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L’an du CNRD : des hauts et des bas dans le secteur minier

Une transition militaire est en soi l’illustration parfaite  de l’instabilité politique dans un pays. Une règle à laquelle le secteur minier guinéen ne fait pas exception pendant cette période de transition qui court depuis le coup d’Etat du 5 septembre 2021  cette année.

En dépit des déclarations de bonnes intentions, la nouvelle dynamique que les autorités militaires entendent insuffler dans le domaine extractif tarde à se dessiner. En témoignent les  décisions prises  par la junte  concernant la bauxite et le fer mais dont la traduction dans les faits peine à devenir une réalité.

La rencontre du Colonel Doumbouya, fraîchement arrivé au pouvoir,  avec les représentants des sociétés minières, le 16 septembre 2021 a pourtant donné l’impression que la température était bonne. Surtout que le nouvel homme fort du pays annonçait à l’occasion que la Guinée respecterait ses engagements.  Au sortir de ce premier face à face, Ismael Diakité, président de la Chambre des mines déclarait à la presse que «depuis les premières heures, je crois que les décisions ont été en faveur du secteur minier. Il s’agit  de l’assouplissement du couvre-feu dans les zones minières. Il y a aussi des déclarations qui nous ont rassurés. Sur ce sujet, il n’y a aucun souci. De toutes les façons, nous sommes un secteur qui est ouvert à des discussions. Il n’y a aucune menace perceptible en ce moment. Nous continuons à travailler dans le sens de nos obligations. Nous restons tous rassurés par les premiers discours et décisions qui ont été prises ».

Les premières secousses

Environ six (6) mois plus tard, les nouvelles autorités semblent fortes du constat posé dans le domaine qui constitue l’un des poumons de l’économie nationale. Viennent ainsi les premières mesures de la rectification annoncée à la chute d’Alpha Condé. La transformation de la bauxite doit commencer. 

A la faveur d’une rencontre le 8 avril, le colonel Doumbouya déclare aux miniers: « Vous êtes venus investir en Guinée afin d’obtenir un meilleur rendement pour vos capitaux. Ces investissements devraient se faire non pas au détriment de la Guinée, mais à son profit. C’est cela la coopération gagnant-gagnant. » Le délai de présentation d’un calendrier de construction des raffineries est fixé au 31 mai.

Mais jusqu’en juin, officiellement, ces instructions des nouveaux maîtres du pays n’ont pas été suivies d’effets. Dans le compte rendu du conseil des ministres tenu début juin à Labé dans le cadre de la tournée d’immersion gouvernementale, le ministre Moussa Magassouba annonce à ce propos «qu’il a été constaté qu’aucune société minière ne s’est exécutée. En conséquence, il (président Doumbouya) a instruit le ministre des Mines et de la géologie de signifier aux sociétés concernées qu’à compter de la réception du courrier qui leur sera transmis, qu’elles disposent d’un délai de dix jours pour faire parvenir chronogramme…»

Parallèlement, sous l’impulsion du Colonel président, le gouvernement de la transition s’active sur le Simandou où il contraint Winning Consortium Simandou et Simfer SA (Rio Tinto) à un accord tripartite avec l’Etat, pour la construction des infrastructures ferroviaires et portuaires.  Mais le  protocole d’accord signé le 25 mars, sur fond de mutualisation des efforts et de participation gratuite de la Guinée dans le capital à hauteur de 15%,  n’a rien donné. Ainsi que le délai supplémentaire de 14 jours donné aux des sociétés plus tard.

Ce qui met le gouvernement dans tous ses états. Et il l’a fait savoir à travers un arrêté ministériel pris un jour non ouvrable, le dimanche 3 juillet. «Je vous ordonne l’arrêt immédiat de toutes les activités relatives au projet Simandou », indique le ministre des Mines et de la géologie, qui accuse les deux partenaires de «manque de volonté » de « privilégier un partenariat gagnant-gagnant nécessaire au co-développement du projet Simandou ». Une mesure que les observateurs du secteur ont trouvée plus préjudiciable à Winning Consortium Simandou, la seule qui s’activait dans la construction du chemin de fer qui rallie le simandou au port minéralier de Moribaya, également en chantier dans la partie côtière du pays.

Des rebondissements à n’en pas finir

Contre toute attente, des milliers de licenciements consécutifs à cette décision ministérielle sont annoncés. Une nouvelle annonce est faite par les autorités. «Le Gouvernement guinéen, Rio Tinto-Simfer, Winning Consortium Simandou (wcs) ont signé ce mercredi 27 juillet 2022 la convention de création de la co-entreprise baptisée  «Compagnie du Transguinéen » pour le co-développement de ce mégaprojet estimé à 15 milliards de dollars », écrit la direction de la communication et de l’information de la présidence de la République. Et de réitérer que «dans la coentreprise « Compagnie du Transguinéen », l’Etat guinéen à une participation gratuite et non diluable au capital du chemin de fer et du port à hauteur de 15%».

Mais cette lecture triomphaliste n’est pas partagée par les observateurs du secteur. Dans l’émission «Sans Concession » de Guineeneews, Ibrahima Diallo, juriste spécialiste de l’environnement et des mines, dément la version de la DCI et rappelle que  «le pacte d’actionnaires qui doit déterminer les participations effectives de chacune des trois parties est à négocier après ».

Une seconde lecture, qui a le mérite d’être plus lucide. En tout cas à la lecture du compte rendu du conseil des ministres qui a suivi la signature dudit accord. « Le Chef de l’Etat a rappelé que suite à la constitution de cette co-entreprise, les parties vont dès l’instant travailler sur les prochaines étapes, notamment : le pacte d’actionnaires, la finalisation des estimations de coûts et de financements, l’obtention de toutes les approbations, les permis et accords nécessaires pour faire avancer le co-développement des infrastructures », rapporte le document.

Ce qui conforte M. Diallo qui dans sa position, soutient que «ce qu’ils (ndlr les négociateurs côté guinéens) ont fait, c’est déplacer les 15% de participation dans le capital initial, pour les ramener dans le capital social…». Calmant ainsi les ardeurs des guinéens qui saluaient de façon prématurée une «victoire historique» qui reste à conquérir en réalité.

Autre annonce qui suscite beaucoup d’espoir, mais qui tarde à se traduire dans les faits, c’est le prix de référence dont l’arrêté conjoint des ministères des mines, du budget et des finances est officiellement entré en vigueur ce 1er septembre mais continue de faire débat. Dans le milieu, si l’idée est unanimement saluée, des observateurs non moins avertis pensent qu’il y a mieux à faire, notamment dans la méthode de calcul… 

Heureusement que les autorités jouent la flexibilité. Dans une communication récemment faite dans une interview accordée au service de communication du ministère des Mines, le conseiller dudit département en charge des questions économique et fiscale déclare que « toute société qui estime que sa bauxite peut être vendue à un prix inférieur au prix de référence, doit fournir à la Direction Générale des Impôt, avec copie transmise au Ministère des Mines et de la Géologie, l’ensemble de la documentation complète justifiant un tel niveau de prix ». Même s’il prévient «qu’il reviendra à la DGI (direction générale des impôts), à la suite d’une analyse rigoureuse de la requête formulée par la société, d’approuver ou non le prix de vente de la bauxite déclaré par la société ».

Attendons donc de voir les prochains développements pour tirer une conclusion dans cet autre registre. Même si, dans un tweet fait en marge de la rencontre entre les autorités et les sociétés minières, sous la houlette du nouveau Premier ministre, le ministère des Mines dit sa satisfaction  quant aux résultats produits jusque-là. «Simandou, l’accord cadre pour la construction d’un laboratoire géologique de référence et dernièrement le prix de référence de la bauxite en Guinée», liste-t-il. Et d’annoncer que «malgré ces prouesses, le Ministre des Mines et de la Géologie, n’entend pas s’arrêter en si bon chemin».

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