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Oumar Diakhaby, écrivain : « La Guinée n’est pas une famille, mais… »

« L’ethnicité en Guinée-Conakry, au prisme de l’organisation sociopolitique », c’est le titre d’un ouvrage universitaire que le doctorant en Sciences politiques, Oumar Diakhaby, a présenté mardi 23 avril dans une université à Conakry. Composé de trois parties, le livre parle de l’ethnicité en Guinée, mais aussi de l’organisation sociopolitique du pays.

« La première partie est composée de la théorie de l’ethnicité, parce que c’est un ouvrage universitaire, il faut le reconnaître quand même. J’y explique ce que c’est vraiment l’ethnicité sur un plan heuristique, sur un plan scientifique. Dans la deuxième partie je traite de la question Etat-Nation. Donc comment parvenir à un Etat-Nation en Guinée. Et dans la troisième partie, c’est là où j’aborde de façon plus empirique, parce que j’ai interviewé des hommes politiques, des journalistes, des membres de la société civile autour de la thématique pour pouvoir recueillir des informations objectives. Et c’est dans cette troisième partie là que j’ai relayé ces entretiens et où je parle de l’ethnicité de l’indépendance jusqu’à nos jours. C’est-à-dire un peu avant l’indépendance, dans les années 50 jusqu’à 58. Et de 58 jusqu’aujourd’hui », a d’abord expliqué Oumar Diakhaby.

Après l’indépendance, c’est le syndicaliste Ahmed Sékou Touré qui a pris le pouvoir. L’auteur explique, dans son ouvrage, le règne de ce Malinké pendant 26 ans, puis l’arrivée au pouvoir des militaires jusqu’à celle d’Alpha Condé : « J’ai parlé du régime de Sékou Touré. Comment ça s’est vraiment passé ethniquement. Après je suis passé au régime Lansana Conté. Comment est-ce que d’un régime malinké nous sommes passés à un régime militaire soussou où les Malinkés se sont sentis discriminés et comment ce régime militaire dont tout le monde en avait marre, parce qu’il y avait la désorganisation sociale, nous sommes parvenus à l’élection d’un professeur d’université, d’un civil qui a donné espoir à tout un pays et finalement s’est avéré être, sur un plan ethnique en tout cas, une catastrophe pour la cohésion du pays, parce qu’aujourd’hui sur ce plan de la cohésion ça ne va absolument pas du tout. »

Si certains littéraires estiment que la Guinée est une famille, Oumar Diakhaby, se fondant sur l’actualité sociopolitique du pays, a une idée contraire, même s’il estime que cet idéal national pourrait arriver un jour : « La Guinée n’est pas une famille, mais elle peut le devenir. C’est parce que sur un plan systémique, on n’est tout simplement pas une famille. Lorsque dans un pays, des militaires peuvent tirer sur ses citoyens, et lorsque ces citoyens eux-mêmes peuvent tuer leurs militaires ou leurs policiers, alors là je me dis que la famille, même si elle existait, il y a déjà un divorce. On a sonné le glas de cette union-là, de cette famille-là. Mais je ne désespère pas pour autant. Je dis qu’elle peut le devenir dans ce sens  où, à travers un consentement, à travers un contrat social, à travers une union entre les différentes communautés, on peut aller de l’avant, se constituer une forme de supposée famille qui, en tout cas, fera en sorte qu’il y ait un seul père de famille, un président de la République qui prendrait tous les citoyens de la République comme ses enfants, qu’il n’y aurait absolument aucune différence, où c’est l’égalité de chance qui, finalement, primerait dans les postes administratifs. »

La Guinée, un pays sans discrimination ? L’écrivain qu’est Oumar Diakhaby ne dit pas que cela n’arrivera pas, mais le pays n’a connu que ça depuis l’indépendance.

« […] Et vous savez que, malheureusement en Guinée, poursuit M. Diakhaby, ce n’est pas comme ça que ça se passe. Il y a une forme de discrimination politique qui a prévalu depuis l’indépendance jusqu’à nos jours. Au premier pas dans le premier régime ce sont les Peuls qui se sont sentis discriminés. Pendant le second, ce sont les Malinkés qui se sont sentis discriminés par un pouvoir politique soussou. Et aujourd’hui, nous assistons à une forme d’ethnicisation outrancière de la politique qui ne dit pas son nom dans une opposition très farouche entre Peuls et Malinkés. »

Si Malinkés et Peuls se font la guerre aujourd’hui, c’est, à en croire Oumar Diakhaby, une minorité qui en tire profit. Malheureusement, ils ne le savent pas : « Et qu’est-ce que ces deux ethnies, dans leur écrasante majorité, gagnent dans cette division-là. Elles gagnent la pauvreté. Parce  que très réellement, c’est une minorité qui profite de cette division-là au détriment de la majorité. Donc lorsqu’ils ne comprendront pas que leur ennemi commun c’est la pauvreté, et c’est à cause de la pauvreté ou pour la défense de leurs intérêts communs qu’ils doivent se lever pour lutter contre la pauvreté, alors on n’est pas sortis de l’auberge. C’est pour cela qu’il faut relever le débat. Il faut  expliquer d’abord qui nous sommes en tant que Guinéens, parce que nous nous sommes constitués à travers une adjonction de différentes communautés. A la base,, on n’était pas destinés à être un Etat. Le Fouta c’était une monarchie. La Haute Guinée, c’était un empire auquel des territoires étaient rattachés, d’autres territoires également ». 

Il conclut en insistant sur le fait que l’idéal national derrière lequel se cache le terme « la Guinée est une famille » n’a pas abouti : « C’est maintenant qu’on doit essayer de constituer cet idéal national, parce que jusqu’à présent cet idéal-là n’a pas eu lieu. Il a existé à travers le passé, mais malheureusement à travers de l’incompréhension et de l’incommunication, il n’a pas pu aboutir. »

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