De tous les besoins des citadins, celui de trouver un endroit approprié où se mettre à l’aise est certainement l’un des plus cruciaux. Malheureusement la capitale guinéenne est aujourd’hui l’un de ces endroits au monde où il n’est pas donné aux habitants la possibilité de satisfaire ce type de besoin dans les conditions qui préservent leur santé, leur sécurité et leur dignité. Faute de toilettes publiques disponibles, c’est dans les buissons, les berges des côtes maritimes, les cimetières abandonnés ou à l’intérieur des fossés de drainage que la plupart des gens vont faire leurs besoins. Cela constitue en soi un problème majeur de santé et de sécurité publiques mais aussi de déni de la dignité humaine. Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), un gramme de fèces peut contenir 10 millions de virus, un million de bactéries et mille kystes parasites. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) signale à son tour que les mauvaises pratiques d’assainissement et d’hygiène (par exemple, ne pas se laver les mains au savon après avoir déféqué et avant de manger) contribuent à plus de 800 000 décès dus à la diarrhée chaque année à travers le monde, ce qui dépasse les décès liés au paludisme.
Devant ce grave danger, la situation ne va que de mal en pis pour les habitants de Conakry. Même les grands marchés de la capitale ne sont pas épargnés. Une promenade au marché Madina par exemple marquera à tout jamais le visiteur qui se souviendra de ces odeurs nauséabondes que dégagent les toilettes publiques et qui rendent aujourd’hui difficile la circulation aux alentours de ces lieux sans pincer les narines. Ceci rend les courses de l’usager désagréables et honteusement déplaisantes. De même, les marchés Niger, Bonfi, Gbessia et Matoto pour ne citer que ceux-là, souffrent eux aussi d’un manque criant de toilettes publiques. Les quelques rares qui existent sont impraticables. Une situation que déplorent les usagers et les commerçants. Pour pouvoir se soulager, nombreux sont obligés de prendre d’assaut les concessions situées aux alentours de ces marchés, en allant plaider leurs propriétaires de leur laisser utiliser leurs toilettes. Les autres qui se gênent moins, n’hésitent pas d’aller se camoufler dans un coin de la place publique à proximité des marchés pour se débarrasser de leurs charges.
À Matoto, un marchand de produits alimentaires estime que le manque chronique de toilettes est un véritable problème : « Nous payons quotidiennement les taxes municipales, malheureusement toutes nos préoccupations ne sont pas prises en compte par les autorités de la Commune. Nous avons protesté mais personne ne nous entend. Ici les toilettes sont rares et dans un très mauvais état. De plus, le marché ne fait que se densifier et ce sont des milliers de visiteurs qui s’y rendent chaque jour pour faire leurs courses. » témoigne t-il. D’autres se plaignent de la rareté de l’eau dans les toilettes : « Le marché est notre deuxième maison, nous devons y trouver le minimum de bien être, mais il est désolant de constater que tel n’est pas le cas. Je me demande où va l’argent des taxes municipales. ». La situation est la même dans tous les autres marchés de la capitale. Tous demandent aux autorités de réagir le plus rapidement possible pour régler le problème.
Pourtant depuis 2010, l’Organisation des Nations unies (ONU) considère l’accès à l’eau et à un réseau d’assainissement adéquat comme un droit fondamental. Mme Nicole Hurtubise, la PDG de l’ONG WaterAid Canada, œuvrant pour l’amélioration de l’accès à l’eau potable et à des installations sanitaires estime que « L’eau et l’assainissement sont la clé pour réduire la pauvreté. On ne se rend pas compte de l’impact qu’une toilette peut avoir dans la vie d’une personne – au niveau de la santé, de l’éducation, de la croissance économique et du rôle des femmes dans la société ». Ceci montre l’urgence pour les autorités de la capitale guinéenne d’endosser leur responsabilité en prenant les mesures nécessaires pour doter Conakry de toilettes publiques adéquates. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « une toilette dite adéquate doit empêcher tout contact entre l’homme et des excréments humains. Les installations communes sont des installations d’assainissement améliorées acceptables. Mais les latrines à fosse sans dalle, les fosses en plein air, les toilettes ou latrines suspendues, les latrines à seau et la défécation à l’air libre ne sont pas des moyens sanitaires. »
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