Très originelles et reconnues même hors de nos frontières de par leur spécificité, les échelles de Djinkan, c’est certainement l’endroit le plus prisé et le plus visité par les amoureux de la nature à Lélouma. Mais derrière ce site touristique par excellence, se cache une autre réalité. Ces échelles de plusieurs dizaines de hauteurs constituent un véritable calvaire pour tous les usagers de ce tronçon qui sert de raccourci aux populations riveraines.
« Tout d’abord, je veux revenir en arrière. Avant l’implantation du poste de santé de Sanama, quartier périurbain situé dans les contre bas, si quelqu’un tombait malade, les femmes pour accoucher, on devait les transporter sur des hamacs, escalader cette montagne, passer par ces échelles pour rallier la commune urbaine. Mais depuis l’implantation du poste de santé, on assiste rarement à ces cas. Cependant, pour transporter les condiments et autres produits vivriers vers le centre-ville et réciproquement, on est obligé de les porter sur la tête et passer par ces échelles, sous peine de faire un contour sur une route impraticable de plusieurs kilomètres. C’est en quelque sorte un passage obligé. C’est extrêmement difficile surtout pour les femmes productrices de condiments. Le matin, elles vont avec une grosse charge sur la tête. Et quand elles vendent ces produits, elles achètent encore des denrées comme le riz, l’huile rouge, ou autres produits qu’elles portent également sur la tête pour regagner leurs domiciles. C’est un exercice très délicat auquel elles sont livrées. Même avec les chèvres et les moutons on est obligés, si le nombre n’est pas important de bien les attacher et les faire monter ou les faire descendre avec tous les risques», regrette Amadou Benté Diallo, un habitant de Djinkan, qui fait régulièrement la navette entre ces deux zones.
Dame Adama Oury est bien imprégnée de la situation. Elle raconte: «nous souffrons énormément pour rallier le centre de la commune urbaine. Moi, personnellement je fais du jardinage. Pour aller vendre ces produits au marché de Petel, quartier abritant le grand marché de la localité, c’est obligatoire que je fasse face à cet obstacle de taille. C’est à dire franchir cette chaîne de montagnes à travers des échelles avec un gros fardeau et parfois mon bébé sur le dos. C’est beaucoup risqué, parce que la moindre glissade peut être fatale. C’est un véritable cauchemar. Nous sommes très enclavés. Il n’y a presque pas d’accès pour les engins roulants à moins d’effectuer des longs contours. En quelque sorte c’est notre seul moyen, un passage obligé pour nous les piétons. C’est très dur mais on est maintenant habitué», reconnait-elle avec fatalité.
A environ une dizaine de kilomètres de ces échelles de Djinkan, un peu plus à l’est, sur la même chaîne de montagnes, vers le district de Kenté se dresse aussi une autre échelle. C’est celle de Singandé. Servant toujours de pont cette fois-ci entre la commune rurale de Korbé et le centre-ville.
Les situations sont presque les mêmes. Mais cette dernière, les bambous et autres bois solidement attachés par des lianes, sous les efforts des communautés, ont cédé la place à des chevrons bien placés et attachés par des points.
« C’est notre passage obligé pour vite atteindre la commune urbaine. Mais chaque année, pendant l’hivernage, les pluies emportaient les échelles et notre zone se retrouvait coupée de la commune urbaine pendant plusieurs semaines. C’était extrêmement compliqué. C’est pourquoi nous nous sommes retrouvés et nous avons pris l’initiative de remplacer les anciennes échelles. Et nous avons réussi à implanter une échelle plus sûr pour le bonheur de nos populations», se réjouit Abdoulaye Keïta, le président du district de Kenté.
Bien que plus sûr et moyen risqué que les anciennes échelles, le calvaire reste encore le même pour les usagers de ces échelles de Singandé.
« Vous savez, il n’est pas du tout aisé de monter une échelle avec un fardeau à la tête. Et ne croyez surtout pas que la montagne c’est juste la partie ou se situe les échelles. Non! C’est une montagne qui a son pied presque au niveau du village. Les échelles sont juste l’aboutissement. C’est depuis le village qu’on commence l’escalade », soutient Aissatou Diarra, une habituée de cette traversée.
Pour les usagers de ces échelles, leur plus grande crainte aussi, c’est de franchir ces ponts une fois la nuit tombée. C’est pourquoi d’ailleurs, les samedis, jour du marché hebdomadaire, ils désertent très tôt les lieux pour rallier leur domicile avant la tombée de la nuit nous, a-t-on appris.
Faut-il rappeler que les localités situées dans ce contrebas sont les véritables greniers de Lélouma. Une politique de désenclavement serait nécessaire pour venir au secours de ces populations.