Environnement : Des eaux d’égouts utilisées pour l’arrosage des potagers, à Fria
Mamadou Guèye
En génie civil, les regards sont des bassins de tailles différentes construits en dur pour récupérer les déchets organiques et les eaux émanant des toilettes afin de les orienter vers les fausses septiques.
Dans la Cité de l’Alumine, tous les quartiers ou presque, ainsi que les bordures des routes sont systématiquement utilisés pour faire des potagers. Mais les endroits les plus convoités sont là où on peut trouver des eaux de ruissèlement des regards.
Par ailleurs, faut-il rappeler, que des cas de morts dus à la consommation des salades et légumes souillées ont été enregistrés dans la préfecture de Fria en 1994.
Les raisons de l’utilisation des égouts
La rareté de l’eau dans des quartiers (pendant la saison sèche notamment) amène les jardiniers à se tourner vers ces regards qui, selon eux, sont riches en engrais. Ce sont, entre autres, raisons invoquées pour justifier l’utilisation de ces égouts pour l’arrosage des potagers.
« L’eau des regards que nous utilisons est riche en engrais pour les salades que je plante. Je le fais il y a plus de dix ans et je m’en sors très bien. Vous-même, vous savez que le problème d’eau se pose à Fria. Où voulez-vous que je prenne l’eau pour arroser mes salades. Les eaux des regards ne tarissent pas, donc ça nous arrange beaucoup», a déclaré Ibrahima Conté.
C’est le même son de cloche chez N’Namarie Camara qui ne se soucie pas du danger qu’elle court.
«Vraiment, je ne vois pas ce qui est dangereux dans l’utilisation de l’eau des regards pour arroser mes salades, tomates et oignons que je plante. Tout le monde sait que c’est avec cette eau-là que nous arrivons à arroser nos potagers ; elle est riche en engrais. C’est pareil pour les excréments des bœufs que l’on utilise dans les grandes plantations. En Guinée, quand tu gagnes bien ta vie, il y a toujours des gens qui veulent te créer des problèmes. Monsieur le journaliste, pardon il faut nous laisser tranquilles. Dis à ta femme de faire comme moi, ce sera bien pour vous aussi», réagit-elle.
Cette pratique se fait au quotidien, au su et au vu des cadres de la direction de l’Environnement.
Que fait la Direction préfectorale de l’Environnement face à une telle situation ?
Interrogé sur ce fléau qui continue de prendre de l’ampleur dans la cité, Zao Guilavogui, premier responsable local du département de l’Environnement dit avoir utilisé toutes les solutions mais qui, hélas, sont restées vaines. Il aurait même failli se faire lyncher par des surveillants de nuit.
« C’est vraiment dommage que cette situation ne trouve pas de solution jusqu’à présent. Quand j’ai pris fonction à Fria, la lutte contre cette pratique était inscrite dans ma feuille de route. J’ai même été épaulé par les gradeurs de la compagnie du temps de Pechiney pour débarrasser les emprises de ces potagers. Malgré tout, les populations faisaient de la résistance. Et je me suis rendu compte que c’était peine perdue. Mais voulant atteindre mon objectif, je poursuivais mon combat. Une nuit, j’ai failli être la proie des surveillants de nuit qui m’ont pourchassé. Depuis cette nuit-là, j’ai compris que le combat n’allait pas avoir une suite favorable », estime-t-il.
Les mesures prises par la Direction préfectorale de la Santé
La Direction Préfectorale de la Santé ne voudrait pas être en marge de cette situation. Elle se dit inquiète et interpelle les jardiniers afin qu’ils creusent plutôt des puits artisanaux en lieu et place des égouts qui ne sont vraiment pas hygiéniques et qui constituent un perpétuel danger pour la santé. Par conséquent, elle sollicite les services intéressés à plus de sensibilisation. Car, selon elle, prévenir vaut mieux que guérir.
La situation socioéconomique de la cité est telle qu’il serait très difficile de voir les potagers disparaître, quand on sait que la pauvreté a pris le dessus sur bon nombre de familles.
Les autorités à tous les niveaux doivent dans ce cas se pencher sur cette problématique pour que ces jardiniers puissent bénéficier eux aussi des engrais.