Site icon Guinéenews©

« Haïré-Labé », une pierre mythique en péril : des jeunes se mobilisent pour sécuriser ce patrimoine historique

Peu connu du grand public, la légendaire pierre communément appelée « Haïré-Labé » (littéralement PIERRE DE LABÉ) située à Telidjé, un secteur du quartier Koulidara de la commune urbaine de Labé est visiblement menacée et même si rien n’est fait en phase de disparition, a appris les reporters de la rédaction locale de votre quotidien électronique guinéenews. 

Pourtant selon nos informations, le site de ‘’Haïré-Labé’’ a été aménagé par le roi Djallonké Manga Labé qui fut un chef (païen) des premiers occupants de la zone vers les années 1700″. En Djallonké, Manga = RoiLabé = bas. Donc, LABÉ (la ville de Karamoko Alpha) a été tirée du nom de ce roi Djallonké (Manga-Labé). La pierre de Labé dont on parle, servait à ce dernier ainsi qu’à sa communauté de lieu de repos, de dévotion, et de vénération.

Un lieu incontournable dans l’histoire des origines de la cité de Labé d’où l’urgence de protéger et de préserver cet endroit culturel qui serait le plus vieux de la capitale du Fouta Djallon. C’est ainsi que des jeunes dudit secteur ayant grandi autour de cette pierre décident de prendre leurs responsabilités vis-à-vis de ce site historique. 

« Je suis né à Telidjè et c’est là que j’ai grandi. Actuellement je fais partie des responsables de la jeunesse du Secteur. D’après mes recherches auprés des sages du secteur, cette pierre est plus vieille que l’histoire du Fouta Théocratique. Selon eux, elle était plus grande que ce qui est là aujourd’hui. Personnellement j’ai fait le même constat car c’est une pierre plus grande que j’avais connu lorsque j’étais enfant. J’ai même été à Mamou à la rencontre de docteur Macka qui a fait une partie de ses études en Egypte et qui m’a confirmé qu’il y a des pierres qui diminuent en taille au fur des années », entame Thierno Sadou Barry.

Et de poursuivre : « pour ce qui est de cette pierre, vous savez que l’installation des Djallonkés au Fouta est un peu floue parce qu’ils ne furent pas les premiers occupants. Il y en avait d’autres bien avant eux. Maintenant on dit que ces Djallonkés sont de la lignée des Mandée qui regroupent des Sousous et des Djallonkés. Que les Djallonkés sont venus occuper un vaste espace du côté gauche du fleuve Niger au 12éme siecle. L’espace en question s’appelle Koulikoro et 

Ségou. Ils etaient voisins au peuple Songhraï qui vivaient dans la partie gauche de Siguiri. Donc, les Keita de l’empire du Mali vivaient également  dans la même zone. Alors, c’est suite à un violent conflit entre ces differents peuples que les Djallonkés auraient quitté pour venir vers le Fouta precisement ici à Labé. C’est trois grandes familles qui sont venues, il s’agit des keita, Camara et Niakasso », enchaine-t-il.

A l’époque les Djallonkés se seraient installés principalement à Telidjé et c’est eux qui ont donné ce nom à en croire à notre interlocuteur.  « Selon nos informations, les abords  de cette pierre étaient bien amenagés par des buissons avec à côté beaucoup d’autres pierres. Que c’est à cet endroit que le roi des Djallonkés se reposait car il y avait deux chefs à leur arrivée au Fouta. Il y avait Manga-Labè dont la ville de Labé porte le nom et qui habitait dans les environs de Koulidara. Le second c’est Manga-Domby dont le secteur, Domby porte aussi le nom. Manga Domby est l’ancêtre des habitants de Sangala qui est une localite située à Balaki dans la préfecture de Mali. Donc, quand Manga-Labé quittait le centre ville, il passait par le barrage qui porte actuellement son nom pour aboutir àTelidjé afin de se reposer à côté de la pierre appelée Haîré Labé », rapporte ce jeune de Telidjé.

Loin d’une adoration, des enfants du quartier Koulidara visitaient Haîré-Labé. « A l’enfance, comme vous savez, les enfants immitent tout ce qu’ils voient. Nous, on venait lors des fêtes en groupes pour tirer des fils de notre tenue et mettre sur la pierre en faisant le vœu d’avoir une tenue identique. Tu pouvais trouver beaucoup de fils laissès par des enfants. Çà n‘avait aucun fondement religieux. Mais avant, c’était un important lieu de culte pour les Djallonkés et voila pourquoi l’endroit était mysthique. Des gens y déposaient des colas, des sacrifices, … Un jour sous nos yeux quelqu’un y a deposé des colas et une somme de 700 GNF avant de faire deux rakkats (vers les années 1980). Donc, voilà des souvenirs de Haîré Labé», explique Thierno Sadou Barry.

Il faut préciser que de nos jours, aucune activité religieuse n’y ai effectuée. Et en dehors de quelques rares visites, le lieu est abandonné à tel point qu’il a failli être rasé lors du dernier lotissement enregistré dans la zone. « Le service de l’urbanisme et de l’habitat avait fait passer une route dans le perimetre de la pierre à l’occasion d’un lotissement. Mais on est intervenu et c’est fût corrigé. Le terrain sur lequel se trouve la pierre appartient à notre famille et c’est un lieu commun qui n’appartient pas à une seule personne et ce n’est pas aussi grand. Donc on a pris des dispositions pour protéger le site; mais que les gens comprennent qu’on est pas des païens et ce n’est pas un lieu de culte qu’on est en train d’aménager. On le fait juste pour conserver ce lieu historique car cette pierre fait partie de l‘histoire de Labé. Des organisations ont même voulu amenager le lieu afin que ça soit approprié pour des visites touristiques. C‘est un patrimoine pour la Guinee et l‘Afrique.  Voila pourquoi on s’est dit qu’il faut coûte que coûte preserver ce site », précise-t-il.

« Souvent il y a des debats qui ramenent cela à l’animisme pour dire que des musulmans ne doivent pas s’occuper de cela mais ils doivent savoir que cette pierre est une partie intégrante de notre Histoire. C‘est un peu comme les pyramides d’Egypte. Venir voir cela n‘est pas de l’animisme. La culture et la religion se completent. Donc, les jeunes sont tres mobilisés pour sécuriser le site et on demande à l’Etat de faire attention à ce site car si on n’était pas intervenu la route allait passer dessus et qui sait demain quelqu’un peut venir détruire tout si aucun amenagement n’y est fait. A ce jour, il y a beaucoup de jeunes du quartier qui peuvent vous conter cette légende », insiste Thierno Sadou Barry.

En plus de celle de Labé, il y avait d’autres pierres dans la préfecture, soutient notre interlocuteur. « C’est facile à repérer et on est dans le secteur pour faciliter les visites. Les gens doivent aussi comprendre qu’il y avait trois pierres à Labé.

Haire-Labé, Labé-Dheppére et Dara-Labé.

A Labé-Deppére, c’est là où la pierre était qu’ils ont construite la mosquée. Dara-Labé aussi la même chose. C’est seulement chez nous à Koulidara ici que la mosquée fut réalisée ailleurs.

Il faut enfin signaler que Haïré-Labé est desormais visible à distance derrière  le secteur Telidjé tout près du centre de santé.

Quitter la version mobile