La toute nouvelle Cour de Répression des Infractions Economiques et Financières (CRIEF) a suscité beaucoup d’espoir à sa création, tant l’impunité est une tradition ancrée en Guinée en matière de vols, corruptions et autres délinquances financières lorsque ces infractions concernent des hauts commis de l’Etat.
Néanmoins, trois semaines après sa prise de fonction, la CRIEF fait l’objet déjà de reproches et critiques à maints égards.
Primo, dans le choix des dossiers à juger, les affaires les plus récentes n’ont pas été privilégiées par la CRIEF. En effet, une vingtaine de dossiers datant presque tous de Mathusalem comme la vente d’Air Guinée, Futurelec, CBK,Guinomar, etc ont été prioritairement triés et déposés chez le procureur spécial de la CRIEF Aly Touré. En effet, sur la vingtaine de dossiers pendants devant cette cour, seuls trois se rapportent à une gestion des cinq dernières années. Certains ont vu dans l’exhumation de ces dossiers préhistoriques, une manœuvre pour noircir le casier judiciaire de certains leaders politiques afin de les évincer des prochaines joutes électorales.
A contrario et curieusement, pendant que tous les hauts dignitaires du régime d’Alpha Condé subissent la rigueur des mesures conservatoires qui leur privent de leurs documents de voyages et d’accès à leurs comptes bancaires, aucune information judiciaire, le plus souvent, n’est encore ouverte à leur encontre.
Secundo, les soupçons de corruption et de concussion dans les deux secteurs pécuniairement privilégiés de la gouvernance d’Alpha Condé, à savoir les recettes minières et les dépenses énergétiques, n’ont pas encore suscité la curiosité des magistrats de la CRIEF. En effet, aucune information n’a été ouverte à ce jour sur les raisons de la paradoxale faiblesse des revenus miniers de l’Etat guinéen malgré le boom bauxitique, et sur les coûts disproportionnés de la construction des barrages hydroélectriques.
Tertio et enfin, comment comprendre que la CRIEF ne se questionne pas sur la régularité de toutes les dépenses de l’Armée guinéenne, lorsque l’on voit la part du lion que s’est toujours taillée cette entité dans le budget de l’Etat, le train de vie et les réalisations de l’oligarchie militaire, du régime de Lansana Conté à aujourd’hui ? A moins que la boussole de la CRIEF n’indique pas le nord lorsque les militaires s’y trouvent.