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Moeurs : inceste, viol, pédophilie, des actes odieux qui rongent les familles et la petite enfance

Image d'archive

« Je suis en colère contre sa maman. C’est ce qui m’a poussé à agir ainsi». 

Il enceinte sa propre fille parce que sa femme nourrice, refusait d’aller au lit avec lui. Quand Balla Mara, ce paysan trentenaire justifiait ainsi son acte incestueux dans les locaux de la gendarmerie, à Siguiri, tout le monde était stupéfait et indigné. Un père de famille auteur d’abus sexuel sur sa propre fille (mineure de 14 ans) jusqu’à l’enceinter ? Quelle abomination !

Si le paysan de Siguiri, Balla Mara, ce père de famille indigne, a eu le courage d’avouer son acte incestueux sans remord, d’autres par contre se taisent et mettent toute la cellule familiale sous le couvercle du silence. Oser parler, oser dénoncer une figure qui vous a abusée, rares sont des victimes qui révèlent qu’elles sont abusées parce qu’elles n’en reviennent pas, parce qu’elles se sentent coupables ou tout simplement parce qu’elles ont peur. Attirés par cet acte d’abomination, nous avons approché, lors de notre enquête, certaines victimes que nous avons fait sortir de l’ombre pour leur faire parler. Elles ont 14 ou 17 ans. Certaines ont eu la chance d’être entendues quand elles étaient encore enfants. D’autres sont restées enfermées dans le silence pendant des années.

Mafoudia B, avait 13 ans au moment des faits. Aujourd’hui, après le divorce de ses parents, elle s’autorise à parler. « Un soir, j’ai entendu un bruit de porte qui m’a fait peur parce qu’il était entré brusquement au salon. Quand je suis allée voir, c’est mon père qui était assis dans le fauteuil. Je l’ai salué et je suis retournée dans ma chambre. Quelques temps après, il est entré derrière moi et m’a demandé comment ça va à l’école. Je lui ai répondu que ça allait bien. J’étais concentrée sur mes cahiers. C’est là qu’il a baissé son pantalon et il m’a dit…moi. Moi sa fille de lui… »

La petite Mafoudia a plusieurs fois été victime d’inceste de la même personne qui n’est autre que son père. Une longue prise de conscience, complexe douloureuse à mesure de la confusion de ce sentiment dans laquelle elle avait sombré. « Je ne voulais pas en fait…Il prend sa main et la pose sur ma tête et l’envoie vers lui…Je me débats et il me soulève et me jette sur le lit…J’étais choquée. Voir la nudité de son père !… Si ça faisait partie de son plan, il a vraiment réussi. Je pensais que j’y avais échappé. Non ! C’était le début de mon cauchemar ».

En grandissant, la jeune élève va supporter de moins en moins les sentiments de son géniteur. Lui, il appelait ça, les câlins du soir. « Je me sens mal. Je me sens très mal. Moi, une jeune fille, pleine de vie, violée par mon propre père. C’est horrible. J’ai perdu goût à la vie. Je suis désorientée, perdue ». Si Mafoudia témoigne de manière anonyme, c’est parce qu’elle est en pleine reconstruction de tout son être auprès de sa tante, M’Mahawa qui joue le rôle de conseillère voire même de psychologue.

« Ma nièce Mafoudia n’arrive plus à avoir des rapports sexuels normaux. Elle a toujours des séquelles. Ce père-là a été son premier homme dans sa vie. Il a pris sa virginité. Elle n’arrive pas à le haïr non plus. Il faut aider cette fille à comprendre qu’il n’y a pas de dénie. Elle lui en veut mais elle porte dans son cœur, ce père qui l’a aimée. Elle lui a donné cet amour pour payer son silence. Aujourd’hui, il faut savoir ce qui se passe au niveau de la sexualité. Qu’est-ce qui peut amener un adulte à abuser sexuellement de sa propre fille ? Est-ce que lui-même n’a pas vécu cette situation qu’il reproduit ? Est-ce qu’il a une maturité sexuelle d’adulte, ou est-il figé sur la sexualité d’enfant ? Souvent certaines personnes aiment être dans une sexualité où elles dominent. C’est la domination qu’elles trouvent leur plaisir ».

Le regard plein de compassion, la tante de Mafoudia raconte l’histoire des victimes brisées par l’agression sexuelle. Parfois, elle se demande s’il n’est pas mieux de porter l’affaire devant la police.

Madame Tolno n’arrive pas encore à faire face à la vérité. Son visage est marqué par la douleur et le désespoir. Rencontrée à son domicile, elle nous raconte le calvaire de sa fille cadette, violée à l’âge de 11ans par un voisin de la maison. Un acte odieux qui a brisé l’innocence de la fillette et plongé sa famille dans un océan de larmes. « Il s’agit de ma fille de 11 ans qui a été violée l’année passée par un jeune de quartier. C’est dans ma maison que l’acte s’est passé. J’étais allée au marché et à mon absence le jeune est rentré trouver ma fille seule au salon en train de regarder la télévision. Il a demandé à boire de l’eau. Comme la petite le connaît, elle a ouvert la porte et il a commis l’acte. C’est une voisine qui est tombée sur la scène. On s’est rendus à l’hôpital…A mon retour j’ai trouvé les parents du jeune homme à mon salon. Au lieu de me calmer et présenter des excuses, ils se sont pris à moi, sous prétexte que j’ai accusé leur enfant ».

Le cauchemar a débuté depuis plus d’un an. La petite fille jouait seule à la maison en l’absence de ses parents, soudain, elle reçoit la visite d’un homme de plus de 25 ans. Terrifiée, meurtrie, la fillette s’est confiée à sa mère.

 « J’étais triste que cette situation arrive à mon enfant. Qu’une enfant de 11 ans soit violée par un voisin de 25 ans. Franchement, je ne l’ai  pas supportée. Ça me fait très mal jusqu’ici. Ma fille n’arrive plus à sortir seule. Elle est terrifiée. Ce qui me choque, c’est l’entourage. Les voisins défendent à leurs enfants de ne plus marcher avec ma fille parce qu’elle a été violée ».

En raison des rapports forts qui existent entre les voisins, l’agression ne sera jamais punie, mais la nouvelle se répand comme une traînée de poudre dans le quartier d’Enta, provoquant un sentiment de colère. « Je n’ai jamais imaginé que ce jeune pouvait violer ma fille. Je n’ai pas vu ça venir. Aujourd’hui, Dieu merci. J’ai parlé à ma fille, je l’ai conseillée, rassurée et elle se retrouve». La fillette, quant à elle, est inconsolable, toujours traumatisée par l’agression. Elle se replie sur elle-même et refuse de parler. Ses nuits sont hantées par des cauchemars, ses journées ponctuées de crises de larmes.

Impuissante face à la souffrance de sa fille, la mère se bat pour obtenir justice. Elle se heurte parfois à l’incompréhension qui remet en cause la parole de la fillette pour minimiser la gravité des faits.

En Guinée, le viol et la pédophilie constituent des délits passibles de lourdes peines, allant jusqu’à 20 ans de prison. L’inceste, lui encore un sujet qui fâche avec des peines légères d’un à six mois de prison.

« Pour décider la peine, il faut passer au peigne fin tous les facteurs. Pour quelqu’un qui a commis l’inceste, l’enfant porte plainte les parents(le père ou la mère) arrêtés, jugés et condamnés. Au bout de 2 ou 3 mois, l’enfant va commencer à avoir le regret : je n’aurais pas dû le faire, j’aurais pu être indulgent. Il ne faut pas briser la cohésion familiale. Le législateur tient compte de toutes ces choses avant de fixer la peine. Et vous allez voir que dans l’élaboration des peines, quand la victime pardonne et décide de retirer sa plainte, l’acte n’est plus poursuivi. Voici pourquoi quand celui qui a commis l’inceste est condamné et que la victime pardonne, on est obligé de le faire sortir de la prison », soutient un juriste.

Voilà donc la situation qui prévaut dans notre société. Les enfants sont exposés à ce mal récurrent. Un mal profond dont aucun n’est à l’abri. Au sein de la famille tout comme à l’extérieur. Des enfants de profils différents qui racontent chacun la même histoire. Le mépris, le regard sans compter l’appareil judiciaire qui montre encore des failles. Aujourd’hui la parole se libère. Tous s’en félicitent et espèrent qu’on ose les entendre.             

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