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Nationales 1 et 2 : Routes d’enfer avec des accidents mortels !

Image d'archive

Vingt-six morts (26) morts, deux blessés graves. C’est le triste bilan de l’accident qui s’est produit le week-end du  5 au 6 novembre dernier à Sougueta, sur la Nationale 1 entre Kindia et Mamou. Le lendemain lundi 7 novembre, les populations de Fria se sont réveillées en sursaut avec la nouvelle de  la mort de deux élèves fauchés par un gros camion et le mercredi suivant, un camion remorque a écrasé deux personnes sur moto à N’Zérékoré, au sud du pays. Trois semaines avant, c’est-à-dire courant Octobre, c’est un chauffeur irresponsable qui fait calciner onze passagers à bord de son minibus sur l’axe Kankan-Kouroussa. En avril 2020, un minibus transportant une équipe de football de première division fait une sortie de route à Timbo. Neuf joueurs et deux membres du staff périssent sur le coup. Et qui se rappelle encore de ce grave accident qui s’est produit sur l’axe Conakry-Dubréka en 2016 ? Accident  au cours duquel 38 personnes qui partaient célébrer un mariage à Boffa ont trouvé la mort.

Que de faux permis de conduite !

Des conducteurs qui roulent parfois avec des permis frauduleux et qui causent des accidents dramatiques, le problème  devient alarmant. En trois jours donc, près de trois accidents ont été enregistrés sur les routes guinéennes avec une cinquantaine de morts. Le Gouvernorat de Conakry  compte à lui seul 40% des accidents mortels d’après les chiffres glanées ici et là et à la direction des sapeurs pompiers. Des chauffards qui n’ont jamais passé de permis, mais qui roulent quand même. Comment opèrent-ils ? Pour en savoir plus, nous nous faisons passé pour des clients sur le terrain-rouge de Nongo et celui contigu au pont 8 novembre, derrière le siège du PUP au quartier Cameroun réputés pour les cours de conduite. .

Sur place, nous retrouvons Mousto, Ce colosse musclé fait partie de la dizaine de moniteurs d’«auto école» de rue. Nous lui faisons comprendre que nous n’avons le temps de suivre les cours normalement. Avec méfiance, il explique : « Ici, nous ne travaillons que dans la soirée quand les travailleurs quittent les bureaux ou quand les étudiants finissent les cours. Nous ne donnons pas les cours théoriques. Seulement la pratique. Ici c’est pour apprendre le volant, la vitesse, l’embrayage, le freinage, le marche-arrière et comment garer ou quitter un parking très serré. Vous commencez après avoir versé une avance et à la fin, c’est-à-dire quand vous maîtrisez la conduite vous payez le reste avec les frais de permis. C’est nous qui cherchons le permis pour vous. Actuellement c’est un peu difficile avec l’introduction des permis biométriques, mais on peut vous le délivrer. Nous avons un « tuyau bien huilé » par lequel sortent les permis biométriques. Il suffit d’avoir l’argent, rien d’impossible dans ce pays », nous rassure Mousto, le patron de ce temple d’apprentissage obscur

Au quartier Cameroun aux pieds du pont 8 novembre, en face de la Paillotte, nous trouvons un groupe de jeunes filles qui s’activaient autour d’une Nissan ROCK qui servait de véhicule d’entrainement. Elles passaient tour à tour au volant. Assistées par un moniteur, elles doivent faire chacune trois tours de terrain. Interrogée, une d’entre elles nous apprend que c’est à partir de ce système d’apprentissage qu’elles peuvent obtenir le permis de conduire. « Quand on finit d’apprendre à conduire ici, on nous aide à obtenir le permis. Eux, ils savent comment procéder pour s’en procurer. Il suffit de verser la sommes demandée. Presque tous ceux que voyez au volant dans la circulation à Conakry passent par ici », nous apprend Kady, une cliente en fin de « formation » sur cet espace.

Quand certains passent sur les terrains tard la nuit pour monter au volant et apprendre à conduire dans la nuit noire ou dans le brouillard matinal, d’autres, surtout les jeunes conducteurs de gros porteurs et des citernes, se glissent entre le siège avant et le patron pour s’asseoir au volant. Ils apprennent sur le tas et achètent les permis.

Les réseaux de faux permis existent et fleurissent même à Matam dans les environs de l’ex. Cadastre. Il suffit de pointer le nez au carrefour Constantin pour voir approcher un démarcheur des faussaires qui pullulent dans le coin. Vous payez cash et vous obtenez les minutes qui suivent ce précieux sésame sans passer outre mesure. C’est ainsi que la quasi-totalité, des permis en circulation sont obtenus frauduleusement.

Le réseau routier guinéen, un court chemin vers la tombe !

Emprunter les routes guinéennes et assister à sa mort en direct. Comme le dit un habitué des voyages dans l’arrière-pays. On a beau accuser les chauffeurs, l’état des véhicules, les camionneurs mais en réalité la Guinée n’a pas un réseau routier viable. C’est un véritable enfer quand on s’engage sur l’une des nationales pour se rendre à l’intérieur du pays. Un cauchemar pour tous ceux qui se rendent dans leurs villages. Routes restreintes sans trottoirs. Les nids de poules grandement ouverts qui avalent chaque jour les usagers comme les tombes du cimetière de Cameroun. Des ravins et des virages, des lieux de chocs qui tranchent des gorges et réduisent des êtres humains en pâte. Combien sont-ils, les voyageurs péris sur les routes guinéennes ? Mille, deux mille, des milliers de personnes  perdent la vie lors des voyages à cause de l’état des routes. « Nous n’avons pas de routes. Quand vous êtes dans un virage au niveau d’un ravin, sur une languette de route vous n’osez pas trop serer, de peur de tomber dans le ravin ! C’est en ce moment qu’un autre véhicule imprudemment, cherche à vous dépasser. Et le voilà nez à nez avec un autre qui vient dans le sens contraire. On a un problème de routes », lâche un camionneur interrogé à la gare routière de Matam.

Surcharge, manque de visite technique et indiscipline

L’une des causes des accidents de circulation reste la surcharge des véhicules de transports pour les villes de l’intérieur. « Comment voulez-vous qu’il n’y ait pas d’accident ? Avec ces surcharges, c’est aller tout droit dans le décor ! Le poids actuel dépasse celui autorisé par le fabricant du véhicule. Vous avez plus de dix passagers dans un véhicule de huit places avec des bagages et des apprentis dans le coffre-arrière. Des véhicules qui ne sont soumises à aucune visite technique. C’est s’exposer à un accident ! Et quand on connait l’état de nos routes, les accidents ne sont pas loin », tranche Ousmane Camara, un instituteur en partance pour Kankan. Et il continue. « Il faut compter avec l’indiscipline des chauffeurs qui ne s’arrêtent jamais aux coups de sifflet des agents de la sécurité routière. Ils conduisent comme ils veulent. Excès de vitesse, surcharge…Le même chauffeur peut conduire toute la nuit sans s’arrêter. Et à peine arrivé à destination qu’il revienne avec d’autres passagers pour le retour. Fatigué, un tel conducteur est exposé à l’accident ! Nous voyageons en croisant les doigts. C’est Dieu seul qui sauve tous ceux qui se déplacent en Guinée et qui arrivent à bon port », dit un passager lors de notre enquête à la gare routière de Madina.

A la direction des Transports Routiers où nous sommes rendus, nous n’avons malheureusement pas trouvé d’interlocuteur pour répondre à nos préoccupations. Pour l’heure, les propriétaires de véhicules, les chauffeurs, les responsables syndicaux accusent l’état des routes. Pour eux, tous les accidents qui ont causé la mort des milliers de Guinéens sont dus à la dégradation des routes. Alors que les agents de la police routière interrogés pointent un doigt accusateur sur les chauffeurs, l’état des véhicules et l’indiscipline des chauffeurs.

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