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Labé : quand la musique moderne vole la vedette à celle traditionnelle dans les cérémonies !

C’est un secret de polichinelle. Le Guinéen se démarque de jour en jour de ses origines, ses mœurs, sa culture, … en un mot son identité culturelle. Une identité, alors très enviée de part et d’autre compte tenu de sa beauté et de son authenticité. Identité, qui,  d’ailleurs, le hissait au sommet des rendez-vous culturels de la planète. Mais de nos jours, force est de reconnaître que la musique traditionnelle passe une sale période dans la capitale du Foutah Djallon, a constaté sur place Guinéenews.

Cette situation est visible sur plusieurs domaines: alimentaire, vestimentaire, culturel, social, etc. Quand on se focalise spécifiquement sur le secteur culturel, le constat est amer. Tous les jours, le Guinéen que nous sommes ne fait qu’importer des modes de vie qui ne sont pas siens. A tel point qu’il ne reste presque plus que des souvenirs de vieilles pratiques qui se transmettent d’une génération à une autre.

L’un des aspects le plus affiché est celui des instruments de musique traditionnelle (Tam-tam, flute, balafon, …). Ces instruments qui étaient autrefois  chéris et convoités dans les cérémonies civiles et religieuses (fêtes, mariages, baptêmes, circoncisions …) ont de nos jours presque disparu dans nos différentes sociétés. En tout cas, c’est le constat que votre quotidien en ligne Guinéenews.org a eu à faire dans la ville de Labé depuis un certain temps.

Les instruments modernes (Radios, chaînes musicales et autres) les ont ravi la vedette au point qu’on entend presque plus un tam-tam ou une flûte résonner dans une cérémonie à Labé. Les organisateurs préfèrent inviter des artistes en herbe pour les moins nantis et des vedettes confirmées pour la classe supérieure. A défaut de tout cela, ce sont des chaines musicales qui sont installées pour la circonstance.

Et pourtant, Doyen Dian Bah se souvient : « avant, les Gnamakala (artistes traditionnels) étaient des stars aimés, chéris et respectés par tous. Dans les cérémonies, les Hirdés (soirées traditionnelles au Foutah), ils étaient indispensables. Leur présence était si vous me permettez du terme obligatoire. Ils étaient les maîtres de cérémonies et ils le faisaient très bien avec des morceaux de chez nous. Ils n’avaient pas besoin de haut parleurs ou d’énergie« .

Sow Souleymane, la cinquantaine se rappelle également de l’orchestre qui a joué lors de son mariage vers les années 90.  « C’est l’orchestre que Néné Gallé Léga connue actuellement sous le nom de Lega Bah, c’est son groupe qui était alors l’une des valeurs sûres dans ce secteur ici à Labé qu’on avait invitée. Ils sont venus avec tous leurs instruments de musique. Léga chantait en live, les autres accompagnaient, c’était vraiment génial. L’ambiance était parfaite« , souligne-t-il.

Par contre, de nos jours, cela n’est plus à l’ordre du jour. Une chaîne musicale avec un seul DJ (disc jockey, animateur) suffit pour animer n’importe quelle cérémonie. Maitre Bah Thierno est instituteur en service à Labé : « maintenant au lieu de déplacer tout un orchestre qui compte au moins 10 personnes et qui demande assez de frais, une seule personne ou au maximum deux peuvent faire l’affaire avec le modernisme. C’est très pratique mais il faut reconnaître que ça fait disparaître une grande partie de notre culture locale »,  réplique cet instituteur.

Par ailleurs, cette autre citoyenne déplore ce brusque changement de direction : « nous courons vers notre propre perte parce que si on continue ainsi jusqu’à mettre de côté tout ce que nos parents nous ont légué en singeant des pratiques  qui ne collent pas véritablement à nos milieux je trouve qu’on risque de le regretter amèrement« , selon Barry Souadou, étudiante à l’université de Labé.

Plus loin, elle ajoute : « essayons de conserver en même temps notre culture, notre façon de faire afin qu’on ait demain quelque chose d’authentique à transmettre à nos enfants. Il faut à tout prix que le tam-tam, la flûte, … survivent . Et pour cela, nous devons tous agir car contrairement à la musique moderne celle traditionnelle n’est pas extravagante », poursuit Mademoiselle Barry.

Compte tenu d’une persistance accrue de cette situation, les orchestres, les groupes de musique traditionnelle et les Gnamakalla (artistes traditionnels) se font de plus en plus rare à Labé.  « C’est peut-être dans les villages que ces derniers trouvent de nos jours le salut parce que là-bas ils sont fréquents dans les cérémonies. On leur accorde toujours une grande considération contrairement dans nos villes actuelles. Donc, ils se sont retranchés », renchérit Monsieur Bah.

Diouma Kanté, flûtiste et responsable de ‘’DJOUNGO WOTTO’’ (groupe traditionnel) risque de changer de profession. « J’ai hérité ce métier que je pratique depuis 19 ans. Mais à cette allure, je me trouve dans l’obligation de trouver un autre job à mélanger avec la musique. Actuellement, on peut faire un mois entier sans trouver ou jouer. Si on vient dans les cérémonies sans invitation, on ne gagne pratiquement rien car ils ne nous considèrent même pas. Voilà pourquoi beaucoup de membres de mon équipe ont jeté l’éponge et je risque de faire la même chose », prévient-il.

Néanmoins, il faudrait noter que ces orchestres traditionnels commencent à renaître dans plusieurs grandes villes du pays à travers des soirées spéciales mode. Des soirées dans lesquelles, ces musiciens se produisent en live et les spectateurs dansent au rythme des instruments (balle poussière). Mais n’empêche si rien de solide n’est fait, ces derniers risquent de disparaître à jamais au su et au vu de toutes et de tous.

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