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La galère des travailleurs à RusAl / Friguia (2ème partie – témoignages des travailleurs)

LA GALÈRE DES TRAVAILLEURS DE RUSAL/FRIGUIA (suite)

Suite à une grève déclenchée par le collège syndical de Rusal pour exiger l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, et au regard d’un black-out constaté, la société Rusal a fermé ses portes le 04 avril 2012 pour rouvrir en 2017. Ainsi, le 11 mai 2018, la société a fait entrer la première tonne de bauxite pour la transformer à nouveau en alumine pour exportation.

Depuis la réouverture de la société, force est de constater que les anciens travailleurs ne sont plus reconduits dans leurs anciens statuts de RusAl. Mais, plutôt, ils signent un contrat mensuel avec l’entreprise SEINTA  dont Guinéenews a pu consulté un exemplaire du contrat.

Sous le sceau de l’anonymat – par peur de réprésailles disent ils – des anciens travailleurs de RusAl ont accepté chacun de son côté de donner des explications autour de leur statut au sein de la société et la misère dans laquelle ils vivent.

«Je suis un travailleur de SEINTA, une entreprise de sous-traitance au sein de Rusal actuellement puisque la Compagnie russe refuse d’activer la structure normale qui n’est autre que Rusal/Friguia. Avant, j’étais un travailleur de Rusal et maintenant je suis un travailleur de SEINTA. Depuis 2012, Rusal a fermé. Je crois qu’il y a eu un black-out et depuis la réouverture, il y a une structure officielle Rusal qui emploie uniquement les Russes expatriés mais nous autres Guinéens, nous sommes dans l’entreprise locale SEINTA. Nous signons un contrat mensuel depuis 2016, et il peut arriver que deux, trois voire quatre mois tu ne vois aucun contrat avec SEINTA », a déclaré notre interlocuteur

Avant la fermeture de l’usine, les travailleurs avaient des avantages qu’ils ont tout perdu et regrettent cette perte

 «  Les conditions étaient beaucoup mieux que maintenant parce qu’on avait des avantages. En tant que salarié, je pouvais avoir accès à une banque et avoir des prêts pour réaliser mes rêves. Aujourd’hui, je n’ai pas ça ! Les doyens avaient la possibilité de faire un pèlerinage à la Mecque, maintenant ça n’existe plus. Dans mon salaire, j’avais des avantages comme une prime de cherté de vie, une prime d’ancienneté que j’ai totalement perdues. Donc, il n’y a pas mal d’avantages comme ça qu’on a perdu aujourd’hui », soutient le travailleur.

Payés sur la base d’un bulletin de paie au temps de Rusal, aujourd’hui avec SEINTA c’est dans une enveloppe que les travailleurs reçoivent leurs salaires sans un bulletin

« Aujourd’hui avec SEINTA, le salaire brut est calculé sur un taux horaire que chacun connaît sans un bulletin de salaire, tu reçois la liquidité. Et les absents reçoivent leur paie dans une enveloppe et tu signes sur une feuille d’émargement pour dire que tu as reçu ton salaire.  C’est un pur et simple contrat du tâcheronnat. On ne voit pas le payeur, c’est un travailleur qui nous donne l’argent sans bulletin voir e de main à main», déclare un agent de maîtrise.

Du temps de Rusal/Friguia le travailleur était catégorisé avec un salaire décent

Avant avec ces différentes catégories, la structure était correcte  et le fonctionnement était fait de sorte que chacun savait qui était sa hiérarchie, quelle est la différence, où sont les limites qui peuvent avoir dans le traitement. Mais aujourd’hui, nous sommes tous sur le même pied d’égalité et voire sur les mêmes responsabilités avec pratiquement le même taux horaire. On ne parle plus de salaire.

Après calcul, vous vous retrouvez avec une légère différence de deux cent à trois cent mille francs guinéens comparativement au temps de Rusal.

Il faut savoir que lorsque ces ouvriers  font des heures supplémentaires, ils ont une paie supérieure aux directeurs dit superviseurs. Les jours déclarés fériés chômés et payés par le gouvernement sont au contraire défalqués du pointage pour ceux qui ne sont pas présents à l’usine. Il n’y a aucune prime même pour les grandes fêtes connues de tous », note-t-il.

Embauchés par une entreprise sous-traitante, les travailleurs disent ne rien savoir de cette entreprise. Certains quant à eux furieux soutiennent – sans apporter de preuve – que cette entreprise appartiendrait au Premier ministre Kassory Fofana.

«  Je ne connais pas SEINTA, j’entends parler, je n’ai jamais rencontré SEINTA. Au contraire, Rusal à travers sa directrice des ressources humaines  que tu vois en face qui dit *vous êtes SEINTA* mais c’est elle qui administre en réalité. Tout ce que nous savons de SEINTA, l’entreprise est représentée par un certain Kegnin Sylla qui vient pour récupérer les pointages et revient une autre fois pour la paie. Nous n’avons aucune collaboration avec cette entreprise. On n’a appris ici par des collègues que SEINTA serait une entreprise du Premier ministre Kassory Fofana qu’il fait représenter par Kegnin Sylla. Ça se dit tout bas et personne n’ose le dire sinon tu te verras mis dehors sans aucune explication », ajoute un autre

« L’hôpital de la société était l’un des centres hospitaliers de référence du pays. Les travailleurs étaient dans un confort digne de nom avec tout le traitement requis pour recouvrer une bonne santé et tout à la charge de l’employeur. De nos jours, cet hôpital n’existe que de nom.  Quand un travailleur tombe malade, le médecin te prescrit une ordonnance et tu te débrouilles à trouver tes médicaments. On ne souhaite pas si un travailleur dans l’usine fait un accident, c’est tant pis pour lui. Ni Rusal, ni SEINTA ne le prend en charge. Ensuite, si tu fais plus de six mois d’indisponibilité même pour cause d’accident, on n’arrête de te payer complètement. Tu n’as aucune autre rémunération sauf l’assistance de 1 050 000 GNF que tous les anciens travailleurs de Rusal reçoivent au même pied d’égalité », martèle notre interlocuteur

Étant Guinéens, ces travailleurs se disent être  piétinés dans leur dignité par des étrangers dans leur propre pays sous le regard impuissant du gouvernement  comme le dit un autre interlocuteur tout meurtri.

« Ce qui me fait très mal, c’est que dans tout ça là, c’est que je suis un Guinéen et je ne me sens pas en sécurité dans mon pays. Parce que l’Etat ne fait rien pour donner aux travailleurs guinéens le minimum que lui confère la loi  de notre pays. Des expatriés viennent chez nous exploiter nos richesses naturelles, nous laissant dans l’abandon. Aujourd’hui quand tu es père de famille à Fria, tu ne dors pas, tu es soucieux parce que tu n’es pas en réalité salarié. Tu n’as pas d’avenir. Aujourd’hui, quand tu meurs ta famille ne gagne ni règlement parce que le travailleur a droit à un règlement, tu n’as pas droit à ta pension. Ce sont des situations qui nous tracassent tous dans cette usine et puis tu peux être licencié sans explication. Les gens viennent régner en maîtres sur nous et cela me chagrine. Je pense que le minimum que l’Etat doit faire c’est de dire à Rusal ok nous vous aimons bien mais respectez les lois de notre pays, rétablissez nos concitoyens dans leurs droits. C’est aussi simple que ça », martèle notre interlocuteur.

Que recommande la loi du Travail ?

Comme le recommande la loi du travail, une entreprise ou une société qui emploie plus de dix personnes doit avoir un syndicat servant d’interlocuteur entre l’employeur et les travailleurs.

Depuis la fermeture de l’usine Rusal/Friguia au mois d’avril 2012, et depuis sa réouverture, les anciens travailleurs de Rusal sont livrés à eux-mêmes. Ils n’ont que les yeux pour pleurer comme le soutiennent tous alors qu’ils travaillent « comme des esclaves » et personne n’ose parler de syndicat. Ils accusent le silence coupable de  l’Etat guinéen.

« Aujourd’hui tu n’oses même pas parler de syndicat. Tu n’oses pas. Parce que quand tu commences, ce sont  les autorités préfectorales ou communales qui vont se lever pour te chanter ou bien pour te créer des problèmes d’abord dans la ville. En réalité, tu perds ton emploi. Si tu as la chance tu te retrouves seul même tes collaborateurs vont t’abandonner parce que chacun cherche à protéger sa petite tête, au  cas des pires tu peux banalement faire la prison. C’est lamentable ce qui se passe à Fria. Avant, ce n’était pas aussi parfait ce qui a conduit à l’arrêt de l’usine, c’est une revendication pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs. Mais, on se rend compte quand même que c’était mieux au moins parce qu’on était traité conformément aux lois du pays. 

Mais aujourd’hui, tu n’as aucune visibilité, tu ne sais pas en réalité c’est là où il y a la différence avec un syndicat dans une société qui rappelle quand ça ne va pas que sans syndicat. Pour le moment ce qui nous retient c’est que personne ne s’engage, on n’arrive pas à conjuguer le même verbe pour ensemble revendiquer nos droits et on se rend compte que l’Etat est intraitable face  à toute forme de revendication pour le moment à Fria. Donc quand tu te lèves, tu te lèves seul, tu assumes seul et tu perds seul. Dans ce cas-là, c’est difficile de faire profil bas en attendant qu’on espère que ça change au niveau macro dans notre pays sinon à ce moment-là personne n’ose et c’est ça la vérité. Tout ce qui nous arrive aujourd’hui dans l’usine, le seul et unique comptable de cette misère que nous vivons est évidemment l’Etat. J’accuse le gouvernement car un pays est régi par des lois. Au moins demandez aux partenaires de respecter les lois de la république !  Même les Russes le disent qu’on est prêts à vous mettre dans les conditions mais le problème c’est entre l’Etat guinéen et la représentation de Rusal », a-t-il dénoncé.

Malgré nos tentatives repétées, ni RusAl ni SEINTA n’ont voulu se prêter aux questions de Guinéenews© sur le sujet.

A suivre ….

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