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Explosion du dépôt de Kaloum : la triste fin d’un travailleur au port de Conakry (témoignage)

Il m’a dit qu’il n’aimait pas travailler les dimanches et moi-même je ne voulais pas du tout qu’il y aille mais il m’a convaincue

L’explosion du dépôt d’hydrocarbures de Kaloum survenue dans la nuit du dimanche au lundi 18 décembre 2023, a endeuillé plusieurs familles à Conakry. Parmi elles, figure la famille de Mamoudou Sidibé, employé au port autonome de Conakry. Cette victime a été consumée par les flammes selon ses collègues, laissant derrière lui une veuve et quatre enfants dont trois garçons âgés entre dix et cinq ans, et une petite fille de sept mois.

Trois jours après, la famille est encore partagée entre peine et inquiétude. La veuve nourrice d’une fille de moins d’une année est inconsolable. Entourée de sa belle famille et des parents venus à son chevet, Aminata Sidibé veuve du défunt se remémore des derniers moments avec son époux.
« C’était le samedi. J’étais avec mon mari quand son chef l’a appelé. C’est ainsi qu’il m’a dit, (je t’avais promis de faire le week-end avec toi mais on vient de m’informer qu’un bateau va accoster le dimanche donc il y aura du boulot). Il m’a dit qu’il n’aimait pas travailler les dimanches et moi même je ne voulais pas du tout qu’il y aille mais il m’a convaincue. Le dimanche matin, dans les environs de 10 heures on s’est assis en famille au salon. Il m’a dévisagé pendant longtemps et quand je lui ai demandé pourquoi, il m’a dit de le laisser me regarder (…) après il a fait bisous à tous nos enfants sauf la petite qui a refusé. Quand j’ai voulu sortir, il m’a dit de ne pas y aller tant que lui n’est pas parti au boulot. Je n’ai pas discuté. Il a fini de s’apprêter et il a mis ce jour une paire de chaussures neuve qu’il n’avait jamais portée avant. Il nous a demandé les enfants et à moi de lui faire des bénédictions. Quand j’ai fini de le faire, il est sorti mais il s’était aussitôt retourné parce qu’il avait oublié sa tenue. Il l’a prise et on s’est dit au revoir cette fois pour de bon », a-t-elle relaté.
Quelques heures avant l’explosion, (le dimanche la nuit, à 21heures), le défunt a appelé sa femme. Ce qui a été leurs dernières conversations. « Nous avions beaucoup parlé et il m’a dit de faire rentrer les enfants et tous nos effets et de fermer la porte. J’ai fait ça et avec les enfants nous nous sommes endormis.
Mais d’habitude, quand il est au travail, on s’appelle tout le temps mais ce jour nous n’avions parlé qu’une seule fois.
Le lundi matin, j’ai appris ce qui s’est passé en ville la nuit mais je n’ai jamais pensé que c’était où mon mari travaillait.
J’ai appelé son numéro mais c’était injoignable. Je me suis inquiétée parce que ce n’est pas dans ses habitudes. Il m’appelle tous les matins dès mon réveil pour demander après les enfants. Après un moment, j’ai entendu les enfants crier papa est là et je suis aussi sortie toute contente. Mais c’était la voiture de service avec les collègues et les chefs de mon mari. Quand je les ai vus, je me suis directement dit que quelque chose est arrivé à mon mari parce que ceux-ci là ne viennent  chez nous que dans ce cadre. Donc j’ai directement crié et je suis rentrée dans la maison. La délégation est partie voir mes voisins et ils sont venus m’annoncer que l’explosion qu’il y a eu à Kaloum, mon mari était parmi les personnes touchées. Qu’il est resté dans les flammes là-bas. J’ai fondu en larmes et j’ai appelé ma maman et mes beaux. Ensuite, j’ai rappelé son ami pour lui demander s’il était vraiment sûr que mon mari était décédé parce que moi je ne croyais pas. Dans la journée, j’ai continué de tenter le numéro de mon mari dans l’espoir qu’il réponde. Le téléphone a sonné mais il n’a jamais répondu. J’ai rappelé son collègue un certain Camara pour qu’il vérifie bien si mon mari était mort. Je lui ai dit que le téléphone sonne encore et je ne croirai à sa mort que quand je verrai le cadavre. Je leur ai dit que mon mari met toujours son téléphone sur lui et celui-ci continue de sonner donc de vérifier si ses effets sont encore là-bas. Mais ils m’ont dit qu’il ne peuvent le savoir maintenant. Ils m’ont promis qu’ils vont vérifier dans les décombres et me dire la suite. Jusqu’à présent je suis dans l’attente là ».
Selon la famille, des démarches ont été menées pour voir le corps mais en vain.  » Nous avons été voir à Donka, du palais partout où les victimes sont mais nous n’avons retrouvé nulle part son corps. La société qui l’emploie nous a rassurés qu’elle est sur les démarches et nous tiendra informer de ce qu’il y a lieu de faire. Donc, nous continuons de faire le deuil de notre frère « , a témoigné un des membres de sa famille.
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