter vers l’athlétisme qui deviendra son sport favori.

Victime d’assez de restrictions en famille pour la pratique du sport, championne lors d’une compétition interscolaire d’athlétisme, elle a été admiré par feu Hadja Koumba Diakité, Ministre des sports d’alors.

Feu Hadja Koumba Diakité à travers les doléances posées auprès de la famille, sera par la suite, la complice de Kensa Sylla pour rejoindre la capitale Conakry, afin de continuer les études et pratiquer le sport sans aucune pression.

Elle poursuit ses études secondaires et le lycée au 2 août de Donka où, au niveau du bac, le destin va l’éloigner des études pour une autre aventure.

Membre de la sélection nationale d’athlétisme, Kensa Sylla est sélectionné à cet effet pour participer au championnat du monde espoir à Budapest.

C’est au retour de ce tournoi, pour une escale prévue à Paris, Kensa Sylla ne retournera pas à Conakry et débarque définitivement dans la capitale française pour y élire désormais domicile.

A rappeler, que Kensa Sylla au jeune âge, était déjà détentrice de plusieurs trophées et médailles obtenus à Kankan et à Conakry, lors des tournois interscolaires. Elle s’adjuge les meilleures places dans les catégories de 4km en cross court, 1500m, 800m, 4X400m relais et 3000m.

L’athlète Kensa Sylla, rencontré au quartier Gbessia Cité, a accordé une interview à votre quotidien électronique Guineenews©.

De sa venue au sport, ses différents exploits dans le parcours, Kensa Sylla parle de ses visions pour l’athlétisme guinéen,par le concours de l’association des anciens athlètes guinéens basés en France.

Pour parler de son plus beau souvenir, la médaille d’or obtenue en France reste le meilleur repère.

Avec peine dans cette interview, Kensa Sylla dévoile son plus mauvais souvenir, qui fut au carrefour de la fin de sa carrière et qui la propulsa après des ennuis de santé, vers la photographie.

Bien que loin du pays, Kensa Sylla livre ici son point de vue sur l’athlétisme guinéen. Son seul cri de cœur s’articule d’après elle, sur la mauvaise gestion des biens, des ressources humaines au sein de la plupart des fédérations sportives. Lisez !

Guineenews© : Sportive, athlète, pouvez-vous nous raconter comment vous êtes venue dans ce sport et quel est votre parcours ?

Kensa Sylla : C’est bien à cause de mon parcours sportif que j’accepte aujourd’hui cette interview.C’est lors des jeux Olympiques d’Atlanta que j’ai été séduite par les prestations et la victoire de Marie José Perec. Je suivais la télé ce jour en compagnie de mon père et je n’ai pas hésité à lui signifier mon envie de pratiquer ce sport. Par la suite, à bas âge, j’ai commencé à jouer d’abord au Basket Ball. Ensuite sur le terrain mon entraîneur Monsieur Doukouré a observé ma rapidité, ma vitesse de retour pour défendre. Il m’a proposé d’aller vers l’athlétisme. J’ai obéi et après quelques temps, en compétition, j’ai gagné les 4000 Km en cross court. J’ai participé aussi aux touts premiers tournois scolaires organisés à Kankan et à Conakry, tournois pendant lesquels, j’ai remporté 4 médailles dans les catégories 1500m, 800m, 4X400m relais et 3000m. D’ascension en ascension, je me suis accroché à l’athlétisme, aux entraînements, ce qui irritait ma famille en m’interdisant de sortir de la maison. J’ai profité de la présence de Feu Hadja Koumba Diakité pour plaider mon sort car, elle avait du plaisir à me voir courir. C’est ainsi que j’ai sollicité son aide en qualité de Ministre des sports de l’époque. La pression était très forte sur moi pour la pratique du sport. Quand Hadja fut reçue à domicile, elle a pu convaincre la famille et c’est ainsi que je me suis retrouvée à Conakry et directement recrutée dans la sélection nationale junior.

Toujours dans le parcours, à mon arrivée à Conakry, j’ai dominé la championne en titre du moment dans la catégorie demi-fond, du nom de Fanta Sylla. Une athlète de taille et là il faut le reconnaître car, elle avait d’énormes qualités dans la course.

Guineenews© : Membre de la sélection nationale d’athlétisme, peut-on connaître quelques-uns de vos exploits réalisés à l’époque ?

Kensa Sylla : J’ai été longtemps championne de Guinée des épreuves de 1500m, 800m, 4X400m relais et 3000m.J’ai été une fois championne de l’Afrique de l’Ouest en Gambie dans la course des 800m. Après, j’ai commencé à faire des voyages universitaires où je représentais la Guinée dans les compétitions entre universités en Afrique et un peu partout dans le monde.

Par ailleurs, j’ai participé au championnat du monde d’athlétisme en 1997 en Italie, et à celui de 1999 en Espagne. Malheureusement aucune médaille n’avait pu être obtenue  dans ces différentes compétitions.

Guineenews© : Ex-championne de Guinée dans plusieurs épreuves, avez-vous des perspectives qui concourent au développement de l’athlétisme en Guinée ?

Kensa Sylla : A vrai dire, nous essayons d’avoir des perspectives pour le développement de ce sport en Guinée. En 2007, j’ai créé une association qui avait pour objectif d’intégrer les enfants dans les milieux sportifs, les encourager à pratiquer le sport. Cela n’a pas été facile puisqu’il y a eu des complications au niveau de la gestion et à celui de l’organisation. J’ai abandonné cette association au profit d’une autre. C’est ainsi que nous, anciens athlètes vivant en France, nous nous sommes réunis pour créer cette autre nouvelle association.

Guineenews© : Quels sont les objectifs de cette nouvelle association ?

Kensa Sylla : Le but de la création de cette association est de promouvoir l’athlétisme guinéen. Aider les athlètes qui sont sur place au niveau des entraînements, des équipements et même de la formation à l’extérieur. On essaie donc de les motiver, puisque l’athlétisme guinéen est presque mort.

Guineenews© : Depuis la création de votre association, quels sont les actes posés qui soient à votre actif ?

Kensa Sylla : C’est une nouvelle association qui n’est pas encore en pleine activité. Nous avions déjà élaboré les statuts, les règlements intérieurs et le bureau exécutif est mis en place. Ce qu’il faut retenir, les actes seront posés ultérieurement. Pour l’instant, nous avions cotisé un moment pour venir au secours de la famille d’un entraîneur d’athlétisme décédé à Conakry.

Le premier acte que j’avais posé en tant que Présidente de mon association, c’était au niveau du Basket Ball. J’avais recruté un jeune guinéen qui avait vraiment du talent. J’ai essayé de lui trouver un club à Marseille là où je vis. Marseille regorge de grands clubs de Basket qui ont fourni pas mal de joueurs au sein de la NBA. Je l’avais déjà inscrit afin qu’il aille découvrir un camp d’été et s’il se confirme, on allait le garder. J’ai fait toutes les démarches et il fallait que la Fédération Guinéenne de Basket Ball s’implique pour libérer le jeune. Chose qui n’a pas été faite et je ne sais pas pourquoi, pendant que j’avais payé le billet d’avion et tout ce qu’il fallait régulariser. C’est cet aspect du problème de collaboration qui décourage le plus souvent.

Guineenews© : Vous avez un parcours non moins important dans l’athlétisme. Avez-vous un bon ou un mauvais souvenir dont vous retenez jusqu’ici ?

Kensa Sylla : Mon plus beau souvenir est le jour où j’ai gagné la médaille d’or, championne de France dans une compétition nationale qui permet aux athlètes de se qualifier pour les compétitions d’élites. Pour moi c’était magnifique, puisque je venais d’accoucher à peine 1 an de mon premier garçon.

Le plus mauvais souvenir c’était en 2008, quand je devais participer aux Jeux Olympiques au compte de mon pays et c’est cette année-là, que ma carrière s’est brisée. Nous étions deux qualifiées venant de l’extérieur. Il y avait Fatoumata Fofana, en provenance des Etats-Unis qui devait courir les 100m relais et moi-même les 200m, puisque c’est dans cette épreuve que je m’étais qualifiée au championnat d’Afrique en Ethiopie.

Finalement, je ne sais pas ce qui s’était passé au niveau de la Fédération, et ils ont décidé de m’écarter complètement de la compétition. Ce moment fut très douloureux pour moi. Imaginez que j’avais des enfants dont j’assurai la formation en France, et qui n’ont pas dormi vu le décalage horaire, pour suivre ma course qui n’a pas eu lieu. Ils vont me considérer comme une menteuse. C’est suite à ce douloureux événement et subitement j’ai eu la démence et ma carrière s’est arrêtée là.

C’est quelques années après,  que j’ai su la raison de ma non-participation à cette compétition. Les responsables chargés de ce sport ont toujours eu l’habitude pendant nos voyages, de dérober de l’argent sur nos primes. C’était une pratique habituelle. Pour ce voyage, j’avais élevé le ton pour réclamer à juste titre mon droit. Dans les couloirs, j’avais déjà eu vent de la couleur de ce que le gouvernement avait déboursé pour tous les athlètes devant participer à la compétition. Plus qu’un mauvais souvenir, je maudis ce jour.

Guineenews© : Aujourd’hui vous êtes photographe. De l’athlétisme à la photographie vous avez effectué un véritable saut. Comment êtes-vous arrivés là ?

Kensa Sylla : Comme je voulais le dire, ma non-participation à ces jeux olympiques m’avait complètement troublé et j’avais eu une dépression. Ça se dit le plus souvent, à quelque chose malheur est bon. J’ai décidé de prendre une retraite pour enfin reprendre les esprits. C’est ainsi que je suis allée voir des amis photographes au Chili (Santiago de Chili). C’est là où j’ai découvert la photographie et la passion a démarré.

Guineenews© : La photographie n’a jamais été une passion auparavant. Avez-vous fait des études à propos ?

Kensa Sylla : Je n’ai jamais rêvé un jour être photographe. Tout au début, je fus autodidacte et je suis une personne qui apprend rapidement et je suis très visuelle et très imaginative.

Guineenews© : Progressivement vous avez opté pour cette nouvelle passion et à quel niveau êtes-vous actuellement dans la pratique de la photographie ?

Kensa Sylla : Aujourd’hui, je suis photographe professionnelle. J’ai créé mon entreprise en 2018 en photographie évènementielle. Je fais spécialement les mariages, les portraits de famille, les grossesses, les photos de naissances et autres.

Guineenews© : Revenons à votre état de santé. Peut-on connaître le contenu actuel de votre carnet de santé ?

Kensa Sylla : Quand j’ai arrêté les compétitions en 2008, j’ai eu quelques troubles au niveau du cœur lors d’une séance de footing en 2014. Heureusement, ce problème est résolu et on m’a déconseillé de ne plus faire l’athlétisme. J’ai appris à connaître mon corps et à connaître mes limites. Pour un sportif, il est difficile de ne plus jamais faire de sport et ce n’est pas possible.

Pour mon état de santé et si vous voulez faire allusion à ma folie (rire), je n’ai aucune séquelle et je vis en parfaite harmonie avec ma famille et avec tout ce monde qui m’entoure.

Guineenews© : Bien que la photographie est présentement l’activité principale, en visite à Conakry, avez-vous eu des contacts avec la Fédération Guinéenne d’Athlétisme ?

Kensa Sylla : Non ! Nous envisageons de le faire de façon officielle. Pour cette fois-ci, c’est une visite de courtoisie pour rencontrer la famille. Dans tous les cas, notre association ne pourrait rien faire sans l’appui de cette Fédération. Nous avons tous intérêt de solidifier nos relations dans une totale franchise.

Guineenews© : Parlant de l’athlétisme, de loin avez-vous un regard sur l’athlétisme guinéen ?

Kensa Sylla : oui, de loin je suis l’athlétisme en général et pourquoi pas celui de la Guinée. Dans tous les cas, la Guinée n’est plus visible dans les compétitions internationales. Il faut redémarrer ce sport et c’est le but de notre association composée d’anciens athlètes du pays.

Guineenews© : Vous vivez en France et vous êtes très soudée au sport guinéen en général et à l’athlétisme en particulier. Avez-vous un cri de cœur ?

Kensa Sylla : Oui mon cri de cœur va à l’endroit des fédérations sportives, le Département tout simplement, au niveau de la gestion des biens et des ressources humaines. Excepté quelques fédérations, le sport guinéen est en régression et l’on ne devait pas être là où nous sommes aujourd’hui. Il faut apporter du sérieux dans la gestion, l’organisation et dans le travail.

Guineenews© : Quelles sont vos perspectives pour l’avenir ?

Kensa Sylla : Dans le domaine de l’athlétisme, nous comptons apporter notre contribution au développement de ce sport à travers notre association.

En matière de photographie, j’ai ce projet de répertorier en images tous les sportifs qui ont défendu le drapeau guinéen, dans tous les sports confondus. Cette jeunesse doit avoir des repères sur lesquels ils pourront se mirer et en faire des idoles. Je trouve ça formidable de retrouver tout ce beau monde dans un livre et ce sera une œuvre universelle. C’est dommage d’oublier ces personnes qui ont défendu le drapeau guinéen. On doit valoriser notre culture, valoriser le sport et valoriser en un mot le guinéen.

Entretien réalisé par Abdoul Ly pour Guineenews©.

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