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Massacre du 28 septembre 2009 : ça fait déjà dix ans et toujours pas de procès pour les victimes

28 septembre 2009, 28 septembre 2019. Cela fait, jour pour jour, dix ans que la Guinée a connu l’un des moments les plus sombres de son histoire. Ce lundi 28 septembre, le méga meeting organisé à l’appel du forum des forces vives de Guinée au stade mystique du « 28 Septembre » de Conakry, tourne au bain de sang lorsque des militaires furieux et déchaînés tirent à bout portant sur la foule et commettent un véritable carnage. Selon les Nations Unies, le bilan fut de 157 morts et plus de 1200 blessés.

157 personnes tuées par les balles des hommes en uniforme de l’armée

« Tenir un meeting au Stade du 28 Septembre, le jour anniversaire du référendum sur la communauté Française rejetée par le peuple de Guinée, avait une valeur symbolique pour les opposants à une éventuelle candidature du chef de la junte, Moussa Dadis Camara à la présidentielle de 2010. » Pourtant, il semble avoir été périlleux de dire « non » à général fut-il aussi célèbre que De Gaulle qu’à un capitaine qui commençait à être gagné par la boulimie du pouvoir. Ce lundi 28 septembre 2009 donc, dans ce stade, 157 personnes tombèrent sous les balles des militaires, 1500 femmes furent violées, selon la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme. Des leaders politiques et certains responsables de la société civile furent blessés et admis dans les hôpitaux avec des domiciles saccagés.

Dadis et ses hommes au lieu de s’assumer, rejettent, à grand renfort médiatique, toute responsabilité sur les forces vives et les parents des victimes 

Le capitaine Moussa Dadis Camara et ses hommes pensaient ainsi régler leurs comptes aux politiciens qui voulaient abréger la vie de leur régime en l’empêchant de garder aussi longtemps que possible son fauteuil de chef d’une junte qui avait établi son QG au camp Alpha Yaya, la principale garnison militaire de la capitale. Au lieu de faire profil bas et compatir à la douleur de ses compatriotes qui venaient de perdre les leurs, le capitaine putschiste tente de masquer sa responsabilité et celle de ses hommes en rejetant systématiquement la responsabilité du drame sur les organisateurs du meeting. Sur les antennes des médias d’Etat guinéens et étrangers, Dadis et ses acolytes s’évertuent avec acharnement à rejeter tout culpabilité dans tuerie. Les ONG et le collectif des victimes alertent alors la communauté internationale et saisissent la Cour Pénale Internationale sur ce qui est désormais convenu d’appeler le « massacre du 28 septembre ». La CPI dépêche la Procureure générale, Fatou Bensouda à Conakry pour s’imprégner de la situation.

 La présence de la CPI à Conakry sème la panique dans les garnisons militaires et écourte le règne du capitaine

Après le passage des premiers témoins, la peur s’empare du camp Alpha Yaya, siège du Conseil National pour le Développement et la Démocratie, (CNDD). Les principaux acteurs se replient dans leurs bases et refusent tout contact avec les émissaires de la Cour Pénale Internationale ainsi que le pool de juges guinéens constitués à cet effet. Ça ne va pas se passer comme ça. Il faut chercher tous les chefs militaires qui étaient au Stade du 28 septembre ce jour-là afin qu’ils s’expliquent. Dadis appelle son Aide de camp, le lieutenant Aboubacar Sidiki Diakité, alias «Toumba », chef de l’expédition ce jour au stade du 28 septembre comme le soutiennent plusieurs victimes et témoins de ces événements. Se sentant lâché, trahi et accusé de toute part, ce dernier avec ses hommes se retranchent rapidement au camp Koundara de la garde présidentielle à Kaloum, communément appelé le bataillon autonome spécial présidentielle (BASP). C’est dans cette garnison que Toumba organisera sa défense, pardon sa rébellion contre son patron. Vu comme le principal chef du commando ayant fait irruption ce jour au stade du septembre, le lieutenant Toumba joue à la résistance face à toute tentative visant à le conduire à s’expliquer devant les juges en charge d’instruire ce dossier. Devant cette grave insubordination, mal en a pris le capitaine Dadis qui a décidé de se rendre en personne au camp Koundara à l’effet de convaincre son bras droit insurgé. Sans avoir pris la moindre précaution militaire ni protocolaire, Dadis, seul au volant de son pick-up, fonce vers Koundara pour aller à la rencontre de son Aide de camp. Dans la foulée, il est immédiatement suivi par un petit groupe de soldats conduit par le capitaine Joseph Loua, alias ‘’Makambo’’.

C’est l’audace de trop aux yeux de Toumba Diakité que Dadis, sous aucun prétexte, ne devait prendre. La scène de cette dernière rencontre fut horrible. Les échanges verbaux tournent en échanges de coups de feu et de machettes. Le capitaine Makambo sur place est massacré par Toumba. Quant à Dadis, sa tête est effleurée par une balle de Toumba. Le pauvre capitaine Dadis s’effondre et gise dans une mare de sang avant d’être sauvé in extrémiste par quelques éléments restés loyaux envers lui. Dans cette débandade de ses éléments, Toumba, l’auteur de cette tentative d’assassinat prend la poudre d’escampette. Voici donc la « parenthèse » Dadis fermée, ouvrant ainsi un boulevard à la démocratie. Une démocratie arrachée de force après trois ans de lutte des syndicalistes, de la société civile et de la classe politique.

Quelles leçons retenir après ces douloureux évènements du 28 septembre 2009 ?

Peut-on faire des omelettes sans casser des œufs ? Les évènements du 28 septembre 2009 étaient, certes, tristes parce tragiques. Mais, ils ont marqué la fin de règne d’un groupe de militaires qui avaient commencé à dériver et qui cherchaient vaille que vaille à confisquer le pouvoir. Ces évènements ont aussi mis en lumière la grande anarchie qui caractérisait l’armée guinéenne à la fin du règne du général Lansana Conté. Le 28 septembre 2009 est l’aboutissement du combat du mouvement social entre 2006 et 2007. Les Guinéens qui se sont battus jusqu’au décès du général Lansana Conté, voyant les acquis de leurs combats confisqués, compromis par les bégaiements d’un capitaine boulimique, se sont levés comme un seul homme pour barrer la route à la junte militaire qui voulait leur imposer son diktat. Le meeting politique du forum des forces vives qui a tourné en bain de sang était l’œuvre de l’ensemble des Guinéens qui aspiraient à la paix, à la justice, à l’Etat de droit, au développement, au bien-être et à la démocratie. C’était un combat pour la préservation, la survie des valeurs démocraties dans le pays. Ces évènements, on ne cessera de le répéter, ont permis d’obtenir les élections présidentielles de 2010 considérées comme les plus ouvertes du pays depuis l’indépendance avec la participation de 24 formations politiques.

Si le référendum du 28 septembre 1958 a précipité le général De Gaulle de quitter Conakry sur la pointe des pieds, le meeting politique du forum des forces vives du 28 septembre 2009 a forcé le Capitaine Moussa Dadis Camara à l’exil. Cela est une évidence historique indéniable qui a été coûteuse en termes de pertes en vies humaines.

Après dix ans, cette plaie ouverte à du mal à se cicatriser. D’autant que les victimes, en dépit des avancées substantielles réalisées, peinent encore à obtenir, tant de la justice guinéenne et de la CPI, la tenue d’un procès pour faire la lumière sur cette tragédie…

C’est pourquoi tout le long de la semaine de cette date commémorative de ces événements du 28 septembre, la Rédaction de Guinéenews vous propose jusqu’au jour J, des témoignages exclusifs de victimes, des analyses et commentaires, le point sur l’état d’évolution des procédures judiciaires engagées par les autorités guinéennes, les réactions des organisations de défense des droits de l’homme…

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