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La galère des chauffeurs guinéens : mauvais traitement salarial…victimes des verbalisations fantaisistes et des rackets… vieillissement du parc automobile

Qui n’a jamais emprunté un taxi ? Qui n’est jamais monté dans un minibus ? Qui ne s’est jamais rendu à l’intérieur du pays dans les autocars ou autres véhicules de transport en commun ? Qui n’a jamais engagé un chauffeur pour le conduire ou emmener ses enfants à l’école ? Presque tout le monde a eu recours à un chauffeur, soit pour des courses ou dans le cadre du transport en commun. Nous critiquons parfois leur façon de conduire, mais jamais de question sur les conditions de travail ou de vie de ces chauffeurs qui nous conduisent. Sont-ils bien payés ? Sont-ils déclarés à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale ? Tout est-il mis en œuvre pour que ces gens qui tiennent notre vie en main, soient lucides au volant ?

Pas très sûr. Les chauffeurs en Guinée, sont confrontés à une série de problèmes : l’absence de la réglementation du travail, la multiplicité de postes de contrôle, le harcèlement, les agressions policières, le manque d’équipements de sécurité, le mauvais état de routes… Si au niveau de l’amélioration des conditions de travail, des efforts ont été faits dans certains pays, la Guinée est encore à la traine. Conséquences : les accidents de circulation sont en perpétuel hausse malgré les campagnes de sensibilisation et les actions entreprises sur le terrain par les autorités compétentes. Ces accidents sont certes dus à l’imprudence des conducteurs, pour défaut de maîtrise, de vitesse excessive, mais les conditions de travail de ces chauffeurs ne seraient-elles pas aussi à la base de ces hécatombes sur nos routes ?

Des chauffeurs vivent l’enfer

Des chauffeurs au service de l’administration publique ou privée broient du noire à cause de la maltraitance de leurs patrons qui les utilisent pour des motifs personnels. Bien traités pour certains et mal traités pour d’autres. Certains n’hésitent pas à abandonner le cerceau en plein service ou à rendre leur démission. C’est le lieu d’attirer l’attention de leurs employeurs sur le sort de ceux qui tiennent leur vie en main.

Des chauffeurs de l’Administration publique utilisés à des motifs personnels

Ils sont nombreux les chauffeurs de l’administration publique qu’on utilise pour des besoins personnels. Après de durs labeurs dans la journée, des patrons les utilisent pour des courses personnelles. Ces heures supplémentaires ne sont jamais ré énumérées. C’est le cas de D.L, chauffeur à la fonction publique, qui n’arrive plus à supporter la maltraitance de son patron. « Je n’ai même plus d’heures ou de jours de repos. Je n’ai même plus le temps de voir ma famille. Je suis même devenu le chauffeur de tous les membres de la famille. Même aux heures de travail, je suis envoyé par les servantes au marché », se plaint-il.

La majorité des chauffeurs vivent une vie professionnelle de martyr. Le constat est patent. Car certains parmi eux se sont confiés à nous lors de notre enquête  dans le parking de certains établissements publics à Kaloum. Très tôt le matin ces derniers vont déposer les enfants à l’école et après vont chercher Monsieur ou Madame pour les envoyer au travail. Malgré ce gros travail d’hercule, ces chauffeurs subissent en longueur de journée les injures des enfants ou du patron surtout quand les embouteillages sont monstres sur les voies. En un mot, l’appellation chauffeur n’est qu’une couverture. Sinon ces chauffeurs de ces services subissent un traitement esclavagiste. Pire, après ces longues courses, ces chauffeurs se retournent à la maison à leurs propres frais. En plus de cette grande fatigue, certains patrons appellent leurs chauffeurs pour des courses nocturnes à des heures indues. C’est le cas de I S Bangoura qui souhaite une amélioration des conditions de travail des chauffeurs des services publiques ou privés. « Je n’ai pas de temps de repos. Je suis surexploité. Vivement que le gouvernement guinéen essaie de penser à notre cas afin que ces patrons puissent reconnaitre notre rôle et notre place », a-t-il confié.

Des chauffeurs traités comme des sous-hommes

Incontestablement, la plupart des patrons traitent leurs chauffeurs comme des sous-hommes qui n’ont pas droit au bien-être. Beaucoup d’entre eux n’ont pas accès au domicile de leurs patrons. Leur limite, c’est le parking. « Je ne bois pas et ne mange pas chez ma patronne. Même si l’envie d’aller aux toilettes me prend, je suis contraint à aller le faire chez les voisins. Nous sommes traités comme des robots. Pour la moindre faute ou absence, on vous traite de tout. Et souvent vous êtes flagellés d’injures au point de bafouer votre dignité. Je suis soumis à des tâches qui n’ont rien avoir avec mon travail. Quand je dépose ma patronne, je passe tout le temps au garage en attendant qu’on m’envoie pour d’autres courses », a témoigné un autre chauffeur.

Pendant qu’ils sont censés être à la maison les week-ends, ils sont au service de leurs patrons. Si cette souffrance au boulot était compensée par un bon traitement salarial, les chauffeurs n’auraient pas trouvé à redire. Les salaires étant bas, ils sont obligés de recourir à des activités compensatrices pour arrondir leurs fins du mois.

Des chauffeurs obligés d’exercer d’autres activités

Pour ne pas mourir de faim, certains chauffeurs sont obligés d’exercer des boulots tels que le transport urbain et travailler dans des lavages autos. Tout cela pour compenser le salaire maigre que certains chauffeurs perçoivent surtout dans le privé.

« Je perçois 1.500.0000 francs guinéens par mois. Afin de faire face aux besoins de la famille, je roule la moto les dimanches sur la ligne Madina-Matoto. Sur cette ligne, je travaille comme un clando », s’offusque B. Dakité.

Le carburant parfois mesuré

Pour éviter que certains chauffeurs ne fassent des courses en dehors de leur mission, certains patrons mesurent le carburant. Récit complet de B. Diakité : « je conduisais une dame qui chaque matin mesurait le carburant. Une situation qui m’obligeait à gérer le peu de carburant qu’on me donnait. Mais un jour, le véhicule est tombé en panne sèche d’essence aux environs de 21 heures 30 entre Kissosso et Gbessia, pendant que j’accompagnais ma patronne et ses enfants à l’aéroport où ils se rendaient  pour pendre le vol de 23 heures. Dans ces conditions difficiles, ma patronne me demande d’aller chercher de l’essence dans un bidon à la station Total non loin du carrefour Yimbaya situé loin derrière nous. C’était beaucoup risqué. Ce qui m’a plus énervé, sans chercher à savoir, elle s’est mise à m’insulter du fait que le carburant finisse dans un lieu où les risques d’agressions sont énormes. J’ai été l’objet de toute sorte d’injures ce jour-là. N’ayant pas pu supporter cette situation, J’ai dû les abandonner pour rentrer chez moi. Car je n’arrivais plus à supporter cette dame. En tout cas ce jour, toute sa famille a payé les frais de sa méchanceté. J’ai fait cela sans remord afin que chacun de nous puisse prendre conscience du danger auquel nous sommes exposés surtout quand un chauffeur est maltraité ».

Des chauffeurs soumis à un test de moralité

Pour mériter la confiance de l’employeur, beaucoup de chauffeurs sont soumis à des épreuves. Les patrons étudient à fond le comportement de leurs chauffeurs avant de leur accorder certains avantages. « Chaque matin, durant près de 5 ans, je déposais les enfants de mon patron à l’école française Albert Camus de Kipé. Je ne conduisais que les enfants. Un jour, après avoir déposé les enfants comme tous les autres chauffeurs commis à cette tâche, j’attendais devant l’école l’heure de la descente pour les ramener à la maison. Mais ce jour-là, ma grande sœur m’a appelé d’urgence pour aller chercher ma petite sœur à la gare routière de Matam pour l’envoyer chez elle à la maison. Sincèrement, ma petite sœur découvrait pour la première fois Conakry. Comme il n’était pas encore midi, j’ai décidé de prendre la voiture des enfants pour aller chercher ma petite sœur à Matam. Chemin faisant, mon patron m’a appelé sur mon téléphone au niveau du rond point de Bellevue pour savoir où j’étais précisément. Pendant ce temps, lui aussi était dans les environs faire des courses avec sa voiture. Or au moment où il m’appelait, il me suivait avec sa voiture. Je lui ai répondu franchement que j’étais au niveau de l’échangeur de la Riviera 2 à Cocody et que j’étais allé chercher ma petite sœur qui n’a jamais foulé le sol de Conakry, à la gare routière de Matam pour l’envoyer chez ma grande sœur. Il m’ordonna de m’arrêter et me fis signe qu’il est juste derrière moi. Ce jour-là, il n’a pas manqué de me dire qu’à partir de cet instant, je devenais son homme de main et de confiance. Il faut dire que deux jours après, il m’a confié la gérance de ces taxis et ses maisons en location à Conakry. Un autre chauffeur a été choisi pour déposer les enfants à l’école.  Je vous assure que depuis ce jour, je voyage avec mon patron partout où il a investi », révèle Moriba Manemou. ancien chauffeur, qui est présentement le gérant des biens de son patron. Ce qui n’est pas le cas de certains chauffeurs qui n’hésitent pas à mentir à leurs patrons.

Il faut rendre hommage aux patrons qui traitent bien leurs chauffeurs

Il faut cependant féliciter les patrons qui ont décidé de traiter humainement leurs chauffeurs. Des exceptions qui confirment la règle. D’autres chauffeurs sont bien traités. Des chauffeurs sont assurés et déclarés à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale. Des patrons prennent leurs chauffeurs pour leurs propres parents. Certains même deviennent leurs hommes de main. D’autres sont traités comme des princes. Surtout quand le patron est absent, on lui confie tout. Il a beaucoup de privilèges et beaucoup d’avantages.

Il faut respecter la législation du travail

Les lois du travail sont claires en la matière et doivent être respectées. Car, dans ce schéma, des chauffeurs vivent un véritable calvaire avec leurs patrons. À défaut de lui payer les heures supplémentaires, il a au moins le droit à un minimum de respect. A côté des chauffeurs du personnel privé ou public, il y a une autre race de conducteurs ou pilotes de tricycle

A côté des chauffeurs qui broient du noir, une autre race de pilotes de tricycle qui défient la mort et jouent avec la vie des passagers

À Sonfonia-gare, les taxis-tricycles, communément appelés ‘’Bombona’’, sont les seuls moyens de transport en commun. Devant l’âge juvénile des conducteurs et des nombreuses dérives, les populations n’ont pas vraiment le choix, sinon de s’y accommoder..

Depuis 2014, ils ont interdiction formelle, selon une note du ministère des Transports et celle du ministère de la Sécurité, de circuler à Kaloum, plus particulièrement  sur les grands axes (Aéroport-Km36, Hamdallaye-Kenendé. Ils ne peuvent uniquement circuler que dans les sous-quartiers. Eux, ce sont les taxis-tricycles. On les appelle généralement «Bombonan». Ils doivent leur nom à la proximité ou promiscuité des usagers qui s’aventurent à les emprunter. A l’origine, ce sont des motos tricycles aménagés pour transporter des passagers contrairement aux tricycles ordinaires exclusivement consacrés au transport de biens et de marchandises.

À Conakry et souvent bien au-delà, la majorité des endroits où ils ont autorisation de circuler, ces engins à trois roues sont abandonnés par les propriétaires, entre les mains des adolescents à peine tirés de l’enfance. Aux guidons de ces motos à trois roues, ces gamins se permettent tout, et absolument tout, malgré la présence à bord, de passagers qui pourraient être leur père et mère, au vu de leur âge. Ils ne se sentent aucunement dissuadés.  Dans les communes de Ratoma, Sonfonia, Kagbelen les populations de ces nouveaux quartiers en plein essor, considèrent ce moyen de transport comme un mal pour un bien. Elles n’ont d’ailleurs pas tellement le choix.

Ici, c’est le seul moyen de déplacement en commun. C’est à prendre ou à laisser. À défaut, il faut pouvoir vraiment faire confiance à la force et l’endurance de ses pieds, et sa capacité à marcher sur une longue distance, très souvent, avec des bagages. Ce dimanche 19mai 2024, l’affluence est particulière à la gare des taxis-tricycles de Dixinn-Pharma-Guinée. Les nombreuses personnes qui vont et viennent, en ce jour de Dieu, constituent une clientèle plus que juteuse pour ces enfants taximen, présents en nombre en ces lieux. Il est 13h35, Abdoul Diallo a déjà effectué plus de tours que d’ordinaire.

Ici on roule à haut vol, Dieu fera le reste

Il ne faut pas plus de 10 minutes pour voir les 5 places de son véhicule toutes occupées. Au guidon de son engin, ce gamin d’à peine 18 ans, se sent comme poussé des ailles, au point de vouloir s’envoler à toute vitesse. Lui et ses clients avec. Sur cette voie nouvellement bitumée (Dixinn-Stade-Bellevue) avec la chaussée glissante, et parsemée de nids-de-poule et de flaques d’eau (Bellevue-Kagbelen), Abdoul fonce à vive allure. À l’arrière, ce sont les passagers qui encaissent les effets des secousses. Ici, chaque seconde passée à bord des «Bombona» est comparable à des montagnes russes. Même pour les habitués. Si ce n’est pas la tête qui frappe contre le haut de l’habitacle, c’est tout le corps qui est soumis aux multiples cahots. Le leitmotiv est le même sur toutes les lèvres : le temps, c’est de l’argent. La recette la plus belle sera à celui qui aura fait le plus de tours. Alors, pas question de perdre une miette de temps. « Ces enfants sont vraiment incorrigibles. Chaque fois, on leur parle, on les exhorte à la bonne conduite, mais ils n’en font qu’à leur tête », peste Christophe Gbalamou, un habitué de ces engins.

La drogue et l’alcool dans les veines, guidon aux mains…

Pour lui, « le problème, c’est qu’il n’y pas d’alternative pour l’instant. Sinon, monter dans ces taxis, c’est un vrai calvaire, surtout pour les femmes enceintes, les malades ou les personnes âgées. Surtout quand ils consomment leur boisson-là, ce n’est plus la peine de leur parler, ils n’entendent plus rien ». Ruth Ouendouno n’habite ce quartier que depuis quelques mois.

Elle se dit déjà très agacée par l’attitude de ces jeunes adolescents sur la route. « C’est un bon moyen de transport, mais ce sont ces enfants au guidon qui deviennent le problème. Ils n’ont pas l’âge d’avoir le permis de conduire et c’est à eux qu’on laisse ces engins. Malheureusement, c’est nous qui souffrons, parce qu’il n’y a pas d’alternative. C’est le seul moyen de transport ici », fulmine-t-elle. « Un moment, j’avais décidé de ne plus emprunter ces tricycles, parce que ça me rendait malade. Mais, quand on a des bagages, il est difficile de marcher. Ce qui m’énerve par-dessus tout, c’est quand ces enfants consomment des substances. Il faut qu’un regard soit porté par les autorités », exhorte la jeune dame. La drogue, ici, c’est l’une des plaies qui gangrènent l’activité. À en croire Gadhirou B, un des responsables de la gare, la consommation de l’alcool et souvent de stupéfiants, est à la base de ces comportements qui mettent en danger, l’intégrité physique des passagers. Une chose est sûre, quand on a déjà ingurgité plusieurs sachets de « Gin », et qu’on a ajouté à ce cocktail, quelques cannettes de  « Vody» il n’est pas rare pour un adolescent, de se sentir invincible. Et quand on leur pose la question, ces enfants assument pleinement. «Grand, ce sont des choses qu’on prend pour se mettre en  »l’aise (dans un état second) », avoue Abdoul, qui s’estime être un bon conducteur. Sans permis de conduire, ce sont ces gamins qui font la loi et dictent le tempo au milieu des véhicules personnels et autres, sur cet axe.

Des conducteurs à peine sortis de l’adolescence

Comme Abdoul, ils sont nombreux, dans pratiquement la même fourchette d’âge, à avoir fait de ce métier, leur gagne-pain quotidien. Et à leur suite, d’autres d’à peine 14 où 15 ans, rêvent, et attendent impatiemment le moment où ils pourront enfin démarrer un de ces engins, conduire des passagers et surtout gagner des sous. Si la plupart se considèrent toujours comme des élèves, on est en droit de se demander comment leurs parents veillent sur eux. « Je suis élève en classe de 11ème. Je viens ici quand je n’ai pas cours», nous apprend Abdoul. Si, ce qu’il dit est avéré, alors où trouve-t-il donc le temps d’étudier ? Gadiri lui, croit en savoir plus: « Il raconte n’importe quoi. Il ne va plus à l’école, il est tout le temps à la gare. On ne confie pas un taxi à un élève».

Si ces adolescents sont prêts à sacrifier leur vie scolaire, c’est à cause des sous qu’ils gagnent au travers de cette activité. Selon Abdoul, la recette journalière est fixée à 7000 Fcfa. « Les jours où ça marche bien, en plus de la recette et du plein de carburant que je fais pour le véhicule, je peux me retrouver avec un gain personnel de 200.000 francs guinéens. Quand ça ne marche pas trop, c’est 150.000 francs guinéens », nous susurre-t-il. C’est donc cette manne financière qui attire ces gamins et leur fait prendre toutes sortes de risques, sans se soucier du confort de leurs passagers. Que peuvent bien faire ces adolescents avec tout cet argent. « J’utilise cet argent pour subvenir à mes besoins. Souvent, j’aide aussi mes parents », répond notre ami Abdoul.

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