En Guinée, l’agriculture est l’activité principale de la plus grande partie de la population. Elle occupe une place primordiale dans le secteur socioéconomique du pays. En 2011, le gouvernement, dans sa politique de l’autosuffisance alimentaire, octroyait des engins agricoles aux différentes directions préfectorales d’agricultures du pays et dotait aussi des intrants agricoles aux paysans à des prix abordables afin d’améliorer la productivité agricole. Neuf ans après, la direction préfectorale de l’agriculture (DPA) de Kérouané manque d’équipements agricoles. Ce qui existe, ne fonctionne pas pour faute de pièces d’échanges.
Pour tout comprendre dans ce secteur et les problèmes des paysans, la rédaction locale de Guineenews© a reconcontré Youssouf Soumah, le directeur préfectoral de l’Agriculture à Kérouané (DPA). Interview
Guineenews© : Bonjour monsieur Soumah Youssouf ! pouvez-vous nous dire depuis combien d’années vous êtes le directeur préfectoral de l’Agriculture (DPA) à Kérouané ?
Youssouf Soumah : depuis 2008, j’ai été nommé directeur préfectoral de l’agriculture à Kérouané
Guineenews© : Kérouané est une zone agropastorale par excellence à cause de ses terres et de l’abondance de la pluviométrie. Mais c’est aussi une zone minière. Qu’en est-il de la population qui pratique l’agriculture ?
Youssouf Soumah : effectivement, la préfecture de Kérouané est une zone de production agricole, qui était renommée zone minière par excellence. Mais avec la faiblesse des prises du diamant, la population qui exploitait les mines, s’est retournée à la terre, presque les 95 % pratiquent l’agriculture. Elle est aussi une zone de transition entre la Forêt et la Haute Guinée avec une pluviométrie moyenne de 1 500 mm3 par an. Le riz, le manioc, le fonio, le maïs restent les produits phares de la zone.
Guineenews© : avez-vous une idée sur la superficie des terres cultivables de la préfecture de Kérouané ?
Youssouf Soumah : dans le cadre général, nous partons sur les bases d’estimation des données sur les superficies des plaines qui avaient été identifiées. On peut les estimer à 11 300 hectares en potentiel qui peuvent être aménagées, qui sont inondables et qui peuvent porter en matière de riziculture. Sur le koto en riziculture 12 660 hectares à peu près avaient été identifiés et les bas-fonds identifiés pour un potentiel de 3 000 dont 750 ont été aménagé par le projet PRODABEG sur 1000 hectares depuis la source de Djigbè jusqu’à la route de Beyla. En contre saison, sur les 750 hectares seulement les 300 hectares sont exploités par les paysans. Les ouvrages ont cédé, les canaux de drainage sont bouchés et des fuites d’eau créent des problèmes.
Guineenews© : comment s’effectue le système d’irrigation pendant les saisons des pluies et sèche ?
Youssouf Soumah : pendant la saison pluvieuse, il y a peu de soucis. Naturellement, les casiers sont remplis au contraire, la crainte qui est là, c’est l’inondation. Le drainage devient compliqué des fois. En saison sèche, on a des retenus d’eau qui ne permettent pas d’irriguer toutes les superficies donc la gestion devient compliquée. Souvent, pour éviter les fuites et augmenter la quantité d’eau, les paysans rafistole.
Guineenews© : quels sont les rendements de ces bas-fonds ?
Youssouf Soumah : pour ceux qui se lèvent très tôt et qui font un peu d’apports d’engrais de fond avec enfouissement, cela augmente le rendement de 50 à 100 kilogrammes qu’ils utilisent sur l’hectare. La production peut augmenter de 2 à 3 tonnes par hectare.
Guineenews© : à Kérouané, nombreux sont des paysans qui pratiquent l’agriculture avec un faible rendement. A cela est dû ?
Youssouf Soumah : cela est dû à beaucoup de facteurs. D’abord, la pauvreté de nos sols est un facteur marquant. Il faut signaler aussi le problème de semence. Ce n’est pas toutes les variétés de riz qui peuvent avoir un rendement élevé. La technique culturale des paysans agit beaucoup sur la baisse du rendement. Avec la politique agricole du gouvernement et l’appui de la vulgarisation, les conseillers agricoles résident partout. Généralement, les paysans sont encadrés depuis la semence jusqu’à la récolte.
Guineenews© : A quoi est dû le faible rendement agricole ?
Youssouf Soumah : il n’y a pas de formation adéquate au niveau des paysans. Il y a toujours des pertes, des gaspillages. C’est pourquoi, nous avons dans nos thèmes de formation généralement les petits calculs de compte d’exploitation qu’on fait apprendre aux paysans afin qu’ils comprennent de quoi il s’agit en matière d’exploitation agricole. C’est la politique que nous sommes en train d’adopter à tous les niveaux en passant par la sensibilisation. Sincèrement, avec une compétition engagée par rapport à la culture, des variétés nerica et ceka font leurs preuves. Les paysans sont en train de faire un grand rendement et faire des épargnés. S’il commence par un hectare, on remarque certains sont partis de 2 voire 3 hectares. Si on avait la chance que l’aménagement puisse connaître jour dans d’autres domaines, la population sans doute peut s’auto-suffire.
Guineenews© : les engrais qui viennent sont-ils utilisés par les paysans ou vous les vendez ailleurs ?
Youssouf Soumah : au départ, les paysans n’utilisaient pas les engrais. Maintenant avec l’arrivé des techniciens sur le terrain et avec la formation sur les parcelles de démonstration, ils ont compris que l’apport qui se faisait sur ces parcelles a prouvé que leurs sols étaient pauvres. Il fallait utiliser l’engrais. Le président Alpha Condé a fait du secteur agricole sa priorité. Avec l’appui du programme marocain, le il a beaucoup injecté dans le monde rural.
Aujourd’hui, avec le programme initiative présidentielle, il y a eu plus de 100 000 tonnes d’engrais qui ont été distribuées dans toutes les préfectures dont Kérouané a bénéficié 100 tonnes d’urée, 244 tonnes de triples, 267 tonnes de NPK, 40 tonnes pour l’engrais arachide que nous avons reçus pendant les trois campagnes.
Cette année, j’ai été surpris de voir certains paysans qui n’étaient pas du tout pour l’engrais, courent pour payer 2 à 3 sacs pour mettre sur le riz et sur le maïs.
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Guineenews© : avez-vous des agents sur le terrain qui s’occupent de la sensibilisation des paysans par rapport à l’utilisation des intrants comme l’herbicide, la pesticide et l’engrais ?
Youssouf Soumah : c’était une lutte engagée au départ. Les gens utilisaient n’importe comment ses produits et qui créaient beaucoup de problèmes. Quand les constats ont été remontés au niveau du département, il y a eu une prise des dispositions. Les agents ont fait le tour de toutes les communautés pour former les paysans en matière d’utilisation des produits phyto pilotée par le département. Certains utilisaient sans se protéger sans savoir le dosage.
Les paysans que nous avons encadrés ont compris que cela a des effets. Les premières semaines, l’herbe qui a une ou deux feuilles est combattu, cela agit beaucoup sur le rendement. L’herbicide, qui venait, était à hauteur de 6 000 à 8 000 litres sans compter ce que le marché parallèle envoyait qui était 2 ou 3 fois plus.
Pour la campagne passée, on a reçu 10 102 litres d’herbicides sélectifs pour toute la préfecture comme appoint. Le gouvernement continue à faire l’apport pour soulager les paysans en post levé et en prélevé et maïs.
Guineenews© : comment se répartissent des aides que vous recevez ?
Youssouf Soumah : les semences du riz, de soja, de maïs arrivent souvent en retard. Pour la campagne de 2018, on avait reçu 30 tonnes de riz qui avait été répartis dans les communautés.
Guineenews© : le gouvernement dans sa politique d’autosuffisance alimentaire avait mis en place un système de mécanisation d’où l’achat des tracteurs et des machines batteuses pour améliorer la production agricole. Qu’en est-il de ceux-là qu’on a mis à votre disposition ?
Youssouf Soumah : à ce jour, les machines sont en épave malheureusement. Au départ, il y a eu de faut pas par rapport à la gestion. Les conducteur et ceux qui suivaient les machines n’avaient pas été formés à l’utilisation des machines de sorte qu’il y a eu beaucoup de ratés malgré que la superficie cultivable avait grimpé. Sans ses machines, les paysans n’allaient pas bouger. Quand ces tracteurs sont venus, il y a eu une surexploitation et il manquait d’entretien. Le programme gouvernemental était là, il fallait l’appuyer pour que les paysans trouvent l’importance à la modernisation. Donc, on s’est forcé à faire travailler ces machines presque sur trois campagnes. Les paysans ont trouvé satisfaction.
Guineenews© : et les deux autres machines?
Youssouf Soumah : ces deux derniers tracteurs qui sont là malgré qu’ils ne soient pas en bon état, on se débrouille à les faire travailler. L’inquiétude que j’ai, il y a eu des grandes superficies qui ont été labourées cette année. Les deux moissonneuses sont complètement en panne. Les pièces d’échanges ne sont pas là et dans deux mois á Kérouané, les récoltes vont commencer. Nous sommes en train de poser le problème à qui de droit pour voir ce qu’on peut.
Avec l’initiative présidentielle qui a fait venir les moissonneuses batteuses qu’on appelle Kobris sont basées à Kankan et à Beyla. Mais avec le bas niveau des paysans, cela pose problème. Sur 30 hectares, il faut payer 18 millions sans compter le frais du porte-char. Donc, ça peut créer des difficultés. Comment approcher ces machines dans toutes les préfectures pour que les gens aient moins de problèmes d’approvisionnements.
Guineenews© : à vous croire, cela explique que la direction préfectorale de l’agriculture n’a pas un budget pour l’entretien de ces engins ?
Youssouf Soumah : ce problème de gestion est au niveau central. Il y avait une direction de machinisme qui pilotait le programme. Je vous assure que c’était des difficultés. L’approvisionnement en pièce créait des problèmes et les cassures étaient très fréquentes. Les zones de production sont complètement enclavées. Quand la machine se déplaçait c’était des cris entre le CPA (chef de prestation agricole) et la direction. Vous avez l’argent des gens, la machine est partie rester en cours de route, le travail n’est pas fait. Si ces structures pouvaient s’approcher aux directions préfectorales, ça pouvait corriger beaucoup de lacunes.
Guineenews© : est-ce l’agriculture et les pratiques agricoles demandant un recours excessif aux produits chimiques, peuvent avoir des effets négatifs sur l’écosystème, à l’irrigation et au travail mécanisé du sol ?
Youssouf Soumah : aujourd’hui, nous avons des difficultés par rapport à notre manger. Ça part même de l’utilisation de ces intrants et ces intrants sont très mal gérés avec les pesticides. Il faut se méfier quand les gens ont une tendance par rapport à la bio-alimentation. Nous nous faisons encore recours à ces produits pour pouvoir booster la production. Les herbicides nous aident à améliorer la production, les engrais également. Il faut qu’on commence à réfléchir sur le dosage à appliquer. Les façons de conserver nos mangers crée de problèmes quand nous prenons les tubercules pour les paysans qui font sécher le manioc utilisent des produits chimiques et ses pratiques sont à soigner chez les paysans.
Guineenews© : quelle mesure compensatoire envisagez-vous ?
Youssouf Soumah : l’essor qu’on est en train de connaître en matière de développement est ce programme d’aménagement hydro-agricole pour faire booster la production. Aujourd’hui, nous sommes dans l’agriculture aléatoire. Je pense qu’avec les programmes qui sont envisagés, tous ces problèmes vont être solutionnés surtout avec l’appui des projets. En Haute Guinée, Kérouané est une grande zone de production de fonio. Près 1 200 tonnes de sortie par an. Mais, elle reste toujours un poste de pauvreté. Avec l’avènement de l’acajou, Sézanne blanc et le maïs, les paysans commencent à avoir de revenus.
Guineenews© : votre dernier mot ?
Youssouf Soumah : je commencerais par saluer le gouvernement dans tout ce qu’il est en train de faire en matière d’appui pour la promotion du secteur agricole. L’inquiétude que je pourrais avoir, c’est par rapport au problème du personnel. En matière d’agent du développement rural, la formation presque n’est pas continue. Le recrutement n’est pas en fonction des retraites. Chaque année, ce sont des centaines qui partent et il n’y a pas de recrutements. Ceux qui ont une petite formation sont en train de partir. Le souci majeur s’est non seulement la formation, mais aussi à l’emploi des jeunes cadres pour que la relève soit vite préparée à temps. Troisième aspect, il y a les difficultés de fonctionnement au niveau du service en matière de conseillers agricoles. Et, faute de financement, le carburant ne vient pas à temps.
Le programme de semence qui est déjà entamé avec le nerika, c’est bon. Nous voudrions que la recherche pense aux variétés à cycle de grande taille pour les plaines qui va diminuer le souci de l’inondation.