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Mamady II Mansaré, ex-flûtiste des Ballets Africains, fait des révélations et demande à l’Etat plus de reconnaissance pour les anciennes gloires (entretien suite et fin)

« Venir au secours des « fiertés oubliées » est un devoir suprême »

Dans cette deuxième et dernière partie de son l’interview qu’il a accordée à Guineenews au compte la rubrique « Que sont-ils devenus? «  », Mamady 2 Mansaré, grand maitre de la flûte des Ballets Africains de Guinée, parle de ses sources de revenus et donne des détails alarmants sur la répartition des indemnités octroyées par l’État aux anciennes gloires… Lisez !

Guinéenews : êtes-vous affilié au BGDA ? En somme, quelles sont vos sources de revenus ?

Mamady 2 Mansaré : je suis affilié au BGDA depuis longtemps et je perçois régulièrement mes droits, bien que le retard soit toujours là.

Guineenews : peut-on savoir combien vous percevez au titre de droit d’auteur ?

Mamady 2 Mansaré : j’ai toujours perçu un montant qui varie entre 250 000 FG et 600 000 FG. Si j’ai bonne mémoire, depuis mon adhésion, il y a de cela plusieurs années, je n’ai jamais reçu un montant supérieur à celui que je viens de vous indiquer.

Guineenews : on peut dire que c’est la seule source de revenu qui vous permet aujourd’hui de gérer votre grande famille de 15 enfants et de 3 femmes ?

Mamady 2 Mansaré : à un moment, j’avais une autre source de revenu. Je dispensais des cours d’apprentissage de la flûte et de danse ici même, à mon domicile. Beaucoup d’élèves venaient d’un peu partout, d’Europe, de pays africains, et même d’ici. Cela me rapportait et m’aidait beaucoup dans la gestion de la famille. Mais avec l’arrivée des maladies, notamment l’Ebola et le Coronavirus, ces activités ont été brusquement freinées. Actuellement, je dispense des cours dans une école de musique dénommée « Tia Bala », située dans le quartier de Sonfonia. C’est une école créée par un Américain nommé Sylvain. Il assure tous les mois mon transport, et cela contribue aussi à mes préoccupations actuelles et renfloue un peu ma caisse. Mes enfants m’apportent également une large part de contribution dans la gestion de la famille. L’un vit aux USA et l’autre en Finlande. Ce sont eux qui s’occupent maintenant de la famille.

Guineenews : vous ne bénéficiez pas comme d’autres sociétaires des Ballets Africains de ce montant de 5 000 000 FG octroyé par l’État aux sportifs et aux artistes ?

Mamady 2 Mansaré : c’est une belle question. Je vous informe qu’au départ, avant même que ce projet n’ait lieu, j’avais effectué des démarches au ministère en compagnie de Sékou Legrow Camara, du Bembeya Jazz National. J’ai été délégué au nom des Ballets Africains par feu Hamidou Bangoura (paix à son âme). Avec mon collègue artiste, nous avions sillonné de nombreux bureaux au niveau du ministère. Je me rappelle même avoir joué de la flûte pour le ministre de la Culture de l’époque dans son bureau. Après la réalisation de ce projet, je me suis vu exclu de la liste définitive des ayants droit. Jusqu’à présent, je ne peux pas vous expliquer les raisons qui ont conduit à mon exclusion de la liste de partage de cet argent. Je suis pourtant un ancien de 1962 et disons, une ancienne gloire aussi, au sein des Ballets Africains de Guinée.

Guineenews : à ce jour, vous vous êtes juste contenté d’accepter d’être exclu sans savoir pourquoi, ou bien vous aviez entrepris d’autres démarches ?

Mamady 2 Mansaré : aucune véritable raison ne nous a été signifiée au départ par rapport à notre exclusion. Nous avions tellement rodé dans les couloirs du ministère que finalement et certainement par pitié, nous avions été repêchés sur une liste pour remplacer nos collègues décédés qui étaient bénéficiaires (paix à leurs âmes). Nous étions au nombre de quatre : moi Mamady 2 Mansaré, Hadja Mariama Barry (l’ex-épouse de feu Bakary Cissoko), Famodou Konaté et Noumba Condé. Personnellement, j’avais remplacé feu Koungbanan Condé. Nous avions perçu normalement ce montant pendant deux ans. Il y a un an et demi, nos noms ont été rayés de cette liste, et ne me demandez pas pourquoi. En réalité, rien n’est clair dans ce dossier. Néanmoins, nous avions entamé une nouvelle démarche, celle de nous prendre en charge en tant qu’artistes encore vivants et non remplaçants. Sur cette liste, vous trouverez Mamady 2 Mansaré, Hadja Mariama Barry, Famodou Konaté, Nouman Condé, Marie Touré, Kany Diawara et Moustapha Bangoura « José ». Nous espérons que les autorités en charge de la culture tiendront compte de nombreux facteurs pour nous soulager de notre souffrance, car nous avons consacré toute notre vie à la culture guinéenne.

Guineenews : vous êtes un homme déçu, choqué, ou qu’est-ce que vous ressentez à l’instant ?

Mamady 2 Mansaré : non, ne me posez pas cette question. C’est comme si on vous plantait une aiguille dans le dos et qu’on vous demandait après si ça fait mal.

Guineenews : la question a bien sa place, surtout que malgré tout, vous avez encore rejoint tout bonnement les rangs des Ballets Africains de Guinée ?

Mamady 2 Mansaré : alors franchement, j’ai mal partout quand je pense à ce qui nous arrive maintenant. Assis, couché ou debout, je ressens un manque de reconnaissance à notre égard. Recruté depuis 1962, faites le compte, jusqu’ici en 2024, je suis toujours engagé à promouvoir la culture guinéenne. J’ai commencé à servir la culture guinéenne avant même l’âge de 15 ans. Des Ballets Africains de Guinée au Ballet National Djoliba, en passant par l’ensemble instrumental de Kissidougou et le groupe de feu Momo Wandel, j’ai travaillé à ma manière pour servir ce pays. Ma flûte a résonné et séduit de nombreux peuples sur plusieurs scènes. J’ai donné des frissons à de grandes personnalités à travers le monde par le son de ma flûte. Qu’est-ce que je n’ai pas produit de biens pour rehausser la culture guinéenne ? Soyez à ma place, et que l’on ne vous reconnaisse rien de tout cela, seriez-vous choqué, déçu ou pas ? Alors c’est là où je parle de la douleur, de l’aiguille enfoncée dans le dos. C’est vrai que j’ai rejoint encore les Ballets Africains de Guinée malgré toutes ces souffrances que je vis. C’est mon éducation, nous avons appris très jeunes à être patriotes et à servir son pays. Je remercie Dieu de m’avoir encore donné la force à cet âge (78 ans) de pouvoir remonter sur scène et de conserver ce souffle qui me permet encore de caresser ma flûte.

Guineenews : depuis 2023, vous avez réintégré les Ballets Africains de Guinée. Quel lendemain projetez-vous pour ces Ballets qui ont connu beaucoup de démembrements suite à des décès et à d’autres exilés ?

Mamady 2 Mansaré : je commencerai par prier pour le repos des âmes de tous nos amis disparus. Qu’Allah, le Tout-Puissant, puisse leur accorder le paradis céleste. C’est vrai qu’il y a eu aussi des partants, mais rassurez-vous que la relève est assurée à ce niveau. Les Ballets Africains de Guinée ont actuellement besoin de beaucoup de soutien de la part de l’État. Les personnes ressources sont présentes et ont des talents. Il faut mettre les moyens à disposition. Les jeunes sont prêts à relever le défi et nous, anciens, nous sommes engagés à assurer l’encadrement et à faire profiter aux jeunes de nos expériences. Les Ballets Africains ont sérieusement besoin de moyens pour s’affirmer.

Guineenews : avez-vous un message à livrer pour clore cet entretien ?

Mamady 2 Mansaré : le seul message s’adresse aux autorités. Elles doivent s’arrêter un moment et penser à comment soutenir tous les anciens qui ont servi ce pays dans quelque domaine que ce soit. Il faut effacer ces péchés qui existent bel et bien. Cessons de faire pleurer les dignes fils de ce pays qui ont tout donné et sacrifié pour la nation. Il faut arrêter maintenant d’accumuler ces péchés car Dieu sait tout et voit tout.

Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews

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