Il y a lieu de se poser la question. L’on s’étonne, à juste raison, que des investissements de cette envergure ne soient pas encore pleinement pris en compte ou parfaitement adoptés par leurs bénéficiaires. Et c’est pourtant bien la réalité tangible qui s’offre au regard de tout passant, au marché de Koloma et à la remontée de Dabondy, sur la route de l’aéroport.
Ces deux ouvrages, les derniers à avoir été réalisés à grands frais on l’imagine, dans la capitale, ont été ouverts à la circulation piétonne, voilà déjà quelques mois. Force est de reconnaître qu’il s’agit d’infrastructures d’utilité publique avérée. Cependant, au regard de l’usage qui en est fait jusque maintenant, il y a lieu d’admettre que leur effet bénéfique reconnu et attendu reste encore à confirmer.
Quand on fait référence à l’attitude, oh, combien surprenante, des piétons face à ce qu’on peut appeler leur chemin sécurisé, on pense à de l’argent perdu, à une infrastructure qui n’a servi que pour le décor, juste pour enjoliver la ville. C’est comme si l’investissement consenti par l’Etat n’avait pas sa raison d’être. Cette situation est observable aux deux endroits. Les piétons-destinataires, concernés au premier plan, semblent les ignorer.
Un peu comme une bouderie. En tout cas, ils les empruntent très peu pour traverser la chaussée. Quel paradoxe ! Alors que les déterminants qui ont motivé leur réalisation est la résultante d’une série d’études menées sur le terrain et surtout de la volonté des autorités d’assurer aux populations urbaines, une mobilité autant parfaite que sécurisée.
Pour en savoir plus, nous avons pris langue avec les deux commissaires spéciaux de sécurité routière qui gèrent ces passerelles : Ibrahima Sory Touré de Bonfi et son homologue Moussa Camara de Bambéto. Ces deux commissaires font chorus pour nous dire tout l’avantage qu’ils tirent de la construction de ces passerelles dont la similitude tient au fait que toutes deux sont bâties sur des routes à trafic intense, situées en bordure de marché. En même temps, elles traversent des zones d’habitation densément peuplées. « Nos deux services, nous disent-ils, sont rassurés que si tous les piétons utilisent uniquement les passerelles pour traverser la chaussée en ces deux endroits, nous connaîtrons une baisse sensible des accidents de type, véhicule contre piéton. Ce problème de traversée de piétons est si aigu au marché de Koloma que la routière de Bambéto y a planifié une brigade pour réguler la circulation.
A Dabondy et à Bambéto, le contexte est le même. Pour leurs besoins quotidiens, les citoyens, de part et d’autre de la route vont et viennent. Ils traversent au niveau du terre-plein central pendant que de nombreux véhicules (voitures, motos, camions) passent à toute allure. Cela entraine souvent, hélas, des accidents. Les véhicules heurtent violemment ces piétons et nous enregistrons alors, des cas mortels et des blessés graves. C’est une situation que nous avons toujours déplorée. La construction de ces passerelles vient apaiser nos soucis. Elle nous réjouit à plus d’un titre. Les piétons ont maintenant un endroit sécurisé où se mettre à l’abri des dangers de la route. »
« Détrompez-vous », répondent les deux commissaires. « Ce n’est que le début. C’est tout nouveau pour les gens des deux zones. Ils vont s’habituer peu à peu. Sur le terrain même, nous les sensibilisons petit à petit en y plaçant nos hommes. Nous procédons comme par ratissage, pour leur vanter les mérites de l’utilisation de la passerelle. Parfois, nous montrons l’exemple pour convaincre les indécis. Il y a une infinité de raisons qui poussent les gens à ne pas emprunter la passerelle du premier coup. Il faut les comprendre. C’est un long travail d’éducation et de sensibilisation.
Par exemple, nous vous dirons que d’aucuns ont un peu peur, il faut les comprendre. Ils n’aiment pas se percher très haut. Ils ont le vertige en altitude, surtout quand ils regardent en bas. D’autres pensent qu’à certaines heures où il y a peu de monde, ils peuvent être victimes de petits voyous qui rôdent en haut. Il y en a aussi qui nous disent que les escaliers sont longs et trop difficiles à escalader, etc.
En somme, il y a beaucoup d’arguments qui découragent bon nombre de piétons qui veulent bien emprunter les passerelles pour traverser la route. Il leur faut un peu de temps pour avoir confiance ou se rassurer.
Mais pour nous, tout cela n’est rien, comparé aux dangers qui les guettent quand ils optent pour un rejet systématique au profit d’une traversée à risques par le terre-plein central.
C’est d’ailleurs pourquoi, nous avons décidé, dans un premier temps, de continuer la sensibilisation. Ensuite nous en viendrons à les obliger à les utiliser, quitte à construire, avec l’appui des autorités, des infrastructures fermant le terre-plein central, comme à Madina ou à Bonfi.
Bien plus, pour davantage montrer notre détermination à convaincre les gens de l’importance que nous accordons à ces passerelles, nous comptons engager la responsabilité de tout piéton en cas d’accident à la traversée de la chaussée dans le périmètre immédiat où se situe la passerelle.»
A rappeler, pour la petite histoire, que l’idée de ces passerelles, a germé pour la première fois à Conakry, dans les années 1990 avec feue madame Rougui Barry, ancienne ministre, alors maire de la commune de Matam.
Ces ouvrages, autrement appelés échangeurs pour piétons, sont à souhaiter dans le réseau routier touffu et saturé de nos grandes villes. Ils sont aussi et surtout à utiliser correctement.
Cela doit être la règle pour tout piéton qui arrive à leur hauteur. Le rôle combien important qu’ils jouent dans la mobilité et la sécurité urbaine des piétons, doit nous y inciter sans relâche.