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Les faux espoirs de la politique africaine de Mitterrand


Par Youssouf Sylla, analyste à Conakry

François Mitterrand, homme de la gauche et  président de 1981 à 1995, est venu avec l’ambition de rompre avec la politique condescendante et affairiste et hostile à l’émergence d’une classe politique responsable en Afrique. Une politique qui fut celle de ses prédécesseurs: De Gaulle, Pompidou et Giscard, tous de la droite.

Il pose alors deux actes majeurs en 1981. Il se débarrasse de Foccart, jusque-là incontournable dans les relations franco africaines, et nomme Jean-Pierre Cot, ministre de la coopération. Le Monde dresse de Cot un portait différent de tous les personnages connus dans les relations franco africaines. Rocardien, il « ne prise guère les relations personnelles, quasi incestueuses, qui ont dominé jusqu’ici la politique franco-africaine. Fils de Pierre Cot, ancien ministre de Léon Blum, ce juriste de haut vol, à qui tout semble avoir réussi, préfère la concision à la palabre, les regards dans les yeux aux caresses dans le dos ». Le journal poursuit : « S’il ne connaît guère le continent noir, il sait déjà qu’il veut « décoloniser la coopération », aérer le pré carré pour l’ouvrir à toutes les Afriques, lusophone, anglophone comprises. Certes, il consent à maintenir un lien privilégié avec les Etats de l’ex-empire. Mais cela ne saurait, à ses yeux, être exclusif d’une diplomatie plus large, mondialiste, moraliste aussi. N’a-t-il pas annoncé qu’il lirait les rapports d’Amnesty International épinglant les pays dans lesquels sa fonction le conduirait ? ».

Mais à ces premières heures d’euphorie, succède le temps de la dure réalité des relations franco africaines. Un an plus tard, en 1982, Mitterrand change de veste. J.P Cot, idéaliste et rêveur de son état l’agace, il ne sait quoi en faire. Il s’en débarrasse, mais avant l’acte officiel, il laisse son premier ministre, Pierre Mauroy, annoncer indirectement par téléphone la nouvelle à Cot, alors que ce dernier dînait dans un restaurent parisien. Mauroy a en fait proposé à Cot d’être ambassadeur de France en Espagne, loin des réalités africaines. Aussi, en janvier 1983, Mitterrand au Gabon prononce un discours dans lequel il vante les merites du système à parti unique, tel que mis en place par Oumar Bongo, dans une société pour tant plurielle. S’adressant à O. Bongo, il dira  » En fondant le 12 mars 1968 le parti démocratique gabonais, parti unique, vous avez souhaité instaurer une démocratie en s’inspirant de vos valeurs propres. Vous avez voulu rassembler les gabonaises et les gabonais, forger une unité nationale d’autant plus indispensable que votre nation se compose de nombreuses ethnies et de dfferentes communautés humaines. Mitterand reprenait ainsi à son compte, l’argument avancé à l’époque par les autocrates africains pour empêcher l’émergence de la démocratie dans leurs pays respectifs.

L’espoir de tout changement de la politique africaine venait ainsi d’être enterré. Les vieilles habitudes reviennent en force, notamment avec l’arrivée de Jean Christophe Mitterrand, fils du président, à la tête de la Cellule africaine de l’Elysée. Les relations avec l’Afrique étaient devenues une affaire si familiale que Claude Cheysson, ministre des affaires étrangères de Mitterrand esquivait toute question sur l’Afrique. Il dira ensuite que l’Afrique, « ce sont les affaires domestiques » gérées depuis l’Elysée.

Comme ses prédécesseurs qu’il critiquait tant, la politique de Mitterrand fut aussi critiquée notamment au Burkina Faso sous Thomas Sankara, assassiné en 1987. La lumière n’est pas encore faite sur les circonstances de l’assassinat de ce jeune président fervent adepte de la renaissance africaine et surtout très critique de la coopération franco africaine en particulier sur le volet de la dette. Si certains soupçonnent Mitterrand d’avoir joué un rôle dans cette affaire, rien ne peut être prouvé sur ce terrain tant que l’accès aux archives françaises sur cette  question est encore interdit pour une période de 50 ans a compter de leur création.

Il y a aussi le rôle controversé du président français dans l’opération Turquoise en 1994 au Ruanda, une opération militaro humanitaire autorisée par l’ONU, visant à arrêter le génocide perpétré contre les tutsis par le hutus. Il est reproché à cette opération de s’être détournée de son objectif et d’avoir permis, compte tenu du soutien du précèdent gouvernement hutu par la France, la fuite des génocidaires (hutus) vers l’ex. Zaïre.

Bref, malgré le discours de Mitterrand en juin 1990 à Baule, liant désormais l’aide économique française aux progrès enregistrés par chaque pays africain sur le plan de la démocratie, et celui de Biarritz en novembre 1994, sur l’engagement constant de la France aux côtés des africains, l’histoire retiendra que sa politique africaine, était plus dans une logique de continuité que de rupture de celle de ses prédécesseurs.

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