Site icon Guinéenews©

Pisciculture/Labé : immersion sur le site de Kalédou dans la commune rurale de Popodara

Située à environ 20 kilomètres de la préfecture de Labé, la commune de Popodara est l’une des rares localités du Foutah Djallon qui abrite de nos jours un tel site piscicole. Composé de six (6) étangs, le site piscicole de Kalédou aurait été réalisé en 1958 par l’administration coloniale.

Depuis, ce site était à l’abandon avant que la jeunesse et les élus locaux de Popodara ne se donnent les mains pour tenter de relancer les activités. A la suite de plusieurs tentatives, cette fois-ci, semble être la bonne avec la réhabilitation d’un étang qui de nos jours abrite des milliers de poissons, a appris Guinéenews.

Informée de l’évolution progressive de la pisciculture au Foutah Djallon, la rédaction régionale de Guinéenews basée à Labé a pris l’initiative de se rendre sur le site le week-end dernier. De l’historique à l’actualité en passant par les problèmes, les difficultés et perspectives envisagées et par la jeunesse et par la collectivité rurale; le tout a été campé et décrypté ici par les reporters de votre quotidien d’information.

Historique !

 « C’est un site colonial puisque la cité Kalédou a été créée depuis l’époque coloniale. J’ai lu dans le roman de Camara Laye, ‘’l’enfant noir’’ ; dans le roman, après son examen de passage lui et son ami ont été séparés parce qu’ils ont été orientés vers des écoles de métiers. Lui Camara Laye a été orienté au niveau de l’ENAM de Conakry, ça s’appelait à l’époque le lycée technique comme il l’indique dans le roman. Et le second a été orienté au niveau de la cité de Kalédou ici à Popodara. Donc, nous avons hérité de cela, mais c’est un site qui a été à l’abandon. Pratiquement morcelé », rappelle Abdoulaye Diallo, le maire de la commune rurale de Popodara.

Réhabilitation !

C’est ainsi, que la jeunesse de Popodara a voulu prendre le taureau par les cornes selon El hadj Mamadou Saliou Diallo, le gestionnaire du site. « C’est en 2012 qu’on a commencé à s’intéresser aux étangs alors qu’ils sont là depuis 1958 selon nos parents. Donc, on a compris que ces étangs sont une source d’emploi pour les jeunes et une source pouvant alimenter la localité en poisson. Donc, voilà ce qui nous a motivés. La première activité qu’on a faite en 2012 c’est le nettoyage des lieux alors qu’on était que 16 personnes de l’association qui avait cette même vision. En ce moment, j’étais le DSPJ (directeur sous-préfectoral de la jeunesse) et donc, on a orienté l’ensemble de nos activités de ce côté. Après le nettoyage, on s’est dit de chercher des bailleurs pour remettre les étangs en état », précise-t-il.

Étendue et défis!

Le site en question peut développer à la fois 4 activités paysannes comme l’explique ici le maire de Popodara. « Nous avons vu que l’idée principale était salvatrice. Donc, c’est pourquoi nous nous sommes dit de nous battre pour voir comment nous pouvons viabiliser ce site puisqu’à lui seul il peut cumuler et l’élevage, l’agriculture, la pisciculture et la sylviculture. Donc, c’est quatre secteurs, s’ils sont réunis au niveau du site ; avec l’accompagnement des femmes et des enfants nous avons pensé que cela pouvait créer une forme d’emploi pour ces personnes là », déclare-t-il.

Une information confirmée par l’actuel gestionnaire des étangs. « C’est en tout six étangs qui sont sur le site mais c’est un seul qu’on a pu réhabiliter pour l’instant. Les autres sont en cours. Et pour ce qui est de celui qu’on a réhabilité, il a fallu que la commune rurale de Popodara oriente l’une de ces activités là-bas. Donc, la commune a réhabilité un étang avec un financement de 450 millions GNF. Après cette première phase, il fallait maintenant engager la seconde c’est-à-dire comment avoir la semence. Donc, l’association à travers les ressortissants est entrée en contact avec l’agence nationale des pisciculteurs de Guinée qui nous ont aidés à avoir la semence. Donc, on a semé au mois de mars dernier ; ça fait à peu près un an maintenant, pour la première vague parce que c’est en tout deux semences qu’on a effectué. La première au mois de mars et la seconde au mois de novembre dernier ».

Difficultés !

‘’La pisciculture est une activité très compliquée et on manquait d’expériences au début’’, reconnaît Mamdou Saliou. « La plus grande difficulté, c’était le manque d’eau car il arrive à des moments ou il n’y a pas d’eau dans les parages. Ça nous a beaucoup fatigués. Mais la pisciculture est une activité très intéressante, le poisson est intéressant car un seul poisson peut produire jusqu’à 3 300 œufs en l’espace de trois mois. Il n’y a pas mieux pour faire des bénéfices. Donc, on s’est dit que si cela s’enracine ici au Foutah pas seulement à Popodara ça va non seulement donner du travail à la jeunesse mais ça va aussi développer la localité avec une alimentation saine » ajoute El hadj Mamadou Saliou Diallo.

Sauf que la gestion d’un tel site n’est visiblement pas aisée. « On a assez de difficultés puisqu’avec la sécheresse actuelle et la pollution du climat, la source qui alimente les étangs à des difficultés de pouvoir continuer à s’écouler en période d’étiage. Donc, nous avons avec le projet de l’ANAFIC, pensé à réhabiliter d’abord un étang et une retenue. Mais puisque c’était une première expérience et on ne cernait pas tous les paramètres. Donc, au fur et à mesure que nous avons des difficultés, nous essayons de nous adapter. Donc, on s’est dit qu’en cette période d’étiage d’accompagner le système par un dispositif solaire d’un forage que nous avons pu réaliser cette année-là. Mais nous avons des difficultés à finaliser le projet puisque les comptes des communes sont gelés avec l’avènement du CNRD alors que c’est 30% du montant qui entre dans la réalisation du forage qui avait été versé au niveau des comptes. C’est ce montant que les entreprises avaient décaissé. Donc, le forage est fait, mais le dispositif qui devrait accompagner n’est pas encore réalisé et nous sommes inquiets », déclare Abdoulaye Diallo le maire de Popodara.

« La principale difficulté c’est le manque d’eau. Il n’y a pas d’eau et le marigot tarit d’habitude au mois de mars. On a mis en place un forage mais à lui seul il ne peut pas faire l’affaire. La commune s’est fortement impliquée pour la mise en place du forage mais ce n’est pas facile. L’unique solution c’est la réhabilitation de la tète de source. Ce sont les conséquences du bitumage de la route internationale Labé – Sénégal via Koundara qui ont impacté le marigot car beaucoup de latérites ont été déversés de ce côté », renchérit le gestionnaire du site.

Revenant à la charge, le maire exprime ses inquiétudes : « il se porte tant bien que mal, je ne vais pas voiler la face puisque vous voyez que nous avons des difficultés à donner la nourriture adéquate. Il y a des aliments spéciaux qui entrent dans l’alimentation de ces alevins, qui d’après nos enquêtes, c’est un produit qui ne pourrait s’obtenir qu’au Mali et qui coûte cher. Donc, sans un accompagnement, il serait un peu difficile de pouvoir nourrir les poissons normalement ; parce que normalement au bout de six à neuf mois, on devrait faire une récolte. Mais c’est quand ils sont nourris convenablement et conséquemment. Maintenant avec le peu que nous donnons, ça permet de les maintenir pour que nous puissions maîtriser le système »

Avantage !

Dans l’attente d’une solution adaptée, les jeunes mettent à profit des formations obtenues çà et là pour composer la nourriture des poissons. « C’est nous-mêmes qui composons actuellement la nourriture des poissons sur place. Avant on nous ravitaillait à partir de Bamako, mais avec l’actuelle situation au Mali cela est interrompu. Moi qui vous parle, j’ai été formé sur comment composer l’alimentation des poissons ; en plus, c’est à des heures bien précises qu’il faut donner le manger aux poissons. Dès que l’heure là arrive, les poissons s’apprêtent et t’attendent. Tu le verras toi-même dès que tu arriveras. Chaque jour, on les alimente deux fois » explique El hadj Mamadou Saliou Diallo.

« En séjour dans la région, l’ambassadeur du japon est venu ici nous dire que la pisciculture est la principale richesse de son pays. Il a dit qu’on ne connaît pas la valeur de ces étangs sinon on allait se concentrer davantage sur comment valoriser ce site et tout le Foutah allait s’impliquer activement. Il a dit que cela est plus que le diamant et l’or que les gens courent chercher à Kounsitel », ajoute Mamadou Saliou Diallo.

Objectifs et résultats 

« Au mois de novembre dernier, on a procédé à un essai pour voir le résultat. Parmi les 1 000 alevins qu’on avait semés, on a retrouvé un peu plus de 1 400 poissons dans l’étang. Et ça c’est en l’espace de trois mois. Donc, on a eu 400 poissons en deux mois. On a  à l’occasion trouvé un poisson de 6 kilogrammes alors qu’à son arrivée, il n’avait même pas 5 grammes. Donc, on a remis tout en place car c’était juste une vérification. C’est une zone, quand elle est viabilisée, ça peut faire la fierté de notre sous-préfecture », estime le gestionnaire des lieux.

Pour élargir la pisciculture à Popodara et aux environs, El hadj Mamadou Saliou Diallo et ses amis ont de très grandes ambitions. « Notre objectif c’est de devenir un fournisseur en semences comme ça si quelqu’un réalise un bassin ou un étang du genre, qu’il n’ait plus besoin d’aller loin pour se procurer de la semence parce que de nos jours beaucoup de personnes s’intéressent au secteur en réalisant des bassins et autres. Donc, après la prochaine saison hivernale, les poissons qui se développent là ne pourront plus se contenir même dans nos 6 étangs. Nous aimerions que tout le Foutah s’intéresse à la pisciculture et que Popodara soit à l’origine de cela », souhaite-t-il.

Une initiative que l’État et ses partenaires devraient accompagner pour un meilleur développement de la pisciculture dans notre pays.

 

Quitter la version mobile