Pita n’est sans doute pas un centre des arts mais elle est une préfecture où plusieurs activités artisanales se pratiquent. Après notre immersion chez les tisserands et chez les apiculteurs, nous faisons cette fois une plongée dans les activités des braves femmes teinturières de Pita.
La teinture est une activité permettant de changer l’état de couleur d’une matière donnée à une autre couleur, par le billet d’un ensemble de substances colorées. Vue l’importance de cette pratique dans la vie économique et sociale de notre société, nous avons fait immersion chez les femmes teinturière de ladite localité. Lesquelles font de cette activité une activité génératrice de revenus. À Pita, nombreuses sont des femmes qui évoluent dans cet autre secteur artisanal de valeur.
Dans le souci de mettre à la disposition du public en général et de nos lecteurs en particulier les valeurs et les manières de cette pratique nous avons jugé nécessaire de nous rendre chez deux dames qui sont au cœur de cette pratique.
L’une d’elle nous fait le point sur la pratique de la façon purement traditionnelle et l’autre évoque la pratique de la teinture de manière plus ou moins améliorée.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous avons pris le temps d’écouter Hadja Aminata Fofana, doyenne des femmes teinturières de Pita. Âgée d’une soixantaine d’années, elle se rappelle encore de ce métier de teinture mais de façon purement traditionnelle.
Pour son apprentissage, elle dit avoir appris ce métier de sa grand-mère. À propos elle dira: « c’est ma grand-mère qui m’a apprise ce métier de teinture. Je me rappelle qu’elle teignait des complets pour plusieurs personnes qui venaient d’un peu partout des villages environnants. Elle le faisait en guise de rendement de service car elle n’attendait rien en retour. En ce moment, celles qui s’attendaient à quelque chose en retour ne s’attendaient qu’à deux, trois, quatre ou cinq mesures soit de fonio, du riz, du maïs ou encore du mil en échange de la teinture d’un complet de » leppi » », selon elle.
Sur l’origine des complets à teindre, elle rappelle : « ce sont les tisserands qui fabriquaient des tissus de « leppi » comme ce fut toujours le cas d’ailleurs. Les gens achetaient des tissus et envoyaient chez les tailleurs lesquels accolent les tissus pour en faire des pagnes et pour éventuellement des tracés après l’application de la teinture ».
Parlant des substances utilisées, Hadja Aminata Fofana dira en ces termes: « en notre temps, on utilisait quatre substances essentielles qui sont entre autres : le « ngara » qui est une substance à base de laquelle on tire la couleur indigo, les écorces de « Wanda » qui est un arbre qu’on trouve à Dalaba, la cendre d’un arbre au goût très amère et de la paille pour une filtration. Des éléments tous originaires de la brousse », a-t-elle indiqué.
En notre temps, on prenait des boules de feuilles de « ngara » qui est une plante en forme de liane qu’on nous apportait de Timbi Madina ou de Ningelandè. Ensuite nous conservons ces boules de « ngara » pour trois jours, le temps pour le « ngara » de pourrir.
La deuxième phase porte sur le traitement des écorces de « Wanda » qui est un arbre. Un arbre qu’on trouve à ndjouria, un district de Dalaba. On fait bouillir ces écorces dans une grande marmite pour obtenir une eau colorée dans laquelle on peut apercevoir une sorte de cuivre.
Puis dans la troisième phase, il y a la préparation de la cendre de cette plante au goût très amer. Cela est issu soit d’un néré ou d’un bananier.
Nous prenons une partie des branches, plus un peu de feuilles de ladite plante ou un morceau de la tige qu’on fait brûler entièrement afin d’obtenir la cendre.
Dans la quatrième phase, il y a l’utilisation de la paille. On prenait la paille sèche qu’on étale sur un grand bol, on met la cendre sur la paille et nous procédons à une filtration à l’aide de l’eau bien-sûr. Cette eau extraite joue le rôle de la soude caustique.
La cinquième et dernière phase de préparation de cette solution consiste à mélanger les éléments obtenus au niveau de chacune des phases.
Et ensuite nous prenons les pagnes de « leppi », nous les mettons dans la solution obtenue pour 30 minutes ou plus, puis nous les retirons du récipient et les lavons à la rivière. Après nous les séchons. Nous reprenons l’action à trois reprises.
Pour finir à l’aide d’un gros morceau de bois propre et lisse, et avec deux morceaux de bois en forme de pilons à l’une des extrémités, nous tapons le complet afin de le faire briller », a-t-elle rappelé.
Après avoir écouté Hadja Aminata fofana, nous nous sommes rendus chez Hadja Aminata Bah qui est la présidente de l’association des femmes teinturières de Pita.
Cette dernière nous a élucidés sur cette pratique de teinture mais de façon plus ou moins améliorée. Selon elle, l’objectif est le même mais les substances utilisées sont un peu différentes. À l’en croire si dans la pratique traditionnelle de la teinture, ce sont des substances à base de plantes qu’on utilise, pour la façon améliorée, c’est le contraire. Néanmoins les deux façons ont des points communs.
Elle expliqua en ces termes: « pour faire la teinture, il faut préparer une solution dans laquelle on a le mélange des substances suivantes: la soude caustique, l’incre que nous on appelle « powder » qui signifie poudre en anglais, l’eau tirée des écorces de « Wanda » après cuisson ainsi que l’indigo que nous appelons « ngara » dans la langue du terroir. Pour cet indigo nous employons: et la substance traditionnelle, et la substance fabriquée par les blancs ».
Sur l’endroit où on peut avoir ces substances citées Hadja Aminata Bah dira: le « ngara » on l’achète parfois au marché de Timbi Madina ou Ningelandé, toutes deux des sous-préfectures de Pita.
L’incre, la soude caustique qui sont des produits chimiques on peut en avoir au niveau de certaines boutiques.
Les écorces de « Wanda » qui est un arbre qu’on trouve à Ndjouria dans Dalaba, on peut avoir par commande ou au marché de Ndjouria », a-t-elle énuméré.
Sur la préparation proprement-dite elle explique: « nous prenons un sac de sel vide, nous mettons les boules de « ngara » jusqu’au milieu du sac que nous pilons et mélangeons avec le « ngara » que les blancs ont fabriqué et ont mis dans des pots. Pendant ce temps, à côté nous faisons bouillir un demi-sac d’écorces de « Wanda » jusqu’à l’apparition d’une sorte de cuivre. Ensuite nous mettons le tout dans un demi fi d’eau dans laquelle nous mettons le mélange des deux types de « ngara » ou indigo.
Puis nous y mettons un demi-kilo de soude et 3 sachets d’incre que nous appelons (powder). Nous mesurons les substances en fonction de la grandeur du fi. La durée de préparation est de trois jours minimums.
Enfin nous obtenons la solution dans laquelle on trempe les complets de « leppi » pour une demi-journée. Ensuite on les soutire de l’eau, les lavons, les sèchons au soleil. Après on les tape pour les faire briller et pour une apparition plus clair de l’indigo. C’est ainsi que nous procédons », enseigne notre interlocutrice.
Parlant des types de complets à teindre elle cite: « les « leppis » voire certaines tenues de militaires ».
Pour les complets que nous revendons, on teint le complet et l’envoyons au marché. Nous revendons le complet à 165000fg qui varie selon les périodes. À l’approche des fêtes par exemple le prix monte. Et après ça descend.
Par rapport à l’écoulement de leurs produits, Hadja Aminata Bah dira: « ça dépend. Il y a des acheteurs qui viennent acheter nos produits au marché central ici. Et il y a d’autres qui nous en commandent à partir d’autres préfectures voire à Conakry, jusqu’à l’extérieur. Comme nos ressortissants qui sont en France, en Belgique, en Allemagne, ou dans certains pays limitrophes ».
Sur l’intérêt qu’elle a particulièrement eu dans ce métier, elle loue le bon Dieu: « l’intérêt est incalculable à ma connaissance car il faut être reconnaissante envers Dieu et envers ma grand-mère qui m’a légué son savoir-faire. Aujourd’hui je fais passer toutes mes affaires avec ce métier de teinture et je fais vivre ma famille à travers ça. Et moi aussi je transmets mon savoir à d’autres personnes », se réjouit-elle.
À travers cette activité de teinture à Pita, plusieurs familles parviennent à subvenir à leurs besoins. Car plusieurs femmes se servent de cette activité pour faire face à certaines difficultés familiales. En se basant sur les explications de Hadja Aminata Fofana la doyenne, c’est une pratique qui ne date pas d’aujourd’hui. Même si les choses ont changé avec l’utilisation de produits chimiques que nous avons compris à travers les explications de Hadja Aminata Bah la présidente de l’association des teinturières de Pita. Retenons surtout que cette activité reste très convoitée à Pita.